Mission Pacific Aito – L’association Manu en exploration avec le Bougainville

Le bâtiment de soutien et d'assistance outre-mer (BSAOM) Bougainville est rentré ce jeudi 20 juillet d'une mission de deux mois aux Marquises et aux Tuamotu. (Photos : SG/LDT)
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Le bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer (BSAOM) Bougainville est rentré ce jeudi 20 juillet d’une mission de deux mois aux Marquises et aux Tuamotu. 

Une première mission de police des pêches s’est déroulée dans les eaux internationales bordant l’archipel des Marquises. “Cette mission a duré 6 semaines, nous avons interrogé 19 palangriers et nous avons visité 5 d’entre eux” a détaillé le Capitaine de corvette Martin Nicolas, commandant du Bougainville équipage A. Seules, quelques infractions mineures comme des journaux de bord incomplets ou des systèmes électroniques de positionnement pas aux normes ont été constatées. “Contrairement à ce nous pourrions penser, nous n’avons jamais trouvé au cours de cette visite et des précédentes, des cargaisons de requins interdits de pêche par exemple” a précisé le capitaine. 

“Rassurer les Polynésiens”

La mission s’est poursuivie aux Tuamotu par une reconnaissance d’atolls. 12 atolls isolés, habités ou inhabités ont été visités. “Vérifier les infrastructures portuaires, aériennes…, rassurer les Polynésiens sur le fait que les armées françaises sont bien là pour assurer leur sécurité étaient les principaux objectifs” selon le commandant. “L’idée est de s’assurer que l’on a accès à ces îles en cas de catastrophe naturelle (…) Nous savons que nous avons un risque de super El Nino donc nous avons aussi parler de cela avec les habitants qui n’étaient pas forcément au courant. Du coup, ils peuvent aussi se préparer en faisant des exercices avec le PC crise…”. 

La mission a permis aussi de vérifier l’état de pollution de certains atolls inhabités. “Il est assez élevé sur certains atolls, le courant amène des déchets qui ont pu être lancés à la mer par des pêcheurs ou autres embarcations. Ce sont des DCP (dispositif de concentration de poissons), des bidons… Cela permet de savoir s’il faut engager des missions de dépollution”. 

Une vingtaine d’espèces d’oiseaux recensée sur 12 atolls

Outre ces missions militaires, le capitaine se réjouit d’avoir pu embarquer aux Gambier trois membres de la société ornithologique de Polynésie (SOP) Manu (un 4e membre a pris le relai à Hao). “Nous avions déjà embarqué des scientifiques du Muséeum national d’histoire naturelle lors d’une précédente mission appelée Kivi Kuaka et nous avons décidé de réitérer cette expérience avec l’association Manu” explique le commandant. 

Une aubaine pour l’association qui a pu réaliser ou compléter la cartographie de l’état de santé de la faune et la flore des Tuamotu. Le botaniste Jean-François Butaud et Astrid Hoffman Brander, membres de l’association Manu ont pu constater que le rat noir ainsi que le chat continuent à faire des dégâts sur les atolls. Ils ont recensé une vingtaine d’espèces d’oiseaux. Deux espèces endémiques ont presque disparu pour lesquelles des actions de conservation vont être engagées. 

Cette collaboration avec l’armée va se poursuivre puisque, dans quelques jours, le Bougainville va repartir en mission pour 3 semaines aux Australes avec, de nouveau à bord, des membres de l’association Manu qui mèneront des opérations de dératisation à Rapa. 

Astrid Hoffman Brander, membre du conseil d’administration de l’association Manu et bénévole

“Des rats mais aussi des chats”

“Je suis souvent partie en mission mais à bord d’un navire militaire c’est une première et je tiens vraiment à remercier les membres d’équipage. Ils étaient vraiment à notre disposition pour nous accompagner dans nos travaux.

Notre rôle était de répertorier les oiseaux sur les îles et de voir s’il y avait des nuisibles. Les rats sont toujours un problème mais aussi les chats qui mangent également les poussins.

La gallicolombe ou tutururu a complètement disparu de certaines îles. On aurait aimé aussi voir la pétrel de Murphy, nous n’en avons vu qu’une seule. On peut relever toutefois une grande richesse d’oiseaux sur certains atolls comme Hiti, Ravahere, Raroia.”

Jeannine Parau et Astrid Brander de l’association Manu entourent le capitaine Martin Nicolas.

Jean-François Butaud, botaniste et membre de l’association Manu

Dératiser et repeupler

Les atolls qui ont été choisis sont très peu visités et certains étaient inconnus pour nous ; pour la première fois nous avons pu y recenser les oiseaux comme à Ravahere, Marokau et Hikueru. 

On recherchait particulièrement deux espèces endémiques en danger d’extinction pour lesquelles nous avons des actions de conservation : le tutururu (gallicolombe) et le titi (bécasseau ou chevalier des tuamotu). 

La cause principale de leur disparition est le rat noir. Les oiseaux ne peuvent pas se reproduire s’il y a des rats sur le motu. Depuis une trentaine d’années, dans le Pacifique, on tente de dératiser des îles entières mais c’est un long processus.

Le titi on l’a trouvé tout de même sur Raroia et sur des motu alentours. 

Le tuturu, quant à lui, est endémique de l’archipel des Tuamotu. Il y a 200 ans, avant l’introduction des rats et des chats, il était présent quasiment sur tous les atolls. Aujourd’hui, on trouve une population viable d’une centaine d’individus à Tenararo aux Actéon. En 2015, des opérations de dératisation ont eu lieu sur deux atolls comme Temoe près de Tenararo. L’idée est de prendre des gallicolombes de Tenararo et de les envoyer sur Temoe aux Gambier ou il n’y a plus de prédateurs.”

Jeannine Parau, Astrid Brander et Jean-François Butaud de l’association Manu.