Au fil du temps, c’est devenu l’emblème de l’étape polynésienne du championnat mondial de la World Surf League (WSL). Chaque année, un mois avant la compétition, Moana David et son équipe procèdent au même rituel dans le lagon de Teahupo’o, face à la vague de Hava’e, au niveau des douze plots immergés : bâtir l’indispensable tour des juges avec sa vue imprenable sur le spot, où prennent également place les cameramen officiels.
12 mètres de haut
À 57 ans, Moana David est fidèle au rendez-vous depuis 1999. “Avant, il n’y avait pas d’échafaudage. Il y a eu un bateau des juges, qui avait fini sur le récif, puis un petit édifice, qui n’avait pas tenu. Blue Torch est venu me voir pour me demander conseil par rapport au site, puis on m’a donné carte blanche pour bâtir quelque chose qui tienne”, se souvient Moana David.
Concepteur de la tour, ce passionné de surf originaire de Punaauia est également le coordinateur de la Water Patrol, qui veille à la sécurité des riders.
Entièrement en bois, le scaffolding mesure 9 mètres de long sur 6 mètres de large, et 12 mètres de haut pour un total de trois étages. “En bas, il y a un petit étage pour les groupes électrogènes qui permettent d’alimenter les ordinateurs et le matériel électronique, où je fais tous les renforts de la tour. Au-dessus, il y a un étage pour la sonorisation et les drones. Et le dernier étage accueille les juges, les cameramen et d’autres postes”, détaille Moana David.
Des cordages latéraux complètent l’ensemble pour stabiliser les prises de vue en cas de vents forts. Une partie des matériaux est conservée d’une année à l’autre chez la famille Farauru, sur un terrain idéalement situé face au site de compétition, tandis qu’une autre partie est remplacée par mesure de sécurité.
Un édifice amovible
L’équipe compte une douzaine d’ouvriers, majoritairement des résidents de Teahupo’o. “Le montage dure entre 8 et 9 jours, selon les conditions météo, notamment au niveau de la houle, car le matériel est acheminé par bateau et parce qu’on a besoin de solidifier la base les premiers jours du chantier. Cette année, les conditions sont parfaites. On a commencé la semaine dernière et on va finir ce vendredi, le 21 juillet. C’est l’objectif !”, explique Moana David, qui a l’habitude d’être “premier arrivé et dernier parti”, au terme de quatre jours de démontage.
Car la tour des juges de Teahupo’o a la particularité d’être amovible. “Mon objectif, c’est qu’il n’y ait aucune trace de notre passage après l’événement, jusqu’au rangement dans le container et au ramassage d’éventuels éléments du chantier dans le lagon. On fait place nette ! Il y a un respect à avoir par rapport à l’environnement, à la culture et aux habitants de Teahupo’o. Je viens en tant qu’invité, avec beaucoup de respect pour les tupuna, et pas en conquérant”, souligne-t-il.
“Un défi depuis un quart de siècle”
“Les éléments ne sont pas toujours avec nous et il faut composer avec la nature, mais c’est un défi que je relève avec mon équipe depuis un quart de siècle”, répond Moana David, quand on lui demande comment cette construction unique résonne en lui.
La Shiseido Tahiti Pro, du 11 au 20 août 2023, précédée des Trials, du 6 au 7 août, pourrait toutefois être la dernière édition surplombée par la tour dans son modèle actuel. La nouvelle version olympique devrait être testée en mai 2024, lors de la prochaine compétition de la WSL, programmée en amont des épreuves de surf de Paris 2024, fin juillet. “J’ai été consulté pour apporter ma pierre à l’édifice, mais je n’en sais pas plus pour la suite”, confie Moana David, qui aimerait continuer à bâtir l’édifice phare du surf de compétition à Teahupo’o.
Robert Le Boulicaut, membre de l’équipe de construction et résident de Teahupo’o :
“C’est un chantier de l’extrême”
“Ça fait seize ans que je participe à la construction de la tour. C’est un chantier de l’extrême, parce qu’on n’a pas d’échafaudage, ni d’échelle pour monter l’ensemble dans la mer. C’est un savoir-faire tellement spécifique qu’il s’apprend sur le tas. C’est une fierté et, tous les ans, on a hâte de s’y mettre ! Quelques jeunes ont rejoint l’équipe, donc on les forme à notre tour, pour que ça puisse leur servir par la suite”.