Le prestataire touristique interdit de sortie baleine l’emporte contre la Direction de l’environnement

(Photo : DR)
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Heifara Dutertre, un des prestataires touristiques précurseurs dans l’observation des baleines sur l’île de Moorea, n’avait pas obtenu de dérogation de la Direction de l’environnement (DIREN) pour effectuer ses sorties cette année. Mécontent de voir le cœur de son activité menacé pour un délai d’inscription dépassé, il avait déposé un recours au tribunal administratif qui a étudié l’affaire le mardi 8 août 2023. Le juge des référés lui a donné raison ce mercredi et a suspendu la décision de refus. La DIREN à une semaine pour se prononcer sur le dossier désormais complet de la société. 

Le 18 juillet dernier, le Pays, via la DIREN, a attribué les dérogations aux prestataires touristiques souhaitant proposer des sorties baleines aux touristes. Alors que les demandes sont en forte augmentation, La DIREN a choisi de ne pas augmenter le nombre de ces dérogations, particulièrement sur l’île de Moorea. Ainsi, 29 sociétés (comme en 2022) ont été validées sur l’île soeur avec un certain nombre de clauses strictes à respecter qui incluent un délai d’inscription. 

“29 prestataires ont été autorisés sur l’île de Moorea soit 1 prestataire tous les 2 km de côtece qui est énorme et porte atteinte au bien-être des cétacésprécisait récemment Alexandre Vorhoest, directeur adjoint à la DIREN. à La Dépêche de Tahiti. Il expliquait qu’il était difficile de concilier la protection des baleines et l’activité économique.

Pionnier de l’activité sur Moorea

Mais le problème ne date pas d’aujourd’hui. Tous les ans, les attributions de dérogations font des déçus dont faisait partie cette année Heifara Dutertre et sa société Dolphins & whales spirit adventures (DWSA), qui n’avait pas obtenu le précieux fanion, au motif d’avoir fourni certaines pièces de sa demande avec plusieurs jours de retard. Ces “observations baleines” étant son cœur de métier depuis plus de 30 ans, ajouté à cela un fort sentiment d’injustice, il avait décidé d’attaquer en référé la décision de la DIREN au tribunal administratif qui étudiait son recours ce mardi.

Son avocat a tout d’abord remis dans le contexte les raisons de ce retard. En pleine séparation avec sa compagne, co-gérante de la société, Heiafara avait lancé des procédures pour récupérer l’ensemble des documents comptables après avoir racheté les parts de son ex-concubine. “Il a même prévenu qu’il aurait du retard” a expliqué son avocat, qui est revenu ensuite sur l’expérience de son client de 56 ans, qu’il a présenté comme le pionnier de l’activité sur l’île sœur. Un autodidacte qui dit même avoir mis en place les premiers protocoles d’observation dès les années 90, alors qu’il était le seul à proposer l’activité. L’homme est encore récemment choisi par l’association Mata Tohora pour effectuer ses sorties. Selon lui, la plupart des prestataires d’aujourd’hui sont d’anciens capitaines à avoir appris à ses côtés. Son conseil a estimé que, face à ce parcours, le Pays a commis une erreur de ne pas lui accorder de délai.

Le Pays a une semaine pour revoir sa copie et versera 150 000 F au prestataire

A l’inverse, le Pays s’est étonné qu’un homme avec une telle expérience prétende ne pas avoir été au courant des dates limites de remise du dossier. Le représentant de la DIREN a avancé aussi le fait qu’il n’y avait pas urgence à statuer, car la société de Heifara propose d’autres types de sorties pour faire vivre sa société, en attendant que l’affaire soit jugée sur le fond. Il reste ferme : le dossier a été complet hors délai et a donc été logiquement rejeté. Pour contrebalancer l’image du respectable pionnier, la DIREN a ajouté qu’elle a reçu un signalement la veille concernant un bateau de la société de Heifara Dutertre observant les mammifères marins quelques jours auparavant, sans autorisation donc. Le prestataire a avoué qu’il était passé près d’un cétacé en amenant ses clients voir les requins : “ je n’allais pas dire à mes clients de fermer les yeux” a t-il répondu.

Ce mercredi 9 août, le juge des référés a accédé à la demande de la SARL DWSA et suspendu l’exécution de la décision du 18 juillet 2023 de refus d’autorisation d’exercer l’activité d’approche des baleines à bosse pour l’année 2023 opposée à la Sarl Dolphins & Whales Spirit Adventure. Le juge a enjoint la Polynésie française (Direction de l’environnement) de réexaminer et se prononcer sur la demande de la société DWSA dans un délai d’une semaine. Le pays devra aussi verser 150 000 F à Heifara Dutertre pour ses frais de justice. 

La fin de cette période de dérogation pour l’observation des baleines à bosse a été fixée au 11 novembre 2023.

YP