
La filière de la crevette bleue était en difficulté au point de réunir tous ses acteurs, début juin. Les derniers résultats laissent présager une sortie de crise, quinze jours après le lancement d’un nouveau cycle de production larvaire à l’écloserie de Vairao. “Le stade critique est passé à la fin de la première semaine, au septième jour exactement, moment où la larve change d’alimentation, passant d’herbivore à carnivore, mais aussi sa façon de nager. C’est une grosse métamorphose qui fait que, si l’animal n’est pas assez fort, il n’arrive pas à passer du stade Zoé au stade Mysis, et meurt”, explique Jean-Michel Delecheneau, responsable technique de l’écloserie de crevettes.



4 à 5 millions de post-larves pour les producteurs
Mercredi 28 juin 2023, c’était jour de comptage, opération aussi délicate que surprenante, car réalisée à l’œil nu. “C’est encourageant, parce qu’on sort des post-larves, chose qu’on n’arrivait plus à faire depuis six mois. On a un taux de survie à peu près dans les normes, autour de 50 %. On est en train de les mettre en nurserie, qui est une phase d’acclimatation. Elles seront remises aux fermes la semaine prochaine, à partir de lundi, quand elles auront douze jours en tant que post-larves et qu’elles feront environ 1 cm”, poursuit Jean-Michel Delecheneau. Au total, 4 à 5 millions de post-larves de crevettes pourront être fournies aux producteurs, soit 50 tonnes de crevettes disponibles d’ici au mois d’octobre.

Plusieurs causes et de nombreuses personnes mobilisées
Les premières conclusions ne permettraient pas encore de déterminer précisément l’origine du problème, d’autant que plusieurs mesures ont été prises. “On pense que c’est multifactoriel. Sur ce cycle, on a réparé une cuve qui avait une fuite d’eau, qui pouvait être une source de contamination, on a ajouté un système de stérilisation de l’eau avec des UV et des filtrations de 1 micron avant le remplissage des bacs, et on a aussi renforcé la désinfection des œufs mis en élevage, avec des produits spécifiques”, indique le technicien, qui se réjouit de cette bonne nouvelle tant attendue.
“Il faut remercier toutes les personnes qui se sont mobilisées : la société Rotopol qui est venue en urgence pour les travaux de réparation, les fermes qui nous ont soutenus malgré les difficultés, les services du Pays, dont la Direction de la biosécurité et la Direction des ressources marines, et l’Ifremer pour leur appui scientifique et technique”, souligne Jean-Michel Delecheneau, dans le métier depuis plus de vingt ans, tout comme sa collègue, Carine Elissondo. “On est une équipe soudée de quatre personnes. En unissant nos forces et nos savoirs, on a réussi à mettre en place des solutions”, ajoute la technicienne aquacole.

Entre soulagement et vigilance
Un cycle supplémentaire sera lancé dans quinze jours pour que les fermes puissent remplir au plus vite leurs bassins et retrouver un rythme de production. Chez Aquapac, à Teahupo’o, l’heure est au soulagement. “Je suis rassuré, de même que tous mes employés. On va passer récupérer les post-larves lundi pour les mettre directement en bassin. Félicitation à l’équipe de l’écloserie qui a tenu bon jusqu’au bout !”, remarque le directeur général de l’entreprise, Teva Siu, qui écoule ses dernières tonnes de crevettes en stock au compte-goutte entre les restaurateurs et les grandes surfaces. Interrogé sur d’éventuelles inquiétudes quant à l’importation de crevettes surgelées pour compenser d’ici au mois d’octobre, il ne se dit pas inquiet : “La crevette fraîche locale est bien meilleure. Ce n’est pas le même produit. Il n’y a pas vraiment de concurrence”.
À l’écloserie de Vairao, la vigilance reste tout de même de mise, l’objectif étant désormais de transformer l’essai sur le prochain cycle pour relancer durablement cette filière historique. À ce titre, la création d’une seconde écloserie est sollicitée par plusieurs acteurs pour sécuriser l’approvisionnement des fermes, mais aussi pour faire face aux défis de production liés à la future zone bio-marine de Faratea.