
“Nous avons tous été surpris par l’annonce de ton départ vers un Orient encore inconnu par nous tous. Nous continuons le chemin, désormais sans toi, Raymond. Nous pensions à tort que tu étais indestructible, je te l’affirmais d’ailleurs lors de notre dernier échange téléphonique.
Le poète Machado ne disait-il pas que “tout passe et que tout demeure”. Nous sommes tous de passage, ton souvenir demeure ! Il nous reste en héritage.
Il nous reste aussi ton engagement, d’abord pour la science au service de ce fenua où tu as été décoré, signe de reconnaissance pour tes travaux. Citons évidemment la recherche sur la ciguatera, la promotion de l’association Proscience-Te Turu ‘Ihi notamment auprès des jeunes, enfin les consultations dans tes multiples tournées dans les îles.
La légende ne dit-elle pas que certaines mamans ont donné comme prénom “Bagnis” à leur bébé ?
Même reconnaissance auparavant, de ton engagement en Afrique, la Mauritanie précisément, où tu as reçu la médaille Al Istihqaq El Watani El Mauritani, traduit par “justice du peuple mauritanien!”
Je sais que tu étais sensible à cette reconnaissance, car de milieu modeste. Tu avais d’ailleurs été touché et fier de l’honneur rendu à ta maman lorsque le président de la République de Mauritanie, Moktar Ould Daddah, l’avait reçue à Nice pour lui exprimer sa reconnaissance du travail de médecin de proximité que tu avais effectué dans ce beau continent, auquel tu es resté aussi attaché.
J’ai observé la même joie chez toi lorsque la ville de Papeete a été jumelée avec celle de Nice, ta ville natatale. Tu savais partager ton amour, avec cette pointe de sensibilité qui était ta marque de fabrique. Une autre de tes caractéristiques, ce sont les histoires que tu nous racontais. Je ne vais pas m’y aventurer, il n’y avait que toi qui savait les narrer…
Il n’y avait que toi également, qui savait manger un poisson de la tête à la queue sans rien laisser, au désespoir des poules auxquelles tu étais aussi très attaché ! Nous étions tous admiratifs et étonnés de cette capacité à faire place nette dans ton assiette… On te “chambrait”, et ton attitude nous poussait à en rajouter !
Ton parcours, mon cher Raymond, fait rêver. Car le métier que tu exerçais, médecin, à travers le serment d’Hippocrate, comporte les valeurs que tu as véhiculé sans cesse : honneur, probité, dévouement, compétence et confraternité…
Ton engagement et ta capacité à aider les autres n’ont pu s’exprimer sans le sacrifice de ta femme, de tes enfants et petits-enfants. Ils ne t’ont pas beaucoup vu à la maison, tu leur as énormément manqué.
Nous aussi tu vas nous manquer, tu vas me manquer. Tu rejoindras la grande liste de ceux qui sont partis, Louis, Victor, Alban et Jean-Claude… Repose en paix.
La Dépêche de Tahiti présente ses sincères condoléances à la famille Bagnis.”
Karim Ahed