
Des poules qui gambadent en plein air avec vue sur Tahiti Nui et le lagon. Perché sur les hauteurs du plateau de Taravao, c’est le cadre idyllique qu’a choisi Kenny Chane pour implanter son élevage de poules pondeuses bio, il y a trois ans.
Un changement de vie
La création de son entreprise, Natura Farm, est le fruit d’une reconversion professionnelle et personnelle. Après un BTS Assistant de gestion, suivi d’une carrière en tant que salarié, notamment comme chargé de clientèle à la Banque de Polynésie, un changement s’imposait. “J’ai ressenti le désir de me rapprocher de la nature, et de faire des choix sains et libres. J’aime ce que je fais : il vaut mieux avoir une petite maison et un grand jardin pour vivre agréablement et être en bonne santé”, remarque le jeune homme de 36 ans. Originaire de Arue, il a trouvé un nouveau souffle à la Presqu’île avec son fils.

Kenny Chane est parvenu à cofinancer son projet avec le soutien d’Initiative Polynésie et de la Banque Socredo pour les prêts, et de l’Insertion par la création ou la reprise d’activité (ICRA) pour les aides territoriales. Au-delà des financements, la motivation reste fondamentale. “Comme tout entrepreneur, ça demande du courage et de la discipline, tous les jours, avec très peu de vacances”, confie-t-il. Levé chaque matin à 4 heures, il veille actuellement jour et nuit sur un nouveau lot de poussins, fraîchement arrivés de Nouvelle-Zélande.
900 poules élevées en plein air
Pourquoi des poules pondeuses ? À cette question, Kenny Chane évoque des souvenirs d’enfance à proximité d’un poulailler. Aidé par ses parents, il a planté 250 arbres fruitiers pour offrir de l’ombre à ses poules, en faveur d’un mode d’élevage en symbiose avec la nature. “Dans mon projet, il n’y a pas de violence animale. Les mentalités changent : les consommateurs sont de plus en plus regardants sur la provenance des aliments et les conséquences sur la santé. Ici, c’est un havre de paix. J’ai construit cette structure dans une démarche de sérénité, afin que l’être humain intervienne le moins possible sur le comportement animal. Je laisse faire la nature”, explique-t-il.



Il n’y a effectivement aucune cage à l’horizon. Ses 900 poules vont et viennent librement entre le poulailler, où elles peuvent s’abriter et accéder au pondoir, et le parcours extérieur de 4.000 m2. Son élevage est certifié bio, mais Kenny Chane ne se contente pas de suivre les normes, qui sont de 4 m2 par poule en extérieur et de 6 poules par m2 en intérieur. “Je suis bien au-dessus en termes de place, car avec la pluie qui peut être abondante ici, c’est bien qu’elles aient un peu plus d’espace de vie. La réelle philosophie du bio, c’est le respect du bien-être animal. Je vérifie souvent la météo pour anticiper les températures. Je leur donne aussi des huiles essentielles, en préventif. Tous les jours, je m’adapte”, précise l’éleveur passionné. Ses poules pondent généralement 9 œufs sur une période de dix jours, soit un taux de ponte de l’ordre de 90 %.
Des œufs plus chers à produire
Poste important pour tout éleveur, de surcroît en agriculture biologique : l’aliment. “Il doit être labellisé bio. Ça coûte très cher et ça se répercute forcément sur le tarif de vente des œufs”, explique Kenny Chane. Le prix de ses plateaux de douze œufs bio de taille moyenne est donc 62 % plus élevé que celui d’œufs conventionnels, d’autant que tout est fait à la main, du nourrissage des poules à la collecte des œufs, jusqu’au tri et au conditionnement. Mais la différence est aussi visuelle et gustative. “Contrairement à ce que les gens pensent, ce n’est pas au jaune d’œuf qu’on reconnait un œuf bio, car la couleur peut changer avec plus de maïs, mais plutôt à la consistance du blanc : il est bien ferme quand l’œuf est bio. La coquille est aussi plus solide, donc plus résistante aux attaques bactériennes. Au goût, ça n’a rien à voir ! Les anciens me disent souvent que ça leur rappelle les œufs qu’ils ramassaient dans leur jardin”, souligne l’éleveur.

Un autre aspect de l’élevage lui tient beaucoup à cœur. “Ma vision, c’est zéro abattage. Une partie des poules va être vendue à des particuliers, car il faut bien renouveler le cheptel, mais j’aimerais les garder le plus longtemps possible à la ferme : j’ai prévu de faire un poulailler de retraite pour observer l’évolution du taux de ponte tout au long de leur vie”, confie Kenny Chane, en quête de solutions durables et vertueuses.
Les œufs bio du plateau de Taravao sont disponibles à la vente dans plusieurs supermarchés et hypermarchés de Tahiti. Bientôt aidé par une employée, le jeune éleveur nourrit plusieurs projets de développement dans les années à venir, comme la création d’un éco-lodge pour partager son mode de vie à la ferme.