

La Dépêche invite ses lecteurs à une immersion profonde en trois volets dans le plus grand cimetière du fenua, le plus connu aussi tant il incarne le souvenir de celles et ceux qui ont fait la gloire du fenua, de 1843 à nos jours : le cimetière de l’Uranie à Papeete.
A la suite de “Cimetière de l’Uranie (1-3), 14 hectares de mémoire au coeur de Papeete”, voici “Cimetière de l’Uranie (2-3), 17 000 sépultures et un problème de place” puis “Cimetière de l’Uranie (3-3) : tragédies, destinées et célébrités”.

A ce jour, on dénombre à l’Uranie pas moins de 17 000 sépultures. Au rythme actuel d’environ 230 à 240 inhumations chaque année et en sachant que les deux derniers plateaux 8 et 9 ne sont pas encore utilisés, la durée de vie du cimetière de Papeete semble assurée au cours des vingt prochaines années. D’autant que de nouveaux procédés sont en plein essor pour pallier justement le manque de places.
Un impératif: gagner de la place
C’est le cas notamment des “enfeus” ou caveau hors-sol que la commune tentent de développer. Deux cent places sont actuellement disponibles mais le directeur du cimetière, Alexandre Bernière, est bien conscient que ce n’est pas dans la tradition polynésienne.

En revanche, les enfeus “de famille” séduisent davantage car il peuvent accueillir un plus grand nombre de défunts. Une autre solution est en passe de voir le jour avec l’ouverture attendue d’un “site cinéraire” de 1400 m2 au septième étage.
Il s’agit là d’un espace destiné au dépôt des urnes cinéraires et à la dispersion des urnes des défunts dont le corps a donné lieu à crémation. Malgré l’absence de crématorium en Polynésie française, sujet qui divise la société depuis une dizaine d’années, ce site cinéraire est censé répondre à une réelle attente.

D’autant que depuis la loi du 19 décembre 2008, il n’est plus possible de conserver chez soi les cendres d’un défunt. Désormais, l’urne funéraire doit impérativement être scellée sur une pierre tombale, enterrée dans une sépulture ou enfin déposée dans un columbarium.
La plus ancienne tombe date de 1853
A quand remonte la création du cimetière de l’Uranie ? Sur ce point, il n’y a aucune certitude, si ce n’est que la plus ancienne sépulture mise à jour par un plan topographique, daterait de 1843. Ce dont on est sûr, en revanche, c’est que Edward Lucett (1853) et Francis Johnstone, mort le 8 septembre 1855, occupent les deux plus anciennes tombes situées à l’entrée même du cimetière sur la droite.

Deux Anglo-saxons, bien connus à l’époque: le premier étant un riche colon qui avait maille à partir avec les Français alors que le second était le médecin attitré de la reine Pomare IV.
A proximité, on trouve également la tombe de Maco Tevane, Maamaatuaiahutapu de son vrai nom, qui a marqué de son empreinte la culture polynésienne, ou encore Jean Souvy, mort en 1913, qui a fait don aux autorités communales de sa propriété de Punaauia. Mais à une seule condition: que soit érigée à cette même place une école que tout le monde connaît puisqu’il s’agit de “2+2=4”.
Enfin, Jean-Marie Cadousteau (1856-1916) restera dans les mémoires comme “interprète principal”, seule mention apposée sur sa pierre tombale, lorsque Pomare V a fait don de ses Etats à la France.

De François Cardella à Louise Carlson
Les maires qui se sont succédé depuis l’avènement de la commune ont également une place de choix à l’Uranie. Sur les douze tavana de Papeete, huit y sont enterrés. “Ils le sont tous au niveau 1 sauf Lucien Sigogne qui est enterré en Australie” selon Allegra Marshall.
Le premier en poste de 1890 à 1917, le docteur François Cardella, connu également pour avoir été conseiller du roi Pomare V au moment de l’annexion de Tahiti (1880), jusqu’à la dernière en date, Louise Carlson, la seule femme maire de Papeete décédée en 2017 et qui, rappelons-le, va donner son nom à l’actuel collège de Tipaerui.

C’est au premier niveau que l’on trouve les mausolées les plus imposants par la taille et celui qui domine parmi tous est érigé en mémoire du notable Victor Raoulx (1842-1914) dont l’une des maisons, baptisée la Saintonge, sert aujourd’hui d’hôtel de ville de Arue.
Et puis, à des années lumière de cette démesure, il y a une tombe qui ne laisse pas insensible. C’est celle du petit Aristide Suhas, un enfant en bas âge, voisin à l’époque de célèbre Paul Gauguin, que le peintre a immortalisé sur son lit de mort. Cette huile sur toile, datée de 1891, est intitulée “Portrait de Atiti” et selon nos informations, elle fait les beaux jours d’un musée norvégien.
S.A
