Justice – Un jeune SDF préfère la prison au travail d’intérêt général

Ils sont SDF depuis plusieurs mois. En détention depuis leurs interpellations. (Photo YP)
Temps de lecture : 3 min.

Deux SDF de 19 ans et 33 ans étaient jugés le 24 juillet 2023 en comparution immédiate pour avoir cambriolé un restaurant du front de mer en passant par le toit et volé deux bouteilles d’alcool. A l’issue de l’audience, ils ont tous les deux refusé le travail d’intérêt général (TIG) suggéré par la Présidente du tribunal. L’homme de 33 ans écope d’une peine de six mois de prison avec sursis. Le plus jeune, déjà condamné quatre fois pour vol, reste en prison pour trois mois. 

Il est une heure du matin quand les deux hommes, déjà bien alcoolisés aux abords du parc Paofai, décident que la soirée n’est pas terminée, et leur besoin d’ivresse pas encore assouvi. Seulement leurs bouteilles, comme leurs poches, sont vides.

C’est alors que le plus jeune décide d’aller se servir dans un des restaurants les plus récents du front de mer. Il escalade un mur puis réussit à pénétrer dans l’établissement par le toit. Les deux hommes repartent alors avec des bouteilles d’alcool. Seulement voilà, leur passage a déclenché l’alarme du restaurant et un vigile fait le 17.

Les cambrioleurs sont rapidement interpellés. Les policiers saisissent et ramènent deux bouteilles au propriétaire du restaurant absent de l’audience, qui ne demande pas de dommages et intérêts. Ils sont donc jugés pour le vol de deux bouteilles d’alcool.

Y’avait pas que deux“, dit l’un d’entre eux, provoquant le sourire de son compagnon d’escalade. Ivre en garde à vue, il avait reconnu un rôle de guetteur. Il dit aujourd’hui avoir, comme son ami de la rue, pénétré dans le restaurant pour satisfaire son besoin d’alcool.

En effet le butin, c’est de l’alcool et rien d’autre. Pas de tentative d’ouvrir la caisse ou de dégrader une porte fermée. Sans-abri depuis plusieurs mois, ils ont tous les deux déjà été condamnés à de nombreuses reprises pour vols. Le plus vieux d’entre eux, père de 33 ans, a bien essayé de s’en sortir. Il a même passé deux ans à travailler sur ferry entre Tahiti et Moorea mais n’a jamais décroché de CDI.

C’est d’ailleurs ce qu’il répond au tribunal quand on lui demande ce qu’il espère dans la vie : “Je ne sais pas”. Il explique être dégouté d’avoir vu tant de promesses d’embauche tombées à l’eau malgré tous ses efforts, “je ne sais plus quoi faire“. 

Le second, en revanche, ne semble pas touché par la même envie de s’en sortir. A seulement 19 ans, il a déjà été condamné quatre fois, notamment par le tribunal pour enfants. Deux autres procédures sont toujours en cours et il n’est sorti de Nuutania que depuis avril dernier. Cela ne semble pas l’avoir effrayé. Il affiche en effet un petit sourire quasi permanent, et lorsqu’il est appelé à la barre on devine son avocate lui dire d’arrêter de faire le malin, en tout cas d’effacer ce rictus.

Le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) décrit un jeune homme immature qui a du mal à respecter les règles, pas même le moindre cadre. Il a, par exemple, été rapidement exclu du foyer du Bon Samaritain après trois avertissements. Il ne respectait pas les horaires et s’y présentait souvent ivre.

Décrit comme intelligent, il est titulaire d’un bac Pro dans le bâtiment. La présidente du tribunal l’interroge : “Vous n’avez pas trouvé de travail ?”. “J’ai pas cherché”, lui répond le jeune prévenu, avant de baisser la tête pour sourire à nouveau. Puis il répond qu’il voudrait travailler dans la sécurité. “Avec votre parcours, il va falloir songer à une autre orientation” lui répond la Présidente. Ce sont cette fois les magistrats qui lâchent un petit sourire. 

Pour le procureur, “la case prison est peut être la seule solution pour sortir de l’impasse“. il salue tout de même les efforts d’insertion passés du plus vieux des prévenus, et suggère pour lui un régime de semi-liberté qui pourrait lui permettre de faire des TIG.

Il est moins complaisant avec le plus jeune “sans projet” dit-il, pour qui il requiert six mois de prison ferme. A propos de ce jeune “en errance“, son avocate avoue que son jeune client lui a même dit vouloir retourner en prison, car c’est le seul endroit où on lui a donné un travail et un salaire.

Après qu’ils aient tous les deux dit refuser de faire des TIG, à la grande surprise de leur conseil qui les avaient pourtant suggérés au tribunal, le jeune rebelle est exaucé et repart en cellule pour trois mois. Le second prévenu est condamné à six mois avec sursis. 

Y.P.