
Un homme de 29 ans comparait les 15 et 16 juin 2023 pour un viol sur mineur de 15 ans sous la menace d’une arme. Incohérent et virulent, il a nié en bloc les faits qu’il avait en partie reconnu en garde à vue, évoquant un rapport consenti. L’homme risque jusqu’à 20 ans de réclusion.
Lors de la présentation de l’intégralité de cette seconde session de la cour d’assises de l’année, le procureur général avait fait une synthèse des affaires à venir. Pour le dossier de viol aggravé sur mineur de 15 ans, il avait indiqué que l’accusé était “déficient” et “à l’intelligence faible”, selon les premières expertises.
Pour ce premier jour de procès en huis-clos partiel, ses sautes d’humeur, sa confusion, son discours alambiqué et surtout la manière dont il a très maladroitement changé de version, parfois d’une phrase à l’autre, semble conforter cette première analyse. Parfois risible mais souvent pathétique, ridicule et malaisant, l’accusé a tout dit et son contraire, donnant même l’impression à quelques moments de ne pas comprendre ses propres déclarations. Il en a été de même pour le témoignage d’une mère alcoolique et absente à l’incommodante indifférence.
Le fond de l’affaire, le viol d’une adolescente de quinze ans sous la menace d’un couteau, puis le récit de l’effroyable enfance de l’accusé et de la victime, demi-frère et sœur, a très vite glacé l’ambiance. Du Zola dans les îles.
Pendant toute l’étude de personnalité, on apprend, pêle-mêle, que l’accusé a été placé très jeune, qu’il a été baladé de famille en famille et maltraité dans la plupart d’entre elles. SDF à l’adolescence, il vit un peu de travail au noir, de vente de paka, et vole aussi “pour manger” dit-il, ce qui le conduit deux fois en cellule. Incarcération qu’il supporte mal.
Son dossier pénitentiaire est rempli de procédures disciplinaires. Il a des traces de scarifications sur tous les membres. Il s’en est déjà pris à un gardien. Il avait reconnu un “rapport consenti” en garde à vue, mais nie tout en bloc à l’audience. Son discours est parfois incompréhensible. Il mélange les dates. Il mélange tout. Il va jusqu’à dire qu’il n’était pas là le soir des faits ou encore qu’il ne savait pas que c’était sa sœur, puis se ravise. Il n’arrange pas son cas…
La victime de 15 ans, elle, est jetée dans une poubelle à l’âge de trois mois. Elle connaît neuf familles d’accueil. Dans l’une d’entre elle, alors qu’elle a huit ans, elle se fait violer par le père. Dans une autre, c’est le coup de foudre avec un fils de la famille, elle tombe enceinte puis avorte, elle a 14 ans.
L’année suivante, les services sociaux n’ont plus de solution d’accueil à lui proposer. Sa mère accepte de la reprendre, c’est là qu’elle revoit l’accusé, un de ses demi-frères de 26 ans. Quelques mois plus tard dans la nuit, il croche le loquet de sa chambre avec un couteau puis lui pose la lame sur le ventre.
Il la viole de longues minutes, toujours sous la menace de l’arme blanche qu’il brandit une dernière fois lorsqu’il quitte la chambre pour dire à la jeune fille, pétrifiée, qu’il ne faut “rien dire à maman”. Après un avertissement des services sociaux, la mère accompagne finalement sa fille porter plainte un mois après le viol.
Le témoignage insensé de la mère
La mère, la cinquantenaire en legging fluo, détaille les faits lors de la plainte. Sa fille lui a raconté la scène. Le loquet déverrouillé, le couteau, le viol, c’est ce qu’elle rapporte aux gendarmes. Dès le lendemain, elle a même demandé à son concubin de réparer la porte de la chambre. Mais à la barre, tout devient flou.
Elle admet que son fils lui a vaguement évoqué avoir “fait du mal à sa sœur” mais sa fille ne lui a rien dit, paraît-il. Elle hésite à peine à remettre en cause son audition par les gendarmes puis lance un glaçant : “J’ai eu tort, je n’aurais pas dû l’accueillir”, en parlant de sa fille, elle aurait évité les problèmes.
Concernant l’éducation de ses enfants, elle rejette huit fois sur dix la faute sur les services sociaux, et quand on l’interroge sur ce que peux ressentir la victime après ce viol, elle se contente de dire qu’elle ne la connaît pas tant que ça, ou encore “qu’elle aurait pu crier”.
Parties civiles, Présidente de la cour, avocate générale, de la défense, tous tentent des questions qui génèrent des réponses qui naviguent entre aberration et incohérence, au point qu’un assesseur lui rappelle ce qu’elle risque pour faux témoignage. Parenthèse : décrite comme une alcoolique patentée par ses enfants, elle est actuellement détenue pour alcool et paka au volant.
Heureusement il y a la sœur
Alors que la mère s’embourbe à l’excès, la grande sœur est soudainement rappelée à la barre à ses côtés. Quelques heures plus tôt, elle était la seule membre de la famille sans ambiguïté. Elle était là quand la jeune victime a raconté le viol à sa mère.
Elle a entendu l’accusé dire le lendemain,“je l’ai baisée c’est elle qui a voulu”. Avant même toute nouvelle question, elle pointe un regard noir dans les yeux de sa génitrice et lui lance à quelques centimètres du visage : “Tu veux sortir dans deux mois ? Alors dis la vérité !”. Quelques courts instants plus tard, la mère acquiesce et confirme le témoignage de la sœur. Sa triste prestation n’a sans doute pas servi les intérêts du “fils préféré”, qui lui continue de nier en bloc nerveusement dans le box des accusés.
Ce vendredi, le tribunal sera exceptionnellement ouvert à 6h30 pour que la cour entende un gendarme par visioconférence à 7 heures. Le verdict de la cour est attendu dans la soirée. L’homme encourt 20 ans de réclusion.
Compte-rendu d’audience YP