
Comme La Dépêche de Tahiti l’annonçait le 21 juin 2023, la société Interoute, qui s’apprêtait à fêter ses 47 ans d’existence dans quelques semaines, a été liquidée ce lundi 26 juin par le Tribunal de commerce de Papeete. Une centaine de salariés, qui ont touché leurs salaires jusqu’au bout, attendent maintenant de bénéficier de leurs indemnités de licenciement et espèrent surtout que des repreneurs se manifestent, pour conserver ou retrouver rapidement un emploi.
L’émotion était grande sur le visage de Heirangi Nouveau, soutenu par une quinzaine de ses salariés à la sortie de l’audience du Tribunal mixte de commerce qui a prononcé ce lundi, sans surprise, la liquidation d’une société historique du bâtiment de Polynésie, et ce malgré les annonces du président Moetai Brotherson samedi matin.
Dans une longue vidéo diffusée sur Facebook, le président Moetai Brotherson avait annoncé samedi, avoir demandé aux chefs de services de faire les comptes de l’argent dû par le Pays, notamment à la direction de l’Agriculture, à la société. “Peu ou prou 200 millions de francs” annonçait-il, tout en précisant que le Pays ne pouvait rien changer à la future décision du tribunal de commerce.
La liquidation a donc été prononcée, à la demande de Heirangi Nouveau qui, selon son avocat, a pris la bonne décision pour ne pas creuser davantage les dettes de l’entreprise et ainsi, au moins, assurer le paiement de salaires de mai et juin qui font vivre environ 120 familles à Tahiti et dans les îles.
Des réunions vont maintenant avoir lieu avec le comité d’entreprise et les syndicats pour évaluer le montant des indemnités que vont pouvoir toucher les salariés et les autres créanciers prioritaires, tels que le Trésor public ou la CPS. C’est pour effectuer ces paiements que l’argent dû par le Pays va être nécessaire.
En attendant, tous les chantiers en cours de l’entreprise sont stoppés dès aujourd’hui et les différents clients, parmi lesquels une majorité de collectivités publiques, vont maintenant devoir trouver de nouveaux prestataires pour les poursuivre. Selon Heirangi Nouveau, cela concerne une dizaine de chantiers, essentiellement dans les îles, notamment des travaux d’adduction d’eau pour des terrains agricoles à Nuku Hiva où “tout s’arrête en plein milieu” dit-il.
“Une décision de pure responsabilité”
Comme l’a déclaré l’avocat de la société, Maître Robin Quinquis, Heirangi Nouveau a pris “une décision de pure responsabilité”, celle de demander cette liquidation avant qu’il ne soit trop tard : “L’actuelle trésorerie va permettre de payer les salariés et anticiper un certain nombre de choses prioritaires. La société n’aurait pas pu le faire dans trois mois, car si elle poursuivait l’activité, elle aurait creusé le passif de manière irréversible, ce qui n’était pas rendre service, ni aux salariés, ni aux créanciers, et qui en plus engagent la responsabilité personnelle du gérant”.
Reste à savoir si des repreneurs vont se positionner et dans quel délai. La priorité de Heirangi Nouveau est encore une fois de mettre les salariés, qu’il décrit comme une vraie famille, au cœur de ces éventuels projets de reprise. En clair, il souhaite vendre des unités de production complètes plutôt que de se contenter de ne vendre telle ou telle machine au plus offrant. Maître Robin Quinquis cite en exemple certaines unités de concassage dans les îles ou le personnel est déjà formé et prêt à travailler, mais il précise : “il n’y aura pas de reprise globale de la société Interoute, car les projets qui avaient été envisagés n’ont pas fait long feu”.
Sur le montant des dettes du pays à Interoute, Me Quinquis ne veut pas chercher de bouc émissaire : “Les difficultés sont trop profondes et multiples pour pouvoir désigner un seul responsable […] ce ne sont pas les dettes du pays qui ont coulé la boîte, mais ça a tout de même participé à l’échec du plan de continuation.”
Y.P