Enos, graffeur : “La Polynésie avec son métissage fait qu’elle évolue”

Enos est un des pionniers du graffiti local. Il a fait l’objet d’un documentaire diffusé ce jeudi 27 juillet sur France 4, à 21h10. (Photo : T.I./LDT)
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De la rue à la télé. Pionnier du graffiti à Tahiti, Enos, 38 ans, fait l’objet d’une séquence d’un peu moins de 15 minutes dans un documentaire intitulé De la Martinique à Mayotte et diffusé ce jeudi 27 juillet, à 21 h 10 sur France 4.

Tourné par Teiva Ribet pour la réalisatrice Sarah Almosnino en 2022, il a déjà été diffusé en septembre 2022. Il est l’occasion de faire connaissance avec Enos, figure du graffiti.

Son père est un artiste et son frère aîné, Neos, un tatoueur confirmé. Très tôt, Enos se passionne pour le dessin. Son premier contact avec le graffiti, c’est celui qui est “en face de mon école à Paea. Il avait été réalisé par un passionné à son retour du service militaire en France hexagonale”.

Le graffiti promu au fenua comme “embellissement urbain”

En première, il quitte le lycée. “Mon frère a été mon aiguilleur dans ma vie artistique à un moment où j’étais perdu. Il me conseille d’entrer au CMA qui était à l’époque une école d’artisanat.”

En 2004, à 19 ans, il commence sérieusement à faire du graffiti en vandale, sortant la nuit pour dessiner à la bombe. C’est l’époque des premiers crews, les ABC et les 4PC (quatre points cardinaux).

Avec Cher1, ils montent Kreativ Concept en 2006 qui œuvre pour la reconnaissance du graffiti. L’association réalise plusieurs fresques commandées par des mairies, des entreprises et des particuliers. “Ici, il n’y a pas cet a-priori négatif du graffiti comme en Europe ou aux États-Unis. Il a été promu dans le sens d’embellissement des espaces urbains et est bien accepté”, reconnaît-il.

En 2009, il est invité avec son cousin, Tagaroa Faatau, a participé à l’exposition d’art contemporain Latitudes du 16 septembre au 10 octobre, à l’Hôtel de ville de Paris, réunissant une dizaine d’artistes aux pratiques diverses (peinture, sculpture, vidéo, graf). Les rencontres lui apportent beaucoup au niveau expérience.

Enos ne s’est fait “chopper” qu’une seule fois. “À Paea, le Cash Happy était le seul endroit avec des grands murs. Pour s’entraîner, nous y sommes allés un soir vers minuit pour graffer. Mais nous n’avons pas eu de chance, le patron est arrivé et n’a pas vraiment apprécié ce que nous faisions car il nous a demandé de tout repeindre en blanc.”

Plus que le lettrage, ce qui plaît à Enos, c’est la reproduction ultra-réaliste de personnages. “Je peux reproduire ce que je vois très facilement. À l’école, on m’appelait la photocopieuse”, confie-t-il dans le documentaire. Il inclut dans ses fresques des éléments de la culture locale, des ti’i, de la végétation ou des animaux marins.

Du graff au tatouage

Deux graffitis rendent fier Enos de les avoir réalisés. “Il y a le portrait de Bobby Holcomb à Fare Ute. Cet Hawaiien est pour moi un symbole de la Polynésie et de tout ce qu’elle représente avec son métissage qui fait qu’elle évolue. Si on n’a pas ce mélange de culture et d’ethnie, on stagne. Bobby Holcomb s’est approprié la culture locale jusqu’à en devenir une icône à travers ses chansons et ses peintures”, explique l’artiste. “Et l’autre, c’est une de mes plus grandes fresques. Elle représente les fonds marins, à Fare Ute aussi. Pendant que je la réalisais, les passants étaient émerveillés et m’interpellaient pour me féliciter. C’est un de mes plus beaux moments de graffeur.”

Enos vit de son art depuis une dizaine d’années, mais envisage d’arrêter. “Ça fait presque vingt ans que je respire de la peinture chimique. Et à part un masque et des gants, je n’ai pas d’autres protections. C’est impossible avec le climat de travailler avec des lunettes ou une combinaison. Ma santé en a pris un sacré coup et je pense à me mettre au tatouage et à la peinture sur toile.” Un nouveau chapitre de la vie d’Enos, de la rue à l’atelier.

Tiphaine Isselé

À la découverte d’autres graffeurs d’Outre-mer

Dans le documentaire De la Martinique à Mayotte, diffusé ce jeudi 27 juillet sur France 4, seront aussi évoqués les parcours de six autres graffeurs d’Outre-mer. Ainsi, le téléspectateur en apprend plus, à partir de 21 h 10 sur Bahbou Floro qui parcourt les rues de Fort-de-France pour rendre hommage à l’histoire du peuple antillais, sur Marvin dont la culture est au centre de son art qu’il revendique comme un acte politique, sur Virginie qui colore les rues de Nouméa avec ses fleurs, sur Méo racontant, à travers des fresques gigantesques et ultra-réalistes, le patrimoine historique et culturel de La Réunion. Il y a aussi B.BIRD, artiste engagé de la Guadeloupe, et Papajan, seul graffeur de Mayotte, engagé auprès des jeunes.