Assises – Coups de couteau mortels : l’accusé écope de 12 ans de prison

(Photo : archives LDT)
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L’homme qui avait donné des coups de couteau mortels à l’ex-compagnon de sa sœur, le 11 septembre 2020 à Punavai plaine, a été condamné à 12 ans de prison, ce mercredi 14 juin en soirée, par la cour d’assises à l’issue de trois jours de procès et après trois heures de délibération.

Le dernier jour d’audience est d’abord consacré au rapport du médecin légiste sur le corps de la victime. L’homme avait perdu la vie après avoir été touché à la carotide et s’être vidé de son sang en quelques minutes, à quelques dizaines de mètres de la maison de son ex-compagne qu’il essayait d’étrangler quelques minutes plus tôt.

C’est en voyant l’homme avec qui il venait de se battre s’approcher de son petit frère, des disques de musculation à la main, que l’accusé de 31 ans avait foncé sur la victime pour lui donner quatre coups de couteau à l’arrière du cou. Le décès avait été constaté quelques dizaines de minutes plus tard après une tentative infructueuse de réanimation. Le rapport de l’expert ainsi que le résultat de la reconstitution ont confirmé les déclarations de l’accusé et des nombreux témoins de la scène entendus la veille sur le déroulement des faits.

Il s’agit alors pour les parties civiles d’humaniser la victime. Un homme décrit depuis le début du procès comme un énième tane violent et rien d’autre. Elle fait pour cela venir le frère aîné de la victime à la barre, qui avec une grande dignité présente tout d’abord ses excuses à l’ex-compagne et à la famille de l’accusé pour les agissements de son petit frère. Violence, harcèlement, soupçons d’agressions sexuelles sur mineur, le portrait de la victime n’avait pas été glorieux jusque-là, mais c’était aussi, selon l’homme et son avocate, un bon papa qui voulait s’en sortir après une jeunesse de mauvais traitements.

L’avocate de la famille revient alors sur le soir du drame, insistant sur le fait qu’on l’avait tout simplement “laissé mourir comme un animal blessé”. En effet, si “la volonté de tuer” a été au cœur des débats à chaque instant, il a aussi été mis en lumière que personne, ni l’accusé ni ses proches, n’ont un instant tenté de porter secours à l’homme se vidant de son sang.

L’accusé ayant pourtant avoué avoir vu “un jet de sang” sortir du cou de la victime immédiatement après les coups de couteau. La représentante des jumeaux rappelle également que si elle est présente à l’audience, c’est que la mère aussi, fût-elle violentée par son ex, était elle aussi défaillante.

“Je voulais simplement le neutraliser”

Après que l’accusé ait une nouvelle fois répété que jamais il n’avait voulu tuer, mais simplement “neutraliser” la victime, c’est à l’avocat général de présenter ses réquisitions. Avec un objectif : prouver l’intention car pour lui, “donner des coups de couteau à quelqu’un n’est pas un acte involontaire”.

Le représentant du ministère public s’adresse pour cela directement aux jurés pour rappeler l’affaire “hors norme” qu’ils ont à juger. Ils ne sont pas là pour décider “au feeling” si la victime était gentille ou méchante, dit-il, “il y a un homme qui est mort”.

Il anticipe ensuite les futures plaidoiries et démonte l’éventuel argument de la légitime défense. Il n’y avait pas, selon lui, de danger immédiat au moment où les coups de couteau ont été portés, ni pour lui, ni pour le jeune frère que l’accusé dit avoir voulu défendre. “Qu’est ce qui l’empêchait d’attendre les gendarmes ?” demande-t-il aux jurés. Il aurait tout aussi bien pu “le ceinturer” estime l’avocat général. Pour lui, quand on met quatre coups de couteau dans une zone aussi létale que le cou, il y a bien intention de tuer. “Il a pris une vie”, conclut-il, avant de requérir 15 ans de prison.

“La chronique d’une mort annoncée”

La défense revient, elle aussi, sur les faits mais aussi l’historique du couple violent et les nombreuses plaintes déjà déposées contre la victime. La première avocate de l’accusé reprend ensuite le déroulé chronologique de la soirée du drame et expose d’autres scénarios possibles ce soir-là.

Elle imagine la mort de la jeune femme que la victime tentait d’étrangler quelques instants plus tôt, ou bien la mort possible du petit frère qui aurait pu, selon elle, être frappé à coups de poids de musculation. Concernant les quatre coups de couteau donnés par son client, elle répète qu’il n’a pas du tout voulu toucher une zone mortelle, car pour lui, pour tuer, il faut toucher la tête ou le cœur, dit-elle.

Il a visé les trapèzes uniquement pour que la victime lâche les lourds disques de musculation qu’il portait dans ses mains. Elle s’adresse elle aussi directement aux jurés et, tout en rappelant que ce que l’accusé a fait n’est pas excusable, leur demande de faire appel à leur conscience pour “se mettre à la place de l’accusé”.

Sa deuxième avocate reprend peu ou prou les mêmes arguments, rejetant elle aussi la volonté de tuer de son client. “Il ne l’a pas égorgé”, dit-elle. Elle ajoute que les condamnations de la cour d’assises sont là pour protéger la société, et qu’après ce procès, il doit paraître évident aux jurés que la société n’a pas besoin d’être protégée de son client, totalement inconnu de la justice avant les faits et à nouveau présenté comme extrêmement gentil, inoffensif, tout au long de cette dernière journée.

Alors qu’il risquait jusqu’à 30 ans de réclusion, la défense semble avoir été entendue puisqu’après trois heures de délibération, la cour condamne à 12 ans de prison l’homme qui en a déjà passé trois en détention provisoire.

Compte-rendu d’audience Y.P