

L’Eglise protestante maohi (EPM) a organisé, les 7 et 8 juillet derniers au stade de Manu Ura à Paea, un grand rassemblement de femmes protestantes à la suite d’une rencontre organisée par le deuxième arrondissement du 30 juin au 12 juillet.
Une manifestation qui a rassemblé environ 3000 femmes autour du thème “Ia ora hau noa to ù nuna’a i ni’a to na fenua”, qui invite les Chrétiens à vivre la paix au fenua comme partout ailleurs. Des journées remplies de chants et danses, mais aussi de discours du président de l’Eglise protestante maohi, François Pihaatae, du tavana de Paea Antony Géros ou encore de Natacha Helme de la Ligue contre le cancer, venue sensibiliser les fidèles protestantes aux risques du cancer du sein.

Une photographe professionnelle italienne, qui a signé des reportages photo dans le monde entier, a été inspirée par ce rassemblement et a adressé à La Dépêche une série de clichés.
“Ce défilé de Paea, auquel j’ai assisté par hasard en accompagnant un de mes “modèles” qui y participait, m’a séduite !” témoigne Biancamaria Monticelli. “Les couleurs des vêtements, les fleurs, la féminité de ces femmes de tous âges et de toutes caractéristiques, qui dans une grande assemblée attendue, ont chacune libéré leur beauté singulière, de manière puissante, montrant une fois de plus leur force et la puissance du bonheur des petites choses.”

“Tout respirait la beauté et la force. Les chants, les percussions, les voix déclamatoires. Mon œil a pu agir sans être dérangé, je me suis sentie accueillie et en même temps tout s’est passé, dans la poésie et le frisson que la vérité peut toujours nous donner” explique la photographe qui est arrivée en Polynésie française pour la première fois en 2018 pour y rejoindre son fiancé qui arrivait de la traversée du Pacifique Panama/Fatu Hiva sur son voilier.
Le couple a navigué pendant six mois à la découverte de ce merveilleux archipel, visitant les six îles principales, accumulant du matériel photographique avec lequel il aimerait bien réaliser un livre. Des Marquises, ils ont fait route vers les Tuamotu et puis vers Tahiti.
Après avoir laissé le bateau au chantier naval de Taravao pendant la saison des pluies, Biancamaria et son compagnon sont retournés à Tahiti en 2019, passant une autre saison en Polynésie française entre Tahiti, Fakarava et Moorea. Après presque trois ans de séparation forcée à cause de Covid, ils sont revenus en Polynésie française en mars 2023, et sont à Tahiti depuis environ quatre mois.

“La Polynésie est une terre magnifique d’une beauté naturelle encore primitive et de paysages à couper le souffle. Je ne me souviens pas d’avoir connu un endroit au monde qui m’ait fait sentir plus en phase avec la nature… Je pense tout d’abord aux Marquises, dont la simplicité de vie et les paysages “jurassiques” m’ont fait constamment penser à une scène de la création du monde !” confie Biancamaria.
“Et les Polynésiens restent pour la plupart des gens simples, réservés mais capables de nouer des relations profondes” tient-elle à préciser. “Ce qui m’a “surpris” ici en Polynésie, c’est que la beauté des lieux est sans fin, dans le sens où elle est magnétique, parfois je ressens le besoin de rester sans fin à contempler un paysage, une montagne, les vagues…. Comme si cela ne me suffisait jamais, je voudrais dormir sous le ciel pour ne pas manquer la vision de ces étoiles infinies, je voudrais être un oiseau pour voler dans les vallées verdoyantes…C’est ce sentiment que j’ai à l’intérieur, de paix et de drame à la fois, de sérénité et d’agitation…qu’il n’y a qu’ici que je peux ressentir…”

Les conditions de prises de vue ne sont-elles pas trop radicales au fenua, avec un soleil aussi violent ? “La lumière est très intéressante. Elle n’est jamais aussi dure qu’en Méditerranée. Elle est adoucie par l’humidité des tropiques, elle s’échappe tôt et vite au coucher du soleil, elle subit toute l’imprévisibilité du temps, pour réapparaître toujours différente, muable, tantôt radieuse, tantôt triste, au point que le même paysage n’est jamais le même, mais prend mille nuances lunatiques” explique l’artiste photographe. “Chaque jour, rien n’est pareil, tout change, et si vite…”

