Fleurs comestibles : Nicolas Poiraud met de la couleur dans nos assiettes

Pour garantir la fraîcheur de ses fleurs, Nicolas Poiraud effectue habituellement la cueillette de nuit, à partir de 4 heures du matin (Photos : ACL/LDT).
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Aussi loin que Nicolas Poiraud se souvienne, il a toujours été passionné par la cuisine, le jardin et l’art, notamment le dessin et la peinture. Son premier choix professionnel sera gastronomique. Diplômé du lycée hôtelier de Punaauia, il a poursuivi ses études à l’institut Paul Bocuse, en France. De commis à chef dans des restaurants étoilés, son métier l’a conduit à Paris, au restaurant Le Diane du célèbre Fouquet’s, notamment, mais aussi en Chine, aux États-Unis ou encore en Australie.

De la cuisine au fa’a’apu

L’envie d’entreprendre et de revenir au Fenua le pousse vers une reconversion professionnelle. Il décide de se former en agriculture naturelle en Australie et en Malaisie, tandis que son projet continue de germer. “Je voulais allier l’utile à l’agréable. C’était une quête de sens pour être en adéquation avec mes valeurs, c’est-à-dire répondre à mes besoins primaires : me nourrir, cultiver mon jardin et ma santé. Mais il faut aussi gagner un petit salaire. Les fleurs comestibles, ça me permet d’allier tout ça. C’est beau et ça me plaît. J’ai toujours aimé les fleurs et j’en ai utilisé pendant mes dix années en cuisine. Dans les palaces à l’étranger, c’est courant, et ici, je savais qu’il n’y en avait pas vraiment”, confie le jeune homme de 30 ans.

Un horticulteur pas comme les autres

C’est assez logiquement que Nicolas Poiraud s’est établi à Vairao, il y a un an et demi, ayant grandi entre la Presqu’île et la zone urbaine, à Tahiti. Il a aussitôt commencé à aménager des allées de fleurs dans son jardin de 2.700 m2. La commercialisation a débuté en début d’année, il y a sept mois, sous le nom poétique de ‘Ūmatatea Farm, qui est aussi celui de sa page Facebook. “C’est la fleur sur le point d’éclore. Je trouve que c’est un joli mot en tahitien, qui a un lien direct avec ma production, et surtout, symboliquement, ça rappelle ce sentiment de l’espoir, de la surprise et de la joie à l’idée de la découverte de nouvelles fleurs, chaque matin”, explique-t-il.

Locales ou importées, une quarantaine de variétés de fleurs comestibles s’épanouissent, dont une vingtaine actuellement commercialisées. “Je travaille en permaculture avec le label bio, et j’essaie d’être le plus autonome possible au niveau des intrants”, précise Nicolas Poiraud, qui assure la cueillette de nuit, dès 4 heures. “Ça reste un produit très fragile, donc mon but, c’est d’assurer la plus grande fraîcheur du produit aux clients”. Les fleurs sont cueillies, mises délicatement en barquette sous forme d’assortiment et livrées dans la matinée à une clientèle de professionnels : des restaurants, des bars, des traiteurs et des pâtisseries. Et la demande est au rendez-vous. “C’est un produit actuel pour le retour à la nature et son côté très visuel. Ça apporte tout de suite une touche gastronomique et champêtre”, confirme le chef-horticulteur.

Les cinq sens en éveil

Du site de production à l’assiette, c’est un bouquet de formes, de couleurs, de textures et d’odeurs, mais aussi de saveurs. “Il y a les bégonias, croquantes et entièrement comestibles, qui rappellent la pomme Granny Smith et le citron au niveau du goût, qui est acidulé. Il y a les tagettes, de la famille des œillets d’Inde, qui sont fortes en odeurs, mais plus subtiles en saveurs, qui rappellent des agrumes mélangés à des épices. Il y a aussi les clitorias, qui sont peut-être les plus connues, pas forcément bleues foncées, mais aussi blanches ou bleu clair, doubles ou simples. Beaucoup disent qu’elles n’ont pas de goût, mais moi, je trouve que ça rappelle le cœur de cocotier et le pois cru. La capucine évoque le cresson ou le radis, avec un côté piquant et poivré. Et toutes les fleurs des plantes aromatiques, comme la fleur d’estragon anisé, d’aneth ou de ciboulail, sont super parfumées !”, détaille Nicolas Poiraud.

Quant aux qualités nutritionnelles, le producteur rappelle que mettre de la couleur dans nos assiettes ne peut être que bénéfique. “Il faut simplement se dire que, de manière générale, plus il y a de diversité dans notre alimentation, mieux c’est !”.

Vers l’autonomie alimentaire

Davantage en quête d’abondance que de productivité, Nicolas Poiraud a prévu d’étendre progressivement ses allées fleuries, et pourquoi pas, plus tard, de recevoir du public. D’ici là, il continuera à nous régaler et à se réinventer. “Mon projet de vie, ce qui me guide, c’est l’autonomie alimentaire. Mon activité, c’est une part de ce projet, mais dans mon jardin, il y a aussi ce qu’il faut pour me nourrir, avec à la fois des fruits et des légumes, que je transforme moi-même. Mon but, ce n’est pas d’avoir plus de clients, mais d’inspirer les gens à planter ce dont ils ont besoin”, conclut-il.

Avec ses fleurs comestibles, le jeune homme est déjà parvenu à réaliser un rêve d’enfance en alliant la cuisine à l’agriculture, avec une touche artistique.