Education – Les autorités du Pays et de l’Etat font la leçon aux nouveaux arrivants

Pour le ministre, Ronny Teriipaia, "Nous devons libérer les élèves des entraves de l’ignorance et en faire des citoyens libres et apportant leur contribution à la société pour la faire évoluer vers plus de libertés". (Photo : SB/LDT)
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La journée d’intégration des nouveaux professeurs et professionnels de l’enseignement s’est déroulée ce lundi 7 août à la Maison de la culture à Papeete sur un ton solennel en présence principalement du ministre de l’Education et du vice-recteur.

Le rendez-vous était donné à 7h45 pour le nouveau corps professoral récemment arrivé de métropole ui enseignera durant les deux ou quatre ans à venir auprès des élèves de Polynésie française.

Plusieurs stands étaient à leur disposition : assurances ou organisations syndicales enseignantes comme la Fédération syndicale unitaire (FSU).

“Nous sommes là pour accueillir les nouveaux arrivants, leur donner des informations et leur présenter le déroulé d’une année syndicale” a expliqué Vatea Roche, responsable du SNEP-FSU.

Florence, qui arrive d’Auxerre, professeure des écoles spécialisée surdité affectée aux Îles-Sous-le-Vent, attend de cette journée “d’avoir des explications sur le fonctionnement de l’administration, les exigences, le rythme et les différences culturelles”

“Bienvenue à ceux qui, pour la première fois, foulent le sol de notre terre maohi”

Quelques jours après la publication de sa feuille de route pour l’année scolaire à venir, Ronny Teriipaia, ministre de l’Education a pris la parole. “Bienvenue à ceux qui pour la première fois foulent le sol de notre terre maohi (…) “. Pour le ministre, le jeune polynésien et les spécificités qui lui sont propres doivent être grandement pris en compte par les nouveaux arrivants dans leur manière d’enseigner.

“Le Polynésien reste pragmatique. A quoi cela sert-il de parler si, en face de soi, il y a une personne qui parle plus que de raison. La réponse du jeune polynésien se résume souvent à un mot (…) ce qui est nécessaire face à locuteur qui parle parfaitement une langue que lui ne maîtrise pas forcément et que ce même locuteur a réponse à tout. Un autre trait de caractère de nos jeunes, ils apprennent, la plupart du temps, par l’action. Cette particularité est à prendre en compte lorsqu’on prépare son cours.”

Pas question non plus pour Ronny Teriipaia, de laisser place aux idées reçus et aux stéréotypes que certains pourraient avoir dans leur prise de fonction : “Nous nous devons de laisser au fond de notre besace nos idées préconçues. Observons, écoutons, analysons, comprenons, c’est une marque de respect. Nous sommes tous différents, nous apprenons chacun différemment. Ils nous faut donc, dans nos classes, penser différenciation (…) L’objectif final reste le même, la réussite de tous nos élèves sans exception.”

“Il faudra s’y adapter pas dans un mois ou dans deux, mais dès le premier jour

Pour Thierry Terret, vice-recteur et par conséquent représentant du ministère de l’Education nationale, le message se veut aussi rassurant mais ferme : “Vous trouverez des points spécifiques, vous trouverez aussi et, heureusement, des continuités avec ce que vous avez connu. Mais ces spécificités, auxquelles je fais référence, il faudra s’y adapter pas dans un mois ou dans deux, mais dès le premier jour.”

Pour celui, nommé à la tête du vice-rectorat en 2022, ces spécificités particulières sont, par exemple, le principe de laïcité qui ne s’applique pas au Fenua, la proximité extrêmement forte avec tous les acteurs locaux ou bien encore les langues parlées sur le territoire.

Considérations géopolitiques

Enfin, Thierry Terret a tenu à rappeler à tous les nouveaux arrivants qu’ils sont et restent des fonctionnaires d’État : “Vous ne pouvez ignorer ni les transformations qui touchent l’Education nationale, je pense notamment à la nomination de Gabriel Attal, rue de Grenelle, il y a quelques semaines et aux priorités qu’il a d’ores et déjà posées pour son mandat (…), ni les positions françaises sur la région Indopacifique, je pense notamment aux déclarations d’Emmanuel Macron (…) qui rappelait que la Nouvelle-Calédonie resterait française, que la France renforcerait sa puissance militaire dans la région.”

Au programme également de la journée des “bizuts” : la présentation des langues polynésiennes par Jacques Vernaudon, maître de conférences en linguistique océanienne à l’université, les spécificités des élèves et familles de Polynésie française, la présentation du Groupement des établissements de Polynésie pour la formation continue (GREPFOC), le bien-être des élève et un déplacement en fin de journée au collège Louise Tehea Carlson (anciennement collège de Tipaerui).

