
Le 11 juillet dernier, La Dépêche de Tahiti rencontrait Vannina Crolas, ministre de la Fonction publique et du Travail mais également ministre de tutelle du groupe OPT. Durant cet entretien, le message de la ministre était clair : “le président m’a donné l’OPT car il s’agit de sauver le groupe”. Jean-François Martin, PDG du groupe, recevait, ce 31 juillet, la rédaction afin d’expliciter les innovations et actions à venir visant à permettre à l’OPT de garder la tête hors de l’eau.
Un milliard de francs ! C’est le montant du déficit du groupe OPT annoncé par Vannina Crolas dans nos colonnes, le 11 juillet dernier. Déficit qu’il va falloir combler, pour Jean-François Martin, PDG du groupe et ses équipes. Alors que Fare Rata et les services financiers du groupe, aujourd’hui Marara paiement, sont historiquement déficitaires, la filiale télécommunications Onati est, pour la première fois de son histoire, déficitaire en 2022 et devrait l’être également pour 2023, précise le PDG.
Un déficit qui s’explique notamment par la mise en place du nouveau système d’information NOA, plus longue et plus coûteuse que prévu et par des offres jugées aujourd’hui inappropriées.
Fin de certaines primes et cessation de l’avancement automatique
Économies et augmentation du chiffre d’affaires sont les maîtres-mots pour la sauvegarde du groupe OPT et de ses quelques 1 200 emplois. Jean-François Martin informe qu’il a demandé à l’ensemble des dirigeants du groupe, dès janvier de cette année, d’engager un plan de rétablissement des équilibres financiers pour les années 2024, 2025 et 2026. Dans ce plan, qui doit être présenté en conseil d’administration en septembre, il sera question de réduction des charges, de solutions pour gagner davantage en productivité et des actions à venir pour développer le chiffre d’affaires du groupe.

La question de la masse salariale est une des premières soulevées, notamment par la ministre de tutelle du groupe. Elle pèse dix milliards de francs par an. Et Vannina Crolas a clairement demandé à ce que des économies soient réalisées à ce niveau. Les conventions de trois entités du groupe sont en renégociation depuis janvier 2022, indique le PDG du groupe. Dans les discussions, la fin de certaines primes et la cessation de l’avancement automatique et des augmentations asociées, sont sur le tapis. Les conventions actuelles s’arrêtent au 30 septembre de cette année.
Arrivée du fournisseur OneWeb, ferme photovoltaïque à Papenoo, data center…
Comme La Dépêche l’indique dans son article de ce mercredi 2 août, “OPT – Internet : le fournisseur Internet haut-débit OneWeb arrive au Fenua“, l’arrivée de l’opérateur de satellites en orbite basse OneWeb sera l’occasion pour l’OPT, via ce partenariat, de tirer, entre autres, de nouveaux revenus sur toute la partie hébergement/maintenance et vente de capacités Télécoms sur les câbles sous-marins de l’OPT.
Le groupe OPT profitera de ce nouveau partenariat pour négocier également la distribution en Polynésie dans les années à venir du service Internet dans les îles les plus éloignées non reliées à un câble sous-marin. Aussi, le PDG indique comme futures et très probables sources de revenus, les ventes de capacités aux opérateurs de pays voisins du Pacifique, via les câbles Honotua et Manatua de l’OPT.
En plus de ces développements de revenus, est envisagée la potentielle vente de biens immobiliers de l’OPT devenus inutiles.

La réduction des charges extérieures, comme l’électricité sur le site de Tahiti Nui Télécom à Papenoo sur lequel on retrouve un data center, l’hébergement de stations satellite et de la station terminale du câble Honotua ou bien encore l’antenne spatiale Galiléo, est également un objectif. Ce site est très “énergivore” informe Jean-François Martin et il faut y réaliser des économies. L’implantation future d’une ferme photovoltaïque permettra cela.
La vente de baies informatiques au data center est aussi une autre source de potentiels revenus, selon le patron du groupe. De nombreux professionnels locaux sont déjà clients. Le marché international doit aussi être développé et le fait de disposer d’un data center fonctionnant à l’énergie solaire pourrait inciter les clients internationaux. Jean-François Martin informe d’ailleurs que le groupe a répondu à un appel d’offres du Pays concernant notamment le data center.
Nécessité de légiférer sur les zones peu denses comme sources d’économies
Pour Jean-François Martin, la sauvegarde et la pérennité du groupe ne peut passer, également, que par une réglementation claire en ce qui concerne les zones peu denses dans le domaine des télécommunications. Sur le territoire, à part Tahiti, Moorea, Bora Bora et Raiatea, toutes les autres zones sont considérées comme peu denses. Pourquoi légiférer sur ce point ? Parce qu’aujourd’hui, Onati est la seule structure à supporter les coûts d’investissement, malgré des subventions qui ne couvrent pas la totalité des coûts, et de fonctionnement pour assurer un “service universel” en télécommunication dans ces territoires isolés du Fenua.

“C’est du quasi-service public mais ce n’en est pas car, au sens du code des Télécoms, ce sont deux activités ouvertes à la concurrence”. “Alors que les autres opérateurs en téléphonie mobile et Internet ont des obligations dans leur cahier des charges, ils ne se rendent pas dans ces territoires éloignés pour des raisons simples de non-rentabilité.” Ces zones peu denses sont une des raisons du déficit d’Onati. L’OPT demande à ce que ce déficit soit en partie couvert à l’instar du déficit des services postaux.
Quatorze milliards de dividendes versés par l’OPT au Pays
Parmi les mesures qui permettraient de sauvegarder les emplois et de maintenir le groupe à flot, au moins sur 2023 et 2024, Jean-François Martin compte naturellement sur les effets du plan de rétablissement, mais également sur l’indispensable intervention du Pays. Rappelons que le groupe est venu en aide au Pays lorsque celui-ci n’allait pas bien financièrement : plus de quatorze milliards de francs de dividendes reversés au Pays…
Le Pays subventionne depuis 2019 Fare Rata. En 2020, une convention avec le Pays a été mise en place, précise Jean-François Martin. Celle-ci encadre un subventionnement du Pays pour l’activité postale et à l’époque les services financiers, avec en contrepartie des engagements à respecter, notamment la réduction du déficit de la filiale Fare Rata. L’OPT comblait alors le reste du déficit pour atteindre l’équilibre via sa filiale Onati, avant que celle-ci soit elle-même déficitaire en 2022. Cette convention doit être renouvelée pour le PDG de l’OPT et espère-t-il pour la durée de la nouvelle mandature.