
Le remaniement du gouvernement d’Elisabeth Borne II est sans couleur, ni saveur. Aucune prise de personnalités importantes, ni d’alliance pour assurer la stabilité de l’exécutif. Le deuxième mandat du président Macron entérine l’oubli des élus ultramarins dans les nominations ministérielles, et souligne l’extrême fragilité du ministère des Outremer, qui perd de sa superbe et devient secrétariat d’Etat, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur !
Ce ministère a connu une instabilité du fait des changements très fréquents des locataires de
la rue Oudinot. Depuis la deuxième élection du Président Emmanuel Macron en mai 2022, ce
ministère a déjà connu trois locataires.
D’abord Yaël Braun-Pivet qui n’a assuré cette fonction que 35 jours pour ensuite occuper le perchoir de l’Assemblée nationale. Puis Jean-François Carenco, nommé pour seulement un an. Il vient en effet d’être remercié et c’est Philippe Vigier qui le remplace en tant que ministre chargé des Outremer à la faveur du remaniement ministériel du 20 juillet 2023.
Servir l’Etat dans une fonction ministérielle reste une mission précaire. Certes, nul n’est propriétaire de son maroquin, mais une telle instabilité a rarement été observée, surtout lorsque le ministre sortant est couvert de louanges !
Ainsi, le ministre de tutelle, Gérald Darmanin, a-t-il lancé à l’adresse de Jean-François Carenco une phrase qui, à notre sens, sème le trouble : ”nous te remercions et nous t’aimons, (…) J. François Carenco est le meilleur des hommes…” Dans ce cas, le ministre de tutelle ne devrait-il pas se poser la question : “Pourquoi le changer ?”
A l’instar des gouvernements Ayrault, Valls et Cazeneuve, le premier mandat d’Emmanuel Macron,
avec Edouard Philippe comme Premier ministre, avait plutôt manifesté une continuité. Les Outremer avaient gardé un vrai portefeuille ministériel et vu la nomination d’une ministre originaire des îles, en la personne d’Annick Girardin.
Cette “tradition” a été rompue sous le gouvernement de Jean Castex avec la nomination à ce
poste de Sébastien Lecornu. Pourtant, depuis 2010 et d’une manière ininterrompue, le ministère des Outremer était confié à un ultramarin : de Marie-Luce Penchard à droite, en passant par Victorin Lurel, George Pau-Langevin et Ericka Bareigts à gauche, pour finir avec Annick Girardin (En Marche) en 2020.
Depuis cette date, les Outremer sont placés sous la tutelle du ministère de l’Intérieur et ont perdu leur
représentation au sein du gouvernement.
La présence d’un ministre ultramarin au sein du gouvernement, et pas spécifiquement au portefeuille des Outremer, est pourtant d’une nécessaire évidence afin que puissent s’exprimer les voix de la zone Caraïbe, du grand Pacifique, de l’Océan Indien… La voix de ces bassins n’est importante désormais que dans les discours des politiques nationaux, notamment pour évoquer l’axe Indo-Pacifique ! Si les bassins sont importants, leurs natifs devraient tous l’être également.
D’autant que d’autres minorités sont régulièrement représentées dans les exécutifs depuis le gouvernement Rocard et la nomination de l’Antillais Roger Bambuck au ministère des Sports en 1988.
L’équipe dirigeante de la France doit aussi être à l’image de la société. Pour l’heure, il y a comme un bug dans le logiciel gouvernemental.
Karim Ahed