Alison Shea, nouvelle consule : “L’Australie pour un Pacifique stable”

Alison Shea, nouvelle consule générale d’Australie en Polynésie française : "Canberra soutient une famille Pacifique unifiée et forte." (Photo : Damien Grivois)
Alison Shea, nouvelle consule générale d’Australie en Polynésie française : "Canberra soutient une famille Pacifique unifiée et forte." (Photo : Damien Grivois)
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“Les relations diplomatiques entre la France et l’Australie se beaucoup réchauffées” assure Alison Shea qui dit plaider pour “une relation bilatérale plus étroite, basée sur la confiance et le respect mutuel”. (Photo : Damien Grivois)

Alison Shea est, depuis le début de juillet, la nouvelle consule d’Australie en Polynésie française. Elle prend le relais de Claire Scott, partie en avril, et de Susan Coles qui a assuré l’intérim.
Cette diplomate australienne originaire de Canberra travaille depuis une dizaine d’années au ministère australien des Affaires étrangères et du commerce. Elle arrive de l’île Maurice où elle a exercé pendant 4 ans les fonctions d’adjointe au haut-commissaire de ce pays du Commonwealth.
Elle a accepté de donner en primeur une interview à La Dépêche de Tahiti, dans laquelle elle explique la “philosophie diplomatique” de l’Australie pour le Pacifique insulaire : “Canberra soutient une famille du Pacifique unifiée et forte. L’Australie veut contribuer à façonner une région ouverte, stable et prospère”. La diplomate a déjà rencontré le président du Pays Moetai Brotherson, le haut-commissaire Eric Spitz ou encore le président de l’assemblée, Antony Géros.


Pourquoi, et dans quelles proportions, l’Australie renforce-t-elle ses liens diplomatiques avec les pays insulaires du Pacifique ?

L’Australie fait partie de la famille du Pacifique. Lors de l’arrivée du nouveau gouvernement en mai , 2022, la nouvelle ministre des Affaires étrangères, Penny Wong, a insisté sur la nécessité d’être à l’écoute des demandes et priorités des pays du Pacifique. Le gouvernement australien veut nouer des partenariats Pacific afin de former une région qui reflète nos intérêts communs. L’Australie veut contribuer à façonner une région ouverte, stable et prospère, qui fonctionne selon les règles et les normes grâce auxquelles aucun pays n’est dominant ni dominé. L’Australie est le seul pays au monde à avoir développé des relations diplomatiques avec chacun des pays du Forum des îles du Pacifique (FIP), et à y avoir développé des consulats. C’est un symbole d’une coopération régionale qui vise à répondre aux défis auxquels font face les pays insulaires du Pacifique.

Canberra veut-elle également développer ses relations économiques avec les pays insulaires océaniens ?

En tant que membre de la famille du Pacifique, l’Australie partage les responsabilités et les défis de la région. L’Australie soutient une famille du Pacifique unifiée et stable. Le gouvernement australien travaille étroitement et fortement avec ses voisins du Pacifique pour renforcer nos économies. Ensemble, en tant que région, nous voulons soutenir un commerce ouvert et transparent, et développer des opportunités commerciales pour les exportateurs et investisseurs australiens et du Pacifique. Nous voulons travailler avec, et pour le Pacifique.

Quelle est la nature actuelle des relations diplomatiques Pékin-Canberra, qui s’étaient beaucoup dégradées ces dernières années ?

Nous cherchons à stabiliser la relation. Notre position se veut calme et cohérente : coopérer là où nous pouvons, être en désaccord là où nous devons, et gérer nos différences avec sagesse : “cooperate where we can, disagree where we must, and manage our differences wisely”.
L’objectif du gouvernement australien est d’éviter la guerre et de maintenir la paix. Nous plaidons pour une relation de respect et de bénéfice mutuel. La croissance de la Chine est également un moteur de prospérité en Australie. Nous travaillons avec des partenaires et des amis de la région afin de maintenir un équilibre qui profite à tous.

Quelle est la qualité des relations entre l’Australie et la Nouvelle-Zélande ?

