Portrait – Silifu Parau, transmettre la culture des Tuhaa pae par l’écriture

À partir de 1998, Silifu commence à rédiger des chansons pour les groupes de himene tarava originaires de Auti, son village d’enfance. Membre de l’association culturelle Manureva i te Ra’i Matuatini, Silifu oeuvre pour promouvoir le reo rurutu à travers la Polynésie française. (Photo : Lana CHAINE/LDT)
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Le Heiva i Tahiti n’est pas que plaisir et spectacle. C’est bien souvent du travail et de la persévérance. Entre les costumes, les chorégraphies et l’élaboration des textes… en coulisse, c’est un réel effort humain. Silifu Parau, 66 ans, participe à l’écriture des tarava himene du groupe Nuna’a Rurutu. Cette année, le choeur concoure au Heiva 2023 dans la catégorie tarava tuha’a pae.

Silifu Parau naît il y a 66 ans, sur l’île de Rurutu. Elle grandit auprès de ses grands-parents qui lui inculquent les valeurs culturelles de sa terre natale. Aux côtés de ses aïeux, Silifu communique en reo rurutu, aide dans les champs de taro et se découvre une passion pour la musique.

Le contexte familial et religieux dans lequel elle grandit lui permet de développer une approche plus artistique de la vie. “J’aimais tellement la musique qu’à 12 ans j’ai fait une grève de la faim pour que mes parents m’offrent ma première guitare. Cela a fonctionné et je n’ai plus jamais lâché mon instrument. J’ai commencé par apprendre comment y jouer avec mes parents. Puis, lorsque j’étais assez aguerrie, je chantais tous les chants de l’époque. Tout était une découverte pour moi. La guitare m’a permis de m’évader, elle m’accompagnait partout”, raconte-t-elle.

À partir de 1998, Silifu commence à rédiger des chansons pour les groupes de himene tarava originaires de Auti, son village d’enfance.

Membre de l’association culturelle Manureva i te Ra’i Matuatini, Silifu œuvre pour promouvoir le reo rurutu à travers la Polynésie française. Par les mots, elle communique l’histoire de son île grâce aux connaissances acquises au cours de ses recherches historiques : le souhait de “laisser des traces pour ne plus jamais oublier son histoire“.

C’est la raison pour laquelle, Silifu décide d’entreprendre une quête généalogique afin d’élucider certaines interrogations sur sa propre généalogie : “j’ai d’abord commencé à m’interroger sur mes origines car je ne connaissais pas la profondeur de mon histoire. Je voulais premièrement connaître l’identité de mon arrière grand-père. Et puis, de fil en aiguille, j’ai retracé le parcours généalogique de ma famille et de nos ancêtres de Rurutu. C’est important de connaître d’où nous venons car c’est ce qui nous définit intérieurement. Il faut promouvoir toutes les cultures de la Polynésie. Ce n’est pas mon histoire mais l’histoire de tous les Polynésiens“, exprime t-elle avec conviction. 

Le Heiva i Tahiti, un partage de culture

Pour Silifu, le Heiva i Tahiti ne représente pas simplement un concours de chants et de danses traditionnelles. C’est en réalité l’occasion de rassembler tous les archipels du fenua afin de partager les cultures qui leur sont propres.

“C’est une manière de partager ce que nous avons. Nous préparons des choses, nous avons des éléments à Rurutu qu’ils n’y a pas ici à Tahiti” livre-t-elle. “Donc, nous venons avec ces choses qui façonnent notre identité culturelle, notre façon de penser. Chaque commune a sa propre histoire qui la différencie des autres. C’est toujours avec l’esprit gagnant que nous venons participer au Heiva. Il faut y aller !”

Cette année, Silifu participe au Heiva i Tahiti aux côtés du chœur Nuna’a Rurutu. Sur scène, ils célèbreront le vivre-ensemble à travers l’histoire du manioc, légume fortificateur dans la culture australe, en particulier sur l’île de Rurutu : c’est un thème qui célèbre la période où le peuple de Rurutu vivait en autarcie. Le niveau de vie était beaucoup plus riche. Le manioc était le seul moyen de survie. On ne laissait pas les familles mourir de faim, tout le monde travaillait pour récolter le manioc. Ce n’était pas chacun pour soi mais tous pour un. Ce sont ces valeurs de solidarité et de respect que j’ai souhaité mettre en avant dans la rédaction des textes”, explique Silifu.

(Photos : Heiva i Tahiti)

L’an dernier, Nuna’a Rurutu a remporté le premier prix dans la catégorie tarava tuha’a pae. Avec humilité, elle se rappelle des émotions ressenties à l’annonce de la victoire : “j’étais apaisée car c’était la première fois que j’écrivais un texte pour un vrai concours comme le Heiva. Tout le long de la prestation, les choristes se sont imprégnés du texte. Ils se sont approprié la mélodie. J’étais contente car nous ne nous attendions pas du tout à cette victoire. Cette année, j’espère qu’il y aura le même effet parce que je reprends le même contexte mais le public découvrira un autre aspect de Rurutu“, conclut-t-elle joyeusement.

(Photos : Heiva i Tahiti)

Revivez la prestation de Nuna’a Rurutu à l’occasion du Heiva i Tahiti 2022 (images TNTV) :