

(Photo : Gaëlle Poyade)
L’association culturelle ’A Nui Taputapuātea a reçu, le 5 juillet dernier, un groupe néo-zélandais à la recherche de ses racines polynésiennes. Cette journée de jumelage entérine quatre ans d’amitié entre les membres de l’association raiatéenne et la tribu de Tolaga Bay.
Quand les 33 Maoris entonnent, sur le parvis de l’aéroport de Uturoa, leurs chants traditionnels, animant leurs visages d’une expression à nulle autre pareille, tout le monde sait que cette journée d’échanges culturels va être forte en émotions. Les salutations d’usage sont échangées, en tahitien et en langue maorie, entre le chef de la délégation néo-zélandaise, Victor Walker, et, le représentant de l’association ’A Nui Taputapuātea, à savoir Jérôme Maramatoa qui officiait comme ’orero.
Des retrouvailles escamotées en 2022
Retenant une larme, pour le moment !, Titaua Raapoto, présidente déléguée de ’A Nui Taputapuātea, ne cache pas son bonheur de revoir ses amis de la tribu Hauiti. “Nous les avons rencontrés en 2019 lors d’un voyage en Nouvelle-Zélande alors que nous étions à la tête de l’association Tama Reva du collège de Faaroa, et plus spécialement au cours du Tuia 250 ; à cette période-là, les Néo-Zélandais commémoraient l’arrivée de James Cook sur leur île, mais les Maoris, eux, célébraient la rencontre avec le navigateur et ‘Arioi Tupaia, originaire de Ra’iatea”.

(Photo : Gaëlle Poyade)
Le voyage suivant, le premier de la nouvelle association ’A Nui Taputapuātea, qui a réuni 45 personnes de l’île sacrée, en 2022, a, hélas, été stoppé à Auckland en raison de l’épidémie de Covid empêchant les membres des communautés jumelées de se revoir.
Aujourd’hui, le sort est conjuré et près de 80 personnes se retrouvent, après une heure de transport vers le sud, au marae Taputapuātea. En anglais, le médiateur culturel Jean Mere retrace les riches heures de ce carrefour politico-religieux et pointe du doigt le dessin de la pieuvre dont chaque bras désigne une île du triangle polynésien.

Il insiste sur son centre Ra’iatea duquel les ancêtres ont vogué pour découvrir nombre de terres, dont Aotearoa, la Nouvelle Zélande. “Comprenez bien, vous n’êtes pas en visite chez nous ; vous revenez chez vous, bienvenue dans votre maison !”, s’exclame-t-il.
L’allée royale déroulée
De fait, il leur ouvre tout spécialement les portes du marae en leur enjoignant de descendre l’allée bordée de auti, alors que les touristes lambda empruntent d’ordinaire le passage clouté laissant libre cours à une visite improvisée, pour ne pas dire aléatoire, du site.

A l’ombre des mape au feuillage aussi dense que le silence alentour, le chef maori Victor Walker rend hommage aux tupuna. Deux femmes hawaïennes, dont le groupe s’est joint à la cérémonie, lui embrayent le pas, s’exprimant un long moment dans leur langue vernaculaire.
Puis, toutes les personnes présentes suivent Jérôme Maramatoa, le jeune orero de 32 ans, Toni Hiro, président du festival Taputapuātea et ancien tavana de la commune éponyme, sur le tahua jusqu’au pied du ahu.
Offrandes et retrait du unu
Pour honorer le lieu, les hôtes maoris déposent les lei qui avaient été placés autour de leur cou à l’aéroport. À leur suite, tout un chacun peut placer un bouton de tiare tout en se recueillant. Bien que l’heure soit terriblement avancée par rapport au programme, il reste la cérémonie Matari’i i raro, à savoir le retrait du unu posé lors du Matari’i i ni’a.
Cette stèle en bois, sculptée par des jeunes de l’association ANT sous la direction de Guillaume Iotefa, marquait l’entrée dans la saison de l’abondance. “Puisque nous changeons de saison, il est normal de la descendre”, explique le sculpteur.

À la ferveur et à la solennité succède un joyeux repas offert par les membres de ’A Nui Taputapuātea en plus de trois cadeaux précieux, remplis de sens et de symbolique. Le premier est une pierre basaltique de Ra’iatea, taillée par le président délégué de l’association, Stevens Varney, entourée d’un tapa.
Le deuxième est un grand tapa, réalisé par Titaua Raapoto, l’autre présidente déléguée, à partir d’une écorce de ’ora de Taputapuātea.

Le troisième, taillé par Guillaume Iotefa, est un bâton de pouvoir royal rehaussé d’un ti’i et qui, jadis, faisait aussi office de chasse-mouche. Taillé dans du maru-maru, une essence précieuse, l’objet semble dater de cinq siècles car l’artisan excelle dans l’art du trompe-l’œil. Cette copie correspond bien à la journée d’amitié qui s’est déroulée : plus vraie que nature !
Reportage : Gaëlle Poyade
De grandes ambitions pour ’A Nui Taputapuātea

(Photo : Gaëlle Poyade)
Fondée en 2021, cette toute jeune association a pour objectif la mise en valeur du patrimoine culturel polynésien en le transmettant au plus grand nombre. Et surtout les plus jeunes. Outre des ateliers de confection de tapa et de teintures naturelles ou bien la réalisation de tables d’offrandes, l’association aimerait recréer une troupe de danse et de chants à partir du mois d’août, mais aussi continuer ses formations, animer des conférences, sans oublier son umu ti (cuisson de racines de ti) ou encore la célébration de Matari’i i ni’a.
À plus long terme, ses membres fondateurs ont pour objectif de fonder un centre et une école culturels à Ra’iatea “parce que c’est forcément sur cette île qu’il doit naître”, a déclaré le président délégué Stevens Varney lors de l’assemblée générale du 28 juin 2023.
À cette occasion, le logo de l’association, foisonnant de symboles, a été expliqué. Il comporte notamment une carte du ciel avec Sirius, l’étoile zénithale qui permet de situer Ra’iatea, Matari’i, la constellation des Pléiades, et Te matau o Maui pour celle du Scorpion.
“Je ne sais pas si on peut voyager loin avec ces trois points dans le ciel, mais, en tout cas, on peut revenir chez nous !”, a plaisanté Wilfrid Sidolle, le nouveau président de l’association. Aussi bien enracinée, il est certain que cette association ira loin.
G.P.