Nos relations sont très bonnes, elles restent bien sûr très étroites, c’est lié à la profonde amitié historique qui lie nos deux peuples. Nous sommes unis par des valeurs partagées, des visions communes et des liens interpersonnels très forts. Il existe des libertés de travailler et de circuler entre les deux pays sans contraintes ni restrictions. L’Australie est le seul allié militaire de la Nouvelle-Zélande.

Le Premier ministre de l'Australie, Anthony Albanese. (Skynews/DR)
Le Premier ministre de l’Australie, Anthony Albanese. (Skynews/DR)

L’Australie est-elle satisfaite des accord de coopération militaire signés notamment avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis ? Un trait définitif a-t-il été tiré sur l’affaire des sous-marins ?

L’accord “AUKUS” est un nouveau partenariat de sécurité qui favorisera un Indo-Pacifique libre et ouvert, sûr et stable, formé par l’Australie, les États-Unis et le Royaume-Uni, rendu public le 15 septembre 2021. Les liens diplomatiques entre la France et l’Australie se sont resserrés. Nous travaillons pour une relation bilatérale plus étroite, basée sur la confiance et le respect mutuel. L’une des premières visites officielles du Premier ministre australien après son élection en mai 2022 a été à Paris pour réaffirmer l’engagement à construire une relation bilatérale plus forte. Nous travaillons ensemble et partageons une vision commune d’un Pacifique libre, ouvert, inclusif et résilient.

Quelle est la position, et quelles sont les aides concrètes apportées par l’Australie à l’Ukraine agressée par la Russie ?

L’Australie condamne l’invasion illégale et immorale de la Russie en Ukraine, c’est une violation flagrante du droit international. C’est une démarche qui rompt précisément notre logique sur l’absence de dominants et de dominés. L’Australie soutient fermement la souveraineté et l’intégrité du territoire de l’Ukraine. En juillet, en marge du sommet de l’Otan, le Premier ministre Anthony Albanese a annoncé la livraison de 30 nouveaux véhicules “Bushmasters” produits en Australie, ce qui porte à 120 le nombre d’engins déjà livrés à Kiev en plus des mesures précédentes : livraisons de munitions, de véhicules, contributions financières. Au total, le soutien financier de l’Australie s’élève 890 millions de dollars australiens, soit 64,8 milliards de francs (1 dollar australien vaut 72,89 francs Pacifique, NDLR).

Quelle est la position de Canberra concernant la liste des territoires non autonomes de l’ONU, sur laquelle la Polynésie française est réinscrite depuis dix ans ?

L’Australie soutient le droit des peuples non-autonomes à déterminer eux-même leur système politique. Ici, c’est une question qui intéresse l’État et les autorités de la Polynésie française. La priorité de l’Australie, c’est la paix et la stabilité dans la région. Nous restons engagés à établir une coopération sur des priorités partagées.

A quel point Canberra prend en compte les bouleversement climatiques ? Quels efforts l’Australie, pays à forte activité minière, est-elle prête à consentir pour moins polluer ?

Notre pays est victime d’incendies et d’inondations liés au dérèglement climatique. Le gouvernement australien a déjà pris des mesures importantes. Tout d’abord, il reconnaît que les activités humaines sont responsables d’une hausse de 1,1 degré Celcius dans le réchauffement climatique et il a pris des engagements dans la loi. Nous avons légiféré pour nous fixer un objectif de réduction de 43% des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 2005 d’ici à 2030, et nous visons l’objectif “Net Zero Emission » à l’horizon 2050. Dans le cadre de la transition, l’Australie veut se recentrer, au niveau minier, sur les secteurs des minéraux critiques comme le Lithium indispensable aux batteries. L’Australie, qui veut soutenir les technologies d’énergies propres, est en train de déposer sa candidature pour l’organisation de la COP31 en 2026, en partenariat avec la famille du Pacifique. C’est une étape très importante.

Propos recueillis par Damien Grivois.

L’Australie a déjà envoyé 120 véhicules militaires “Bushmasters” de ce genre pour soutenir les forces armées ukrainiennes. (Photo Skynews)