Feuille de route année scolaire 2023-2024

Ronny Teriipaia : “Il faut faire aimer l’école”

“Il faut faire aimer l’école. Comment faire aimer l’école ? C’est en offrant aux élèves un système éducatif adapté et qui leur ressemble. Actuellement, ce n’est pas le cas. On fait un copier/coller de ce qui se fait à l’extérieur sans prendre en compte la dimension identitaire et culturelle de l’enfant et de son environnement. C’est simple, quand on leur présente un texte qui fait référence à des auteurs occidentaux qui n’évoquent rien pour eux, ça ne sert à rien. Quand on aime l’école, ça veut dire qu’on est motivé à y aller et qu’on nous propose des activités qui nous intéressent.”

Quelques passages du discours du ministre

“Notre très chère terre (…) dans laquelle nos parents ont planté nos placentas, une tradition de notre Fenua, qui marque notre lien avec la nature et notre terre, notre bien précieux et rare. De plus en plus rare pour le peuple polynésien. Nos langues, nos légendes, nos chants, nos danses, nos actes du quotidien font référence à nos origines maohi (…) La société polynésienne est traversée par une multitude de particularités (…) Ces différents éléments spécifiques font de nous un peuple qui a des langues, une culture unique au monde, un savoir-faire inestimable et un savoir-être inégalé. Ce sont, de mon point de vue, des singularités qui caractérisent notre peuple (…)”

Lorsqu’il est en confiance, le jeune polynésien parle, utilise beaucoup l’humour voir l’autodérision et cela est une force et une preuve d’intelligence. Le contact humain, le sourire, le regard, la gestuelle, notamment faciale, est une forme de langage complémentaire locale. (…) En écoutant, en échangeant, montrons-leur le chemin de l’excellence auquel chacun d’entre nous aspire. Donnons-lui le goût de l’effort, de la persévérance (…)”

L’école, notre travail quotidien, doit leur donner le choix, la liberté de choisir. Nous devons libérer les élèves des entraves de l’ignorance et en faire des citoyens libres en apportant leur contribution à la société pour la faire évoluer vers plus de libertés (…) Chaque professeur doit pouvoir établir un dialogue, une confiance, avec tous les parents d’élèves. Et souvent, ces élèves sont très éloignés des codes de l’école et portent en eux, parfois, l’héritage douloureux de l’acculturation et de l’enculturation subie. Il s’agit pour vous de vous adapter à l’école polynésienne et d’établir un dialogue quotidien, serein et respectueux des différences avec les usages et les partenaires de votre environnement professionnel (…) Vous avez entre les mains notre jeunesse, notre avenir ! C’est un joyau brut à travailler avec délicatesse.

“Le citoyen polynésien de demain sera respectueux de son environnement, respectueux de son corps par la pratique du sport, par une hygiène de vie favorisant le bien-être physique et mental. Nous nous devons de donner l’exemple car nos jeunes ont besoin de figures d’autorité et de références. Nous nous devons d’être irréprochables dans nos propos et nos attitudes. La tâche est ardue mais tellement gratifiante. Je vous engage à innover, à être force de proposition (…)

Quelques passages du discours de Thierry Terret, vice-recteur

“Vous êtes administrativement mis à disposition de la Polynésie française mais vous demeurez fonctionnaires d’État, avec tout ce que cela comporte de droits et de devoirs (…) D’abord, le fait que vous ayez une sorte de devoir moral d’information en continu pour éviter le risque, le danger d’une sorte de tropicalisation qui vous ferait oublier qu’à un moment, pour la plupart, vous retournerez en Métropole.”

“Votre devoir d’information, s’étend désormais, et avant tout, aux choix politiques de la Polynésie française, dont l’autonomie constitutionnelle intègre l’éducation. La lettre de rentrée (…) devient donc votre feuille de route (…) Vous devrez ainsi intégrer dans vos contenus d’enseignements, comme dans vos gestes et vos routines professionnelles, tous ces éléments de contexte, toutes les adaptations, tous les ajouts au programme, propres à la Polynésie (…)”

“Être mis à disposition de la Polynésie française, c’est un privilège. J’espère que vous en êtes bien conscients. Et c’est un privilège de plus en plus rare parce qu’il y a d’années en années, de moins en moins de mises à disposition, et c’est heureux, puisque cela signifie que les Polynésiens ont développé les compétences, réussi les concours, qui leur permettent désormais d’œuvrer en faveur de la jeunesse de Polynésie (…) Alors profitez bien des atouts de la Polynésie, de sa culture, profitez de ses paysages magiques, mais impliquez vous totalement au profit de cette jeunesse polynésienne (…)”