
Pour Patrick Guerlain, 44 ans, la rencontre avec le Fenua s’est faite en classe de terminale, en 1999, loin de sa Picardie d’origine. Son bac en poche, c’est décidé : sa vie est à Tahiti. Au lycée, puis à l’université, où il étudie l’anglais et la gestion, la musique commence à occuper une place importante. Il exerce plusieurs professions sans jamais rompre le lien : pendant dix ans, le musicien adepte des percussions se produit sur scène avec le groupe Lion Vibration.
C’est lors de l’enregistrement d’un album qu’il découvre l’envers décor auprès d’un ingénieur du son. “J’ai vu l’autre côté des machines qui m’a passionné, avec ce travail relationnel qui vise à obtenir le meilleur du son des personnes qui chantent ou qui jouent en les mettant dans les meilleures dispositions. J’ai commencé avec un micro et une carte son, et je me suis amélioré progressivement. Notre local de répétition, qui était en centre-ville de Papeete, à côté du marché, est ensuite devenu notre studio d’enregistrement”, se souvient Patou, comme sa famille et ses amis le surnomment.


Des aménagements sur-mesure
En 2016, ce féru de reggae, mais aussi de jazz, de musiques africaines, de rap et de hip-hop, réalise un de ses rêves en s’installant à la Presqu’île, sur les hauteurs de Toahotu, dans un cadre apaisé et verdoyant propice à la création. Ce n’est qu’en 2019 qu’il finalise l’aménagement de son home studio, Polynejah Records, comprenant une régie-son, une cabine de voix et une live room pour pouvoir enregistrer un groupe au complet. Il a acquis son matériel au fil des années, dont certaines pièces vintages.
Son talent pour le bricolage se révèle être un atout, notamment pour l’insonorisation. “Il y a des absorbeurs et des diffuseurs. Les absorbeurs, ce sont des mousses acoustiques. Ça marche aussi pas mal avec des boîtes d’œufs, pour éviter la réflexion des sons. Les diffuseurs, je les ai fabriqués moi-même en bois pour permettre d’éclater les fréquences et les rendre plus linéaires, avec un son plus diffus. J’ai tâtonné jusqu’à trouver le bon équilibre”, explique-t-il.
Les murs se souviennent aussi des rencontres artistiques passées, au travers de tableaux, de tags et de photos des sessions d’enregistrement avec YellinCat and the Catatonics, Yellowstone, Yoyo Tuki (de l’île de Pâques), Aremistic, Nyah, Stktk et Hiva (de Raivavae) pour ne citer que quelques exemples, à découvrir plus en détail sur la page Facebook du studio.

Un espace “convivial” pour une interprétation “magique”
En douze ans, Patou a contribué à une dizaine d’albums et à de nombreuses autres créations, sans ambition commerciale à son niveau. “C’est avant tout une passion pour des projets musicaux avec des amis ou par le bouche-à-oreille pour des collaborations. Le but, c’est de réaliser des projets avec des artistes de manière différente, familiale et conviviale, pour un travail collectif en confiance. J’essaie de mettre une âme ici, pour que l’atmosphère soit propice au développement des projets des uns et des autres. C’est d’abord de la communication et de la psychologie ! Ta relation avec l’autre, savoir être à l’écoute du projet et du parcours des artistes, c’est essentiel pour que l’interprétation soit magique. Au-delà de la technique et de la justesse, c’est l’humain qui nous touche quand on écoute une chanson”, confie-t-il au sujet de son studio à domicile, aussi surprenant qu’agréable.

The sound of silence
Patou ne se limite à aucun style. Outre les groupes et les chanteurs, le silence à la fois typique et insolite du studio privé a inspiré des créations d’un autre genre. “Avec un ami, on a développé un site de musiques de méditation en accès libre : Mana World Meditation. Ce sont des musiques de relaxation et de bien-être. Il est venu avec un groupe de six personnes pour faire un atelier d’initiation au bol chantant tibétain, fait d’un alliage de sept métaux, qui a une résonance particulière au niveau des ondes qu’il émet. On a profité du silence du studio pour ce moment de partage”, précise-t-il, considérant cet écrin hors du temps comme un “laboratoire musical”.