Et les couleurs ? “La nature polynésienne est une palette d’une intensité inégalée, le vert est majestueux et enveloppe toute la création d’une puissante étreinte. Les fleurs et les fruits sont des flammes vives d’éclat et de vie. Un véritable paradis sur terre. Les couleurs des vêtements traditionnels reflètent parfaitement les merveilles de la nature ! Je travaille actuellement sur un projet photographique ici à Tahiti, dont le concept peut être résumé comme suit : “Une revisitation des lieux de Gauguin à travers les yeux de femmes polynésiennes contemporaines”.
En partant des lieux où Paul Gauguin a vécu pendant sa période tahitienne, de 1891 à 1893, c’est-à-dire principalement dans la région de Mataiea, Biancamaria crée des scènes librement inspirées de ses peintures et qui veulent attirer l’attention sur le lien qui existe aujourd’hui entre les femmes et la nature.
“C’est un projet très stimulant pour moi, que je mûris depuis longtemps et pour lequel il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Un grand défi, un rêve à tiroir”

Biancamaria Monticelli,
la passion de la lumière et des couleurs

Biancamaria Monticelli est née en 1967 à Livourne, petite ville portuaire de la côte ouest de l’Italie. Depuis son enfance, elle nourrit un amour profond pour la nature et la mer.
“Le besoin d’exprimer ma liberté et ma créativité m’ont poussé, dès l’âge de 17 ans, à voyager intensément, à découvrir le monde et moi-même, accompagnant chacune de mes aventures d’un petit appareil photo manuel Yashica à pellicule stricte offert par mon père en 1984, remplaçant les appareils compacts jetables que je “dévorais” l’un après l’autre” se souvient la photographe.
“Ni la technique ni la technologie n’ont jamais été des aspects importants pour moi, c’est plutôt le cœur qui me pousse à exprimer mes sentiments à travers cet objectif magique qui, insatiablement curieux de diversité et de mystère, regarde à l’extérieur et à l’intérieur en même temps”.

Depuis ses 20 ans, Biancamaria a “toujours” un appareil photo à ses côtés, ce qui lui a permis d’illustrer un journal à l’occasion de ses longs séjours en Australie et aux États-Unis. “À mon retour en Italie, fin 1995, j’ai décidé de me consacrer entièrement à la photographie et d’en faire ma profession, un choix que je n’ai jamais regretté car le motif premier, la passion, n’a jamais faibli.”
Qui sont les photographes qui ont inspiré Biancamaria ? “Je crois pouvoir dire que je suis issue de l’école américaine, ou plutôt de l’école mondiale. Mes véritables débuts dans la photographie, en termes de prise de conscience, remontent à mon séjour aux Etats-Unis de 93 à 95. C’est à partir de là que ma flamme s’est allumée démesurément, nourrie de visions, de rencontres, de lectures.”
Ansel Adams, Edward Weston, Tina Modotti, Henri Cartier Bresson étaient des maîtres silencieux. “J’en ai feuilleté des pages et des pages, pour contempler des émotions, pour sentir que c’était ma voie. Et puis il y avait Marvin Collins, photojournaliste et intellectuel d’une grande profondeur, mon mentor pendant mon séjour d’un an à San Francisco. Grâce à lui et à son regard unique, j’ai toujours gardé en moi un point de référence fondamental”.
Biancamaria est une photographe autodidacte, professionnelle depuis 1999, date à laquelle elle a ouvert et géré son propre studio photographique à Pise, se consacrant depuis une quinzaine d’années principalement aux reportages de mariage, réalisés sur commande dans toute l’Italie et l’Irlande.

Parallèlement, et surtout depuis 2009, elle a commencé à se consacrer à l’édition, en collaborant avec des magazines pour des reportages approfondis dans un contexte touristique, social et culturel, et en publiant son premier livre sur les phares. Elle a reçu plusieurs prix lors de concours internationaux de photographie de rue, de nature et de portrait.
En photo, ses points de référence actuels sont, outre Ansel Adams, Edward Weston, Tina Modotti, Henri Cartier Bresson, Ferdinando Scianna, Mario Giacomelli, Nikos Economopoulos, Harry Gruyaert, Alex Webb, David Alan Harvey, Elliott Erwitt.
“Le type de prise de vue que je préfère est le reportage, où je suis auteur/spectateur, émotionnellement “participant” mais “non invasif”. J’aime me sentir comme le “fantôme” d’une scène, errant sans être dérangé parmi les choses et les gens, me cachant de la vue, de sorte que le cours normal d’une action ne soit pas influencé par ma présence” explique la photographe qui apprécie de travailler avec un objectif grand angle, et souvent en contre-plongée “instinctive”.