Les différences fiscales entre la France et le Pays pénalisent une étudiante polynésienne

Vanessa, étudiante polynésienne en stage à l'ONU, s'est vue refusée la bourse appelée " aide à la mobilité internationale" en raison de son impossibilité à présenter un avis d'imposition métropolitain. Pour pouvoir partir, elle a du faire un emprunt de 5000 euros. (Photo : DR)
Vanessa, étudiante polynésienne en stage à l'ONU, s'est vue refuser la bourse appelée " aide à la mobilité internationale" en raison de son impossibilité à présenter un avis d'imposition métropolitain. Pour pouvoir partir, elle a du faire un emprunt supplémentaire de 5000 euros. (Photo : DR)
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Fa’aitoito ! Parce qu’il en faut du courage aux jeunes du Fenua qui partent étudier en France. Ils sont nés sur un territoire français, ils ont un passeport français. Malgré tout, c’est parfois un réel parcours du combattant auquel ils doivent faire face. Carcan administratif, différence de fiscalité…, sont alors de vrais freins pour trouver un logement, pour avoir une sécurité sécurité sociale, ou bien encore pour obtenir des bourses. Vanessa, 28 ans, étudiante polynésienne en Métropole, au parcours estudiantin remarquable, en a fait l’amère expérience. Témoignage.

Elle arrive en France en 2014, juste après son bac. A l’époque, les premières galères sont liées à la demande d’une bourse d’État, qu’elle réussit finalement par obtenir. Elle est alors boursière échelon 4. Pas suffisant pour pouvoir partir étudier et vivre en Métropole. Vanessa est obligée de faire un premier prêt étudiant de 10 000 euros.

Vient ensuite l’étape du logement. Les démarches, ici encore, se font non sans mal, pour celle qui obtient avant son départ, un bac avec mention très bien. Pendant ses recherches d’hébergements, Vanessa explique que “personne n’acceptait des cautions d’étrangers” et ajoute “alors qu’encore une fois, on vient de Polynésie française ! ” Elle obtient alors par la suite, non sans difficulté une fois de plus, un logement du Centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous).

Ces obstacles passés, elle connaît ensuite un parcours étudiant exemplaire jusqu’à l’obtention de son master 2 en langues (anglais, espagnol, portugais et chinois). Elle a d’ailleurs l’opportunité d’effectuer cette dernière année d’études aux États-Unis, à Austin, Texas. Opportunité possible grâce à “l’Aide à la mobilité internationale” (lire notre encadré ci-dessous), que Vanessa obtient, cette fois sans problème particulier, de son école.

Une opportunité de stage à l’ONU mise à mal pour des différences fiscales entre la France et la Polynésie française

Après l’obtention de son diplôme et une pause de deux années pour travailler, Vanessa reprend ses études en 2021. Elle intègre un master en relations internationales et diplomatie. Pour sa première année, elle arrive à se financer grâce à ses deux années passées à travailler et une bourse d’Etat, cette fois d’échelon 5. Mais pour la seconde année de master, malgré la bourse, elle est obligée de faire un nouveau prêt, cette fois de 20 000 euros.

L’étudiante brillante trouve ensuite un stage non rémunéré dans une institution de renom et d’actualité en Polynésie française : l’Organisation des Nations Unies (ONU) à New York. La ville est chère, très chère. Vanessa pense alors pouvoir obtenir “l’Aide à la mobilité internationale”, aide qu’elle avait pu obtenir une première fois lors de son premier master et de son année universitaire aux États-Unis.

Sauf que cette fois-ci, les choses ne se passent pas comme prévu. Après des mois de combat (depuis janvier 2023) et de relances, l’aide demandée n’est pas accordée par l’école. Raison du refus : l’impossibilité pour Vanessa de présenter une feuille d’imposition métropolitaine. Réponse de l’école : “Ne pas pouvoir présenter d’avis d’imposition a joué en votre défaveur.”

Vanessa avec le drapeau de la Polynésie française à l’ONU. (Photo : DR)

Un emprunt supplémentaire de 5 000 euros pour pouvoir effectuer son stage à l’ONU

Elle demande alors de l’aide aux députés de Polynésie française au palais Bourbon, aux sénateurs, mais la situation reste inchangée. Elle se rapproche aussi de la délégation de la Polynésie française à Paris qui l’informe qu’il n’existe aucune bourse pour les étudiants partant en stage à l’étranger. Une personne du ministère des outre-mer envoie aussi un courriel à l’école de Vanessa. Celui-ci restera sans réponse.

Vanessa est abattue mais pas résignée. Elle décide alors de faire un prêt supplémentaire, en plus des 20 000 euros déjà empruntés, de 5 000 euros. Elle doit d’ailleurs décaler son départ aux Etats-Unis en attendant d’obtenir son prêt. Elle est actuellement à New York depuis avril 2023. Elle aurait du s’y trouver dès février 2023.

Sans cette différence de fiscalité, l’école aurait probablement accordé le prêt à la jeune femme. L’école ne semble avoir finalement fait qu’appliquer les textes à la lettre. Vanessa ne désespère cependant pas d’obtenir cette aide : “je pense que je vais continuer (d’essayer d’obtenir l’aide, Ndlr). L’emprunt de 5 000 euros que j’ai fait est insuffisant pour vivre à New York.”

“J’avoue que j’ai plusieurs fois pensé à abandonner. Mais je me suis dit, pour tous les étudiants ultramarins, que cela ne doit plus arriver. Que les gens sachent qu’on ne peut pas nous traiter différemment des autres citoyens français. Qu’on mérite aussi d’avoir des bourses, de faire des stages à l’ONU, à New York. Je vais continuer mon combat jusqu’à ce qu’il y ait une reconnaissance que la Polynésie française puisse faire des demandes de bourses“, conclut Vanessa.

Vanessa effectue un stage à l’ONU en qualité de global communication/traduction et consultante pour les populations autochtones du Pacifique. (Photo : DR)

L’Aide à la mobilité internationale

L’aide à la mobilité internationale permet de suivre une formation à l’étranger dans un cadre d’échange ou bien d’effectuer un stage à l’étranger. Cette aide, d’un montant de 400 euros par mois, est attribuée par les établissements d’enseignement supérieur dans les conditions suivantes :

  • Le séjour à l’étranger dure entre deux et neuf mois consécutifs.
  • L’étudiant est boursier de l’enseignement supérieur sur critères sociaux ou bénéficiaire d’une allocation annuelle (dispositif des aides spécifiques).
  • L’étudiant prépare un diplôme national relevant de la compétence du ministère chargé de l’enseignement supérieur ou dans un établissement d’enseignement supérieur public / qui a engagé une démarche de contractualisation avec l’État.
  • La formation ou le stage de l’étudiant à l’étranger s’inscrit dans le cadre de son cursus d’études.