
Poerava Taea dirige l’école de danse de ‘ori Tahiti Manohiva, qu’elle a fondé en 2012. Le 12 juillet dernier, elle a remporté le premier prix en catégorie Hura ava Tau au Heiva i Tahiti 2023. C’est la première fois que Poerava portait ses 116 danseurs au concours traditionnel. La Dépêche de Tahiti l’a rencontré à la Maison de la Culture pour partager son parcours artistique.
“Le Heiva était une belle expérience. Nos sacrifices n’ont pas été vains”, déclare Poerava Taea encore émue de la victoire de Manohiva, récompensé du premier prix Gilles Hollande en catégorie Hura ava Tau, au Heiva i Tahiti 2023. Si sur scène, les 140 figurants (danseurs, musiciens, orero et raatira’a) ont ébloui l’assistance, en coulisse, c’est avec l’appui de costumiers, d’auteurs et de son chef d’orchestre, que Poerava a élaboré ses prestations gagnantes.
Pour son premier Heiva en tant que cheffe de troupe, Poerava a célébré l’île Vavau, située à Bora Bora. Une volonté “symbolique” et “personnelle” puisque c’est la terre natale de son père. “Depuis deux ans, j’ai un fort appel de l’île et je suis émue à chaque fois que j’y vais. Pour mon premier Heiva, je voulais absolument mettre en avant mon attachement pour cette île, chère à mon coeur“, nous dit-elle. Au travers d’une heure de spectacle, son éloge à Vavau lui a valu son premier grand prix au Heiva i Tahiti.


(Photos : Heiva i Tahiti)
Extérioriser ses émotions

Lorsque le thème, les textes sont assimilés, l’inspiration l’illumine presque “naturellement et facilement” pour créer ses chorégraphies: “J’écoute mes émotions tout en respectant le thème attribué. Car, c’est essentiellement cela, je ne parle pas, c’est la danse qui s’exprime à ma place“, explique-t-elle.
Son jardin créatif, c’est le bord de plage de Matira, à Bora Bora. C’est à cet endroit que Poerava réalise ses chorégraphies, son “petit coin de paradis“. Entourée de bleu, Poerava est “en connexion avec les vertus de la nature“. Et puis, lorsqu’elle perd l’inspiration, Poerava “reporte la tâche à un autre jour” car, il y a bien évidemment “des journées qui ne sont pas propices à la créativité“, l’idée est d’élaborer au nom de l’imagination et non en celui de l’impulsion.
La danse, une passion depuis l’enfance
“Comme tous les Polynésiens, j’ai toujours eu ce contact avec le ori Tahiti J’ai baigné dans la danse depuis mon enfance“, se remémore-t-elle.
À 14 ans, Poerava est initiée au ‘ori Tahiti “en cachette“, aux côtés de “tatie Makau“, alors que ses parents la prédestinaient à un avenir plus diplomatique. À l’aide de son argent de poche et de son “scooter“, Poerava fait ses premiers pas comme danseuse de ‘ori tahiti. Puis, à 15 ans, elle intègre la troupe de Coco Hotahota, Temaeva, qui lui offre l’opportunité de “faire des shows dans des hôtels” : “J’ai découvert un autre aspect de la danse où l’esprit familial régnait. C’est d’ailleurs cette cohésion sociale, apprendre à connaître les membres de la troupe, qui m’a attiré. De plus, se produire sur scène a été révélateur car il n’y a pas meilleur endroit pour vaincre sa timidité. Avec Coco, il y avait des spectacles tout au long de l’année, c’était une expérience enrichissante“, raconte t-elle.


(Photos : Manohiva)
Lorsque à 18 ans, Poerava intègre les Grands Ballets de Tahiti, dirigé par Lorenzo Schmidt, c’est la consécration. Au-delà de cet “aspect familial“, Poerava découvre le milieu professionnel de la danse : le maquillage, l’entretien physique et mental, ainsi que les représentations à l’étranger. “Un suberbe tremplin” selon la cheffe de troupe. “À 18 ans tu te cherches, tu veux découvrir d’autres horizons et les Grands Ballets ont révolutionné la danse au fenua. J’étais ravie de faire partie de cette aventure. Jusqu’à aujourd’hui, je peux compter sur eux notamment pour des conseils artistiques car ils sont de bons mentors“, affirme-t-elle.
Le Hura Tapairu, le début du triomphe
Avant l’aventure Heiva, il y a eu d’abord celle du Hura Tapairu, qui a forgé le professionnalisme de Poerava. En 2010, elle fonde avec quelques-unes de ses amies, la section Manavai et participe “sans grande appréhension” au concours. Cette année-là, le groupe obtient le deuxième prix du ote’a. Ce n’est qu’en 2012 que Poerava fonde l’école Manohiva et décide de retenter sa chance au Hura Tapairu. Une fois de plus, sa troupe termine deuxième et manque de peu la première place : “Nous avons compris qu’il y avait un souci quelque part, qu’il fallait retravailler notre organisation“.
Finalement, Poerava rafle le premier prix du Hura Tapairu en 2014 ! À partir de cette année, le triomphe se poursuit et ne s’arrête plus. Le groupe Manohiva termine premier des éditions du Hura Tapairu 2016, 2018 et la dernière de 2022. “J’ai appris qu’il n’y avait pas simplement l’aspect chorégraphique qu’il fallait maîtriser. Il fallait avoir un réel thème, un message à partager, un véritable travail de recherche autour du projet du spectacle“, révèle-t-elle. Sortie grandie de l’aventure, Poerava admet que “c’est un challenge” de diriger une troupe et de porter ses figurants à la victoire. “Tous les ans, il faut pousser la barre haut. Cela me plait car je dois innover afin de maintenir cette énergie, ce cap vers la victoire“, conclut-elle.


(Photos : Manohiva)
Pour finir le Heiva 2023 en beauté, la troupe Manohiva se produira sur le marae ‘Arahurahu, à Paea. Poerava reprendra son métier d’enseignante à la rentrée d’août après une disponibilité de 6 ans.
Les confidences de Poerava

Une personnalité polynésienne préférée ?
“Steeve Hamblin car c’est mon mentor en terme de développement personnel et du business. J’aime sa manière de penser, son esprit novateur et ambitieux. Il m’a aidé à devenir la personne que je suis aujourd’hui.”
Ta musique du moment ?
“I te po interprétée par Rob Ruha. Elle me fait rêver et me donne envie de danser. Elle me rend amoureuse de mon fenua, de ma famille et de moi-même. Si on ne s’aime pas soi-même, que sommes-nous ?”
Ton plat préféré ?
“La pizza chèvre-miel du Fare Manuia à Bora Bora.”
Ta fleur favorite ?
“J’aime la tiare taina.”
Une cause qui te tient à coeur ?
“Je soutiens toutes les causes qui concernent les enfants. Le dernier projet qui m’a touché était celui de la Fraternité chrétienne qui planifiait de faire voyager les enfants en situation de handicap aux États-Unis. Quand je peux, je n’hésite pas à soutenir cette cause.”
Propos recueillis par Lana CHAINE
Pratique
L’école de danse Manohiva
Titioro allée Bain Loti, près du magasin Nea market, lot 356 – 98714 Papeete
Tél : 89 77 20 16
E-mail : manohivaoritahiti@gmail.com
Facebook : École de danse Manohiva à Titioro