

Geneviève en paix, les Miss France en deuil. La “Dame au chapeau” s’en est allée. Elle repose désormais dans le caveau familial, inhumée dans la plus stricte intimité, pour “éviter le bal des hypocrites” comme elle l’avait prescrit. Xavier, son fils y a veillé, afin de décourager en outre les paparazzi de la presse people, toujours prêts à en rajouter une couche, bonne ou mauvaise. Car parler de Geneviève, c’est parler de contrastes.
Contraste, c’est le terme qui conviendrait à propos de Geneviève de Fontenay. Venue de Lorraine, terre de contrastes s’il en est, elle se plaisait à répéter qu’elle était de ce fait en acier inoxydable (puisque née dans le bassin minier) faisant allusion à sa santé… de fer !
Tout, en effet était contraste chez elle. Habillée de noir et blanc, critiquant les milieux riches tout en les fréquentant. Conservatrice dans l’âme mais à gauche toute (comme dirait Arlette Laguiller recevant un chèque de celle-ci). Traditionnaliste pour les régions françaises qu’elle mettait en valeur, mais tout autant féministe en assumant l’émancipation de la femme. Inflexible sur les règlements, mais généreuse et bienveillante envers ses miss. En fin de compte, il fallait accepter d’être balayé d’un extrême à l’autre.

Une personnalité simple, autoritaire – sévère même – et douée aussi d’un humour et d’une auto-dérision naturels. Une “maman des miss” plus aimée que l’on croit et qui, en retour aimait beaucoup nos Miss Tahiti.
Le “choc” Mareva Georges
Gérer le concours Miss France, c’est gérer un ensemble de comités régionaux qui organisent des élections en vue de présenter une candidate au titre national. Geneviève les gérait parfois à la baguette tout en constituant une petite famille assez homogène et fidèle.
Sa précieuse adjointe, Geneviève Leblanc – “l’autre Geneviève” – la secondait, ne serait-ce que pour accompagner la Miss France dans ses déplacements durant son règne et chaperonner les candidates (jusqu’à près de cinquante) lors des voyages hors de France et surtout lors de la préparation de l’élection nationale.
Le comité de Tahiti est ainsi entré dans le jeu avec les premières candidates présentées par Anna Caroll et dont l’une a fait immédiatement le bonheur de Geneviève : Edna Tepava, élue Miss France 1974. Par la suite, quatre autres Miss France seront élues Miss France à ce jour.

Comme l’a rappelé Moea Faugerat dans sa récente interview, des liens se sont tissés entre Geneviève et certaines de nos miss, comme Moea, Edna ou Thilda et plus encore avec Mareva Georges. Quelques jours après l’élection de cette dernière comme Miss Tahiti, un journaliste montre à Geneviève la page du quotidien local qui s’ornait de la photo de Mareva. Et de s’écrier : “Ça y’est, on tient notre Miss France !“.
Elle aimait sincèrement les candidates de nos îles : “Les Tahitiennes sont belles naturellement et vraiment très gentilles” a-t-elle déclaré dans une interview, tout en faisant l’exception de Mareva Galanter, dont elle a mal supporté le caractère affirmé : “Je lui disais : demain soir, Mareva, il faudra mettre plutôt une robe bleue et elle faisait comme exprès de venir en robe rouge !“.
Un autre coup de cœur de Geneviève : Thérèse Moke, Miss Tahiti 1993. “J’ai toujours regretté de n’avoir pu la mettre dans les douze alors que j’aimais sa beauté si naturelle” a-t-elle confié. Julien Lepers, alors animateur de la soirée, l’adorait aussi. Relativement mal préparée, notre Miss n’avait pu franchir la pré-sélection. Lorsque quelques années plus tard un drame s’est abattu sur Thérèse, Geneviève a tenté en vain d’aller la voir à l’hôpital de Garches, commune voisine de Saint-Cloud où résidait Geneviève. Mais impossible.
La candidate tahitienne fait toujours peur !
Las, l’orage a commencé à gronder sous le chapeau lorsque Dominique Pétras a eu par deux ou trois fois l’ambition de court-circuiter le concours Miss France en présentant directement Miss Tahiti à Miss Monde. Il faut dire qu’à l’époque les Morley, patron du concours, n’était pas à une candidature près pour grossir les rangs des prétendantes.
Par ailleurs, ils s’opposaient fermement à ce que Geneviève leur présente une dauphine, plutôt que la miss en titre dont elle avait besoin à la même période (décembre) pour chaperonner la prochaine élection Miss France. Finalement Miss Tahiti Nui a fait marche arrière lorsque Hubert Haddad a repris le comité Miss Tahiti. La télévision entre temps avait révolutionné le concours national.
De la soirée d’un dîner de gala dans la salle d’un grand hôtel avec un parterre de personnalités connues et un jury de connaisseurs de la mode et du spectacle, tous en smoking ou robes longues – costume sombre pour les photographes – on est passé au grand show télévisé dans une salle immense, avec un large public, un jury parfois hétéroclite, des vedettes parfois sur scène et plus tard, le vote complémentaire par téléphone des téléspectateurs. Autrement dit, de Louis à Xavier de Fontenay.

