Foudroyée en 2001 à Taharu’u, l’artiste et bodyboardeuse Linh Cao se souvient

Souvenirs Linh Cao foudre Taharuu Papara
"Je remercie du fond du cœur tous ceux qui ont participé à mon sauvetage". Vingt-deux ans après l'incident, Linh Cao est reconnaissante de pouvoir vivre sa vie "à 100 %" (Photos : ACL/LDT).
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Grand nuage d’intelligence. C’est la signification du nom vietnamien complet de Vanlinh Cao, artiste-peintre de Tahiti. Était-elle pour autant prédestinée à croiser les foudres du ciel ? Aujourd’hui encore, le mystère reste entier pour cette miraculée, qui a failli perdre la vie à 22 ans en pleine session de bodyboard à l’embouchure de la rivière Taharu’u, à Papara, le 2 mai 2001.

Souvenirs Linh Cao foudre Taharuu Papara
Linh Cao en compétition, il y a vingt ans
(Photo : archive personnelle).

“Des coups de tonnerre, puis plus rien”

“J’étais venue avec un ami, tôt le matin. Il ne pleuvait pas, mais le ciel était très sombre et gris. Je suis partie à l’eau faire du boogie, que je pratiquais tous les jours à cette époque. C’était mon sport et ma source d’inspiration en pleine nature. Il y a eu de forts coups de tonnerre, très bas. Puis, je ne me souviens plus de rien ! Je me suis réveillée à l’hôpital après trois jours de coma artificiel. À mon réveil, une copine était là et je lui ai dit : on a trop fait la fête hier soir, comme un black-out ! Pendant deux semaines, j’ai eu des problèmes de mémoire à court terme”, confie Linh Cao, aujourd’hui âgée de 44 ans et maman d’un petit garçon de 5 ans.

Par la suite, elle a pu rencontrer certains de ses sauveurs. “Il y avait Bret Marumoto, qui fait des planches de surf à Hawaii, Tama, un surfeur de la pointe Vénus, qui m’a donné tout l’air qu’il pouvait pendant le bouche-à-bouche, et aussi Serge, un surfeur de Papara. Mais ce ne sont pas les seuls ! Je remercie du fond du cœur tous ceux qui ont participé à mon sauvetage”, poursuit-elle, reconnaissante que cette mésaventure se soit bien terminée.

L’intervention d’Albert Maraetefau

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La Dépêche de Tahiti du vendredi 4 mai 2001
(Photo : archive LDT).

Parmi les héros du jour, il y avait aussi Albert Maraetefau. À 60 ans, le professeur d’Éducation Physique et Sportive (EPS) au lycée de Taravao se souvient distinctement de cet incident. “On était tous à l’eau. Il y avait plein de coups de tonnerre et, tout d’un coup, un flash est tombé en plein milieu du spot. Je crois avoir vu Linh décoller de sa planche et disparaître sous l’eau. La foudre est tombée juste à côté d’elle. J’avais un cours de surf avec deux jumelles, que j’ai couru mettre en sécurité sur la plage, pendant que des amis étaient en train de ramener Linh au bord”, raconte-t-il, réalisant que la jeune bodyboardeuse était inconsciente.

“J’ai demandé aux filles d’appeler les pompiers et je me suis approché d’elle. Elle ne respirait pas et elle n’avait plus de pouls. Tout de suite, je me suis mis en position de massage cardiaque et de bouche-à-bouche, pour lequel j’ai été relayé par des collègues. J’ai eu ce réflexe, car les gestes de premiers secours font partie de la formation obligatoire dans mon métier. J’avais mis mon chronomètre : ça a duré 18 minutes. Je me suis arrêté quand j’ai vu qu’elle avait recommencé à respirer et je l’ai prise dans mes bras !”, se remémore-t-il avec émotion.

