
“Là-haut, sur les plateaux des orangers, c’est la belle vie. Quand on monte, on est tellement bien. Tu oublies tous les petits tracas que tu as en bas. Si tu restes plusieurs jours, tu as l’impression d’être parti en vacances”, partage Peter Brothers, vice-président de l’association pour la protection de la vallée de la Punaruu-Paruru i te faa no Punaruu.
Porteur d’oranges de père en fils, “plus que les oranges, ce qui nous attire c’est la nature, mais participer à la cueillette des oranges, c’est fondamental, il faut y aller. C’est inenvisageable de ne pas y aller pour ma famille. J’ai dû aller sur les plateaux pour la première fois à 3 ans. Ça fait quarante ans que les orangers sont dans ma vie. Mes enfants – ma fille de 15 ans et mon fils de 4 ans – me suivent aujourd’hui. Ils adorent ça. Nous sommes montés ensemble ce lundi pour sécuriser les chemins et ils veulent déjà y retourner”, confie-t-il fièrement.
Le spécialiste des plateaux des orangers estime que la cueillette n’arrivera pas aux trois tonnes, cette année, loin des huit qui pouvaient être récoltées il n’y a encore pas si longtemps.
Parti inspecté les pieds d’orangers, sur le plateau Hoa’a, il n’a vu que “six pieds bien chargés. Ça fait 500 kilos, ce n’est pas énorme”, reconnaît-il.
S’il y a moins d’oranges, Peter Brothers estime que “c’est à cause des porteurs d’oranges. C’est de notre faute. Nous profitons de cette vallée, nous cassons les oranges et nous ne faisons rien en échange pour les orangers. Nous sommes arrivés à un moment où les orangers en ont un peu marre”, reconnaît-il mi-figue mi-raisin.
Pourtant, plusieurs actions ont été menées par l’association depuis 2019. “Nous montons bénévolement tous les deux ou trois week-ends dès janvier. Nous enlevons les plantes envahissantes qui pourraient gêner la croissance des orangers. Mais à ce moment-là, nous nous comptons sur les doigts d’une main, alors qu’à la période de la cueillette, nous sommes 200. Avant 2019, nous étions 30 à prendre soin des orangers régulièrement. Aujourd’hui, nous sommes moins d’une dizaine. Et ceux qui viennent avec moi régulièrement, ils ne sont même pas de Punaauia. Ceux de la commune, ils ne veulent pas venir”, raconte-t-il un peu dépité.


De 2020 à 2022, un rahui (équivalent à une interdiction de récolter les oranges) a été instauré par l’association pour la protection de la vallée de la Punaruu. Le vice-président de l’association aimerait bien qu’après cette cueillette, une nouvelle interdiction soit formulée pour laisser du temps aux orangers. “Nous avons dégagé pas mal de pieds. Les arbres sont bien vivants donc il faut leur laisser du temps.”
Peter Brothers a un autre souhait. “La mairie de Punaauia nous donne des subventions pour sécuriser les sentiers et enlever les espèces envahissantes. Toutefois j’aimerais bien qu’elle nous aide en missionnant des spécialistes comprendre pourquoi les arbres ne donnent plus comme avant. Il y a quinze ans, sur un seul pied, sept personnes arrivaient à cueillir à trois reprises, tellement c’était chargé. Ça équivalait à 300-350 kilos trois fois sur le même pied, soit presque une tonne pour un seul pied. C’est impossible aujourd’hui. Il y a toujours eu des plantes envahissantes, alors pourquoi les arbres ne donnent plus. C’est pour ça que nous avons besoin que la mairie envoie des spécialistes au chevet des arbres. Aidez-nous à sauver les orangers, qui sont quand même l’emblème de Punaauia. S’il n’y a que l’association qui se bat pour les orangers, nous n’allons pas y arriver. Nous avons replanté 400 pieds, mais ils ne donnent pas comme nous le pensions.” Le vice-président de l’association aimerait comprendre pourquoi.
Peter Brothers va redescendre des plateaux avec un sac à dos bien rempli et des oranges suspendues à un bambou qu’il portera sur son épaule. Ce samedi 22 juillet aura lieu, dans les jardins de la mairie de Punaauia le défilé des porteurs d’oranges, en souhaitant qu’elles ne soient pas un fruit en voie de disparition et que les générations futures connaissent “la belle vie sur les plateaux de Punaauia.”
Tiphaine Isselé