
“Tuez le maire”, “C’est la maire ! On va s’la faire”… L’attaque à la voiture-bélier du domicile du maire de L’Haÿ-les-Roses ce dimanche 2 juillet a ravivé les inquiétudes des élus locaux, cibles privilégiées des émeutiers après la mort de Nahel, tué mardi à 17 ans par un policier. A L’Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), au sud de Paris, un véhicule enflammé a délibérément visé le pavillon du maire Vincent Jeanbrun (LR) dans la nuit de samedi à dimanche, détruisant le portail et un véhicule de la famille.
Si “un cap a été franchi dans l’horreur et l’ignominie”, selon l’élu, cette attaque qui a déclenché une vague de soutien dans la classe politique n’est pas isolée. Selon David Lisnard, “150 mairies ou bâtiments municipaux ont été attaqués depuis mardi, une première dans l’histoire du pays”.
Ce fut le cas à Garges-lès-Gonesse et Persan (Val- d’Oise), L’Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), Brie-Comte-Robert (Seine-et-Marne) ou Coulaines (Sarthe). Le président de l’Association des maires des France a égrené la longue liste des agressions d’élus commises depuis le début des violences.
“J’ai entendu “c’est la maire, on va se la faire””
“Tuez le maire”, s’est entendu dire Bernard Jamet, premier magistrat de Sannois, une commune de 26.000 habitants du Val-d’Oise, pris à partie jeudi soir en tentant d’empêcher un groupe de s’attaquer à la mairie. A Pontoise, la maire Stéphanie Von Euw (Libres !) a vu une fusée d’artifice s’écraser devant sa voiture. “J’ai entendu “c’est la maire, on va se la faire””, a témoigné sur Europe 1 l’élue, brûlée à la cheville.
A Maromme (Seine-Maritime), le maire David Lamiray (DVG) a été “agressé et a dû se réfugier dans sa mairie”, tandis qu’à Charleville-Mézières (Ardennes) son homologue Boris Ravignon (LR) a été visé par des bouteilles alors qu’il éteignait un feu de poubelles. Le maire de Cholet Gilles Bourdouleix (DVD) a vu son ancienne maison “saccagée” et à Saint-Pierre-des-Corps, en banlieue de Tours, le véhicule d’Emmanuel François (DVD) est parti en fumée sous ses yeux. A Mons-en-Barœul (Nord), des agents présents à l’intérieur du bâtiment ont échappé aux flammes.
La “dimension politique” de la révolte
Le cabinet de la ministre des Collectivités Dominique Faure a annoncé que le renforcement des sanctions pénales en cas d’attaques contre les élus, qui seront considérées comme aussi graves que celles visant des personnes en uniforme, “sera examiné au Parlement dans les plus brefs délais”. D’autres mesures pour protéger les élus seront aussi présentées “dans les prochains jours”.
Depuis la démission début mai du maire de Saint-Brévin Yannick Morez (DVD), dont le domicile a visé par un incendie, le sentiment qu’un cap a été franchi prédomine dans la classe politique. “Nous voulons créer un électrochoc”, a déclaré David Lisnard.
“Les cibles des émeutes ne sont pas choisies au hasard, on a une surreprésentation des cibles institutionnelles qui témoignent de la dimension politique de cette révolte”, estime Julien Talpin, chercheur au CNRS. Il y voit surtout “une politisation du sentiment d’injustice car les habitants des quartiers populaires renvoient aux élus les difficultés de leur quotidien, leurs expériences de discrimination et de marginalisation sociale”.
AFP