Ce face-à-face avec la mort a profondément marqué Albert Maraetefau. “Quand j’y pense, j’en ai encore la chair de poule. C’était angoissant, parce que sur le moment, je ne savais pas si elle allait revenir. Quand le stress est retombé, j’en ai pleuré. Ce qui m’a le plus traumatisé, c’est que si je vois de gros nuages arriver, je sors de l’eau. D’autant plus que, quand j’avais la vingtaine, j’ai vu un enfant se faire foudroyer à Huahine en plein surf au niveau de sa boucle d’oreille”.

“Une très belle histoire qui me rappelle que la vie est magique”

Tableau Linh Cao
L’artiste conserve précieusement ce tableau peint
trois semaines avant l’impact, complété ensuite
par une mèche de ses cheveux (Photo : Linh Cao).

Après une telle expérience, Linh Cao aurait pu parler de malchance, ne plus pratiquer son sport favori et refuser de revenir à Papara, mais les années passées illustrent tout le contraire. “Je n’ai quasiment aucune séquelle. J’étais à l’eau deux semaines plus tard et je continuerai de surfer tant que mon corps me le permettra. Pour moi, c’est une très belle histoire, qui me rappelle que la vie est magique. Je suis venue m’installer à Papara il y a dix ans, car j’ai constaté qu’à chaque fois que je venais ici, je me rechargeais. Ce traumatisme physique est enfoui au fond de moi, mais je me considère surtout comme une miraculée, car j’ai la chance de pouvoir profiter de la vie à 100 %”, estime-t-elle.  

Linh Cao reste la preuve vivante que les risques liés à la foudre existent bel et bien, et tout le monde ne survit pas à un tel impact. “J’ai vu sur internet que d’autres surfeurs ne s’en sont pas sortis. Il faut faire attention, tout en sachant qu’on a plus de risques d’avoir un accident de voiture, donc il ne faut pas non plus s’empêcher de faire ce qu’on aime”, conclut-elle.

Aussi fascinée par les forces de la nature que par le mana de Taharu’u, Linh Cao considère encore aujourd’hui ce moment fort de sa vie comme une source d’inspiration quotidienne et picturale.  

Christophe “Quito” Holozet, surfeur de Papara :

“Elle a eu beaucoup de chance de s’en sortir”

Souvenirs Linh Cao foudre Taharuu Papara

“Je surfe à Taharu’u depuis plus de cinquante ans. Je n’étais pas là le jour de l’accident de Linh. Elle a eu beaucoup de chance de s’en sortir ! Cet épisode de sa vie se ressent vraiment dans ses tableaux. Personnellement, quand je vois que les conditions sont orageuses, je ne vais pas à la mer, parce que ça m’est déjà arrivé de voir la foudre tomber sur l’eau. Il faut avoir conscience que ça peut arriver. Mais quand les surfeurs veulent aller à l’eau, code rouge ou pas, ils y vont quand même !”.  

Des accidents souvent mortels

La surfeuse salvadorienne Katherine Diaz a perdu la vie de façon tragique en mars 2021 après avoir été foudroyée à sa sortie de l’eau. L’accident s’est produit alors que la jeune femme de 22 ans s’entraînait sur la plage d’El Tunco, au large de l’océan Pacifique. Diaz aurait été touchée par la foudre à sa sortie de l’eau, tandis qu’un orage se levait. L’athlète, membre de l’équipe nationale féminine de surf, devait prochainement participer à des compétitions internationales.

La surfeuse brésilienne Luzimara Souza, âgée de 23 ans, a été foudroyée dans l’eau en mars 2019 au large de la plage de Leste-Oeste à Fortaleza, dans le nord-est du Brésil. Des témoins se sont rués dans l’eau pour lui porter secours. C’est après son transport à l’institut Dr José Frota que la jeune femme est décédée suite à cette décharge électrique fatale. Championne du Brésil en 2018, elle s’entraînait pour le prochain championnat national.

• Le dimanche 5 novembre 2017, un jeune belge de 34 ans est mort foudroyé, à Bali. Denis Andre Dasoul, ancien défenseur du club de foot Standard de Liège, sortait tout juste d’une leçon de surf, sur le spot de Batu Bolong Temple à Canggu, quand la foudre est tombée sur lui. Personne, sur la plage, n’est parvenu à le réanimer.