C’est Xavier, formé sur le tas, qui a petit à petit mis la main dans l’organisation de l’événement national et compris qu’il fallait monter d’un cran, ou plutôt d’un écran. Guy Lux aura été son mentor et Xavier le lui a bien rendu en l’invitant souvent en coulisses ou même dans les voyages des Miss aux Antilles.
France 3 d’abord puis TF1 : Miss France est devenu un événement de fin d’année majeur. L’audimat a même atteint les 10 millions de téléspectateurs en 2002 ! Petit à petit, les comités régionaux se sont mis au diapason et certains, notamment en Outre-mer, ont pu bénéficier de la retransmission télévisée du concours.
Le niveau de sophistication a suivi. Le comité Miss Tahiti n’était pas en reste, d’autant que le fenua n’avait pas obtenu que des Miss France, mais aussi, bon nombre de dauphines. La candidate tahitienne fait toujours peur !
Ph. Binet, correspondant de Paris.
Miss France est devenu d’abord un show télévisé
Xavier de Fontenay a tenu au début, lorsque Endemol et TF1 ont repris le flambeau, à garder le plus possible l’esprit Miss France. Il s’enorgueillissait d’avoir encore sur des décors, des artistes présents sur scène et même d’avoir obtenu à Poitiers en 2006 l’orchestre de la Garde républicaine jouer les Trompettes d’Aïda lors du couronnement de la nouvelle miss ! On connaît la suite de l’histoire avec le départ brutal de Geneviève, puis la vente de Miss France par Xavier de Fontenay qui a préféré tourner le dos et s’occuper de sa petite famille.
Depuis, les Miss France et notamment celle qui a succédé, Sylvie Tellier, ont eu l’occasion de venir aux élections de Miss Tahiti. Accueillies plus que les reines qu’elles sont, elles ont été chouchoutées, y compris Jean-Pierre Foucault, deux années de suite. Oui, les Miss France font la tournée des régions et Tahiti est l’un de leurs meilleurs souvenirs.
Côtés, comités, on souffre beaucoup des factures que cela représente pour eux et aussi d’un rôle non suffisamment reconnu par Paris dans leur engagement. Miss France est un énorme show télévisé avec tous les ingrédients techniques éblouissants.
Ce qui déplaisait assez à Geneviève : “On ne reconnaît plus les filles ! Elles disparaissent sous les costumes, les accessoires, les boys. Heureusement qu’elles gardent leur écharpe !“. Quant au défilé en costumes régionaux, Sylvie Tellier a tenté vainement d’en garder l’esprit en incitant des stylistes à s’inspirer des originaux. Las ! En défilant ou gigotant sur des rythmes pop, comme protestait Geneviève.
Et le “nouveau Miss France” continuera-t-il de “déconstruire” l’ancien qui rend certains nostalgiques ? “De toute façon, nous ne sommes là que pour fournir la viande, TF1, l’accommode ensuite avec sa sauce !” se lamente, désabusé, un responsable de comité régional du sud de la France.
Une chose est sûre : même après Geneviève, les Tahitiennes seront toujours belles, naturelles et elles s’empareront encore de la couronne !
Ph.Binet