Tatutu : des simulations d’entretiens d’embauche pour 8 jeunes détenus

Six professionnels ont joué le jeu pour permettre aux détenus de s'entrainer et de gagner en assurance sur le chemin de la réinsertion professionelle (Photos : ACL/LDT).
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Vêtus de chemises et CV en main, 8 détenus âgés de 18 à 25 ans et en fin de peine avaient rendez-vous avec 6 professionnels, jeudi 27 juillet 2023, pour un après-midi de simulations d’entretiens d’embauche au pôle d’insertion et de prévention de la récidive du centre de détention de Tatutu, à Papeari.

Le groupe avait été préparé en amont dans le cadre d’un partenariat entre le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) et la Fondation Agir contre l’exclusion (FACE), via le programme de la Job Academy. Connu du grand public, notamment auprès des communes et des associations, le dispositif est à nouveau accessible en milieu carcéral, où il vient d’être relancé après plusieurs années d’interruption.

Lydia, Kahaia et Teva de FACE.

L’aboutissement de 40 heures de formation

“Les détenus ont reçu près de 40 heures de formation sur une durée d’un mois”, explique Teva Sanford, responsable du Fare Arata’i de FACE. “À partir du projet professionnel de ces jeunes, on a construit les étapes pour pouvoir le réaliser. On a des ateliers sur le savoir-faire et le savoir-être, la réalisation des outils, c’est-à-dire le CV et la lettre de motivation. On a aussi des jeux de rôle pour les mettre en situation de pratique, comme aujourd’hui, avec le job dating. C’est un public particulier, relativement fragile, et on a dû travailler la motivation pour les encourager à se dire : on mérite de s’en sortir avec un travail et un salaire, mais pour ça, il faut faire des efforts”.

“Leur donner l’expérience qui leur manque”

Maçonnerie, agriculture, soudure, mécanique, cuisine, climatisation, quels que soient les centres d’intérêt professionnels des détenus, cette étape en face à face a plusieurs objectifs. “Ça permet de leur donner l’expérience qui leur manque : ils vont pouvoir se présenter et partager leur parcours en échangeant directement avec des représentants d’entreprises, qui vont les conseiller directement à l’issue de la rencontre, et nous donner aussi leurs avis pour nous permettre de perfectionner notre méthode. Ils ne sont pas là pour un recrutement, même si parfois, ça arrive qu’il y ait une suite”, poursuit Teva Sanford, avec une énergie communicative qui a fait ses preuves.

Présentation collective avant les entretiens individuels.

Le mois prochain, à Nuutania

À l’issue, les détenus concernés espèrent intégrer une formation à leur sortie de prison, ou bénéficier d’un allègement de peine pour se former.

Le même programme sera lancé dès le 1er août 2023 au centre pénitentiaire de Nuutania, à Faa’a. Dix personnes pourront bénéficier d’une formation adaptée aux courtes peines et aux prévenus. Si les résultats sont concluants, l’opération pourrait être reconduite une à deux fois par an.

Témoignage d’un détenu, bénéficiaire :

“J’ai prévu de me former”

“C’est la première fois que je passe ce genre d’entretien. C’est important pour moi de préparer ma sortie et ma réinsertion, parce que je suis bientôt à la fin de ma peine. C’est pour ça que j’ai pris l’initiative de m’inscrire à cette formation. J’avais perdu les notions importantes pour rédiger mon CV, par exemple. Mon premier entretien a été un peu stressant, mais j’ai essayé de gérer du mieux possible. On m’a conseillé de travailler la mise en avant de mes points forts, comme mon dynamisme et ma patience. J’aimerais travailler dans le domaine de l’installation de climatiseurs ou des énergies renouvelables. J’ai prévu de me former en passant par le CFPA (Centre de formation professionnelle pour adultes, ndlr). Avoir un travail, c’est important parce que ça permet de trouver son équilibre dans la société”.

Magalie, responsable adjointe dans une agence de voyages :

“Avoir confiance en soi pour trouver un travail”

“Ces simulations d’entretiens d’embauche, c’est une première pour moi, d’autant plus en prison. Le premier entretien s’est bien passé. Je trouve qu’ils ont été bien préparés. La personne que j’ai eue face à moi a su monter sa motivation. C’est très encourageant pour eux. Il m’a dit que ça lui avait donné confiance en lui, ce qui est très important pour trouver un travail. Ça a l’air très bénéfique. Je suis contente de participer à cette initiative, parce que c’est du bon stress pour eux. À mon niveau, ça me sort de ma zone de confort, parce qu’ils se destinent à des métiers qui ne sont pas forcément en lien avec ma profession, mais ça reste très intéressant”.

Tehere Guillots, cheffe d’antenne du SPIP de Tatutu, accompagnée de Rauana Roomataaroa, coordinatrice socio-culturelle :

“Susciter l’envie d’investir un projet professionnel”

“Ce sont 8 jeunes vraiment éloignés de l’emploi. Ils ont été sélectionnés parmi une vingtaine de candidatures. C’est un public sur lequel on souhaitait investir dans le cadre de ce projet en faveur de l’insertion avec FACE et avec le soutien du personnel de surveillance. Il devrait aboutir à une permission de sortir, au cours de laquelle on ira avec les 8 détenus faire leur inscription au Service de l’emploi et visiter différents établissements et services en lien avec l’insertion professionnelle, comme le CFPA, la légion étrangère ou FACE, pour poursuivre ce qui a été initié. L’objectif, ce n’est pas forcément de leur trouver un emploi tout de suite, mais au moins de susciter l’envie d’investir un projet professionnel. Passer la porte d’un service et dire bonjour, c’est souvent un défi pour eux ! On est d’ailleurs parti d’un atelier de théâtre d’improvisation pour faciliter leur prise de parole en public. Le travail, c’est valorisant et ça sociabilise, mais ce n’est pas le seul élément pour éviter la récidive. On travaille sur d’autres volets : il y a toute une prise en charge socio-éducative et médicale à côté”.