Emerita et Marcel Ahutapu, spécialistes du taro à Pueu

À 67 et 64 ans, Emerita et Marcel Ahutapu cultivent l'une des plus grandes tarodières de Tahiti, à Taiarapu-Est (Photos : ACL/LDT).
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Sous la pluie ou le soleil, Emerita et Marcel Ahutapu ne s’arrêtent jamais. À 67 et 64 ans, ils cultivent 8 hectares dans le quartier Vaihinano, à Pueu, sur le domaine de Hubert Pugibet. Leur particularité : depuis plus de 30 ans, ils sont spécialisés dans la production de taro, tubercules consistants aux élégants feuillages verts, qui s’étendent presque à perte de vue sur l’exploitation.

“On plante tous les mois, mais il n’y en a jamais assez”

“À l’époque, il y avait déjà beaucoup de commandes. On fournissait l’école et la cuisine centrale”, se souvient Emerita Marurai-Ahutapu. Après une pause pendant la pandémie de Covid-19, la production a été relancée. “On plante tous les mois pour essayer de ne jamais tomber en rupture. Mais, même si on plante beaucoup, il n’y en a jamais assez ! Il faut compter 7 à 8 mois pour que le taro soit à maturité, mais parfois, on n’a pas le choix : on récolte dès 6 mois pour répondre à la demande”, poursuit-elle.

Le couple a opté pour une variété principale, le taro veo “mohina”, et une variété complémentaire, le taro manaura. “On privilégie la première variété, parce qu’elle est plus simple à cultiver sans traitement. Ça nous facilite le travail et c’est aussi meilleur pour les consommateurs”, remarque Emerita Marurai-Ahutapu, fière de son taro cultivé naturellement. L’utilisation de bâches noires en guise de paillage freine la croissance des mauvaises herbes tout en conservant l’humidité dans le sol.

Entre tradition et modernité

Aux commandes de la tractopelle, Marcel Ahutapu perpétue la tradition familiale, étant issu d’une famille d’agriculteurs, tout en appréciant les atouts de la mécanisation. “On a nos secrets de fabrication : on a inventé notre propre outil pour pourvoir faire les trous avec la machine, car ça n’existe pas. On fait aussi la récolte avec un autre système. C’était trop fatiguant et trop long à la main, donc on a trouvé des solutions plus pratiques et efficaces au fur et à mesure”, explique-t-il.

Une grande partie du travail s’effectue encore manuellement, et ce sont les femmes qui s’en chargent. L’exploitation compte cinq employées, dont Magalie, la fille d’Emerita et Marcel Ahutapu. Ce jour-là, l’une d’entre elles se chargeait d’honorer une commande, tandis que deux autres préparaient une nouvelle parcelle.

2 tonnes par mois : du paquet au sachet

Avec une production moyenne de 500 kg de taro par semaine, soit 2 tonnes par mois, il faut tenir le rythme. Selon le maire de Pueu, Hérold Atani, il s’agirait d’ailleurs de l’une des plus grandes tarodières de Tahiti, voire de la Polynésie. De telles quantités ne peuvent pas être écoulées en paquets en bord de route. Les tubercules sont épluchés, découpés et conditionnés en sachet, prêts à cuire. Du taro estampillé Société Agricole Verea qu’on retrouve en supermarché, mais qui est également écoulé auprès des restaurateurs, des transformateurs et des particuliers, au tarif producteur de 600 francs le kilo.

“On ne peut pas tous aller dans les bureaux”

Malgré les années qui passent, l’heure de la retraite n’a pas encore sonné. “On est en forme et on n’est pas fiu !”, lance Emerita Marurai-Ahutapu. Quant à son mari, il encourage la nouvelle génération à prendre la relève. “C’est un métier d’avenir. C’est dommage : je ne vois pas beaucoup de jeunes se lancer. Moi, je ne regrette pas d’être agriculteur : c’est la vraie vie des Tahitiens. On ne peut pas tous aller dans les bureaux, sinon, il n’y aura plus personne dans les fa’a’apu !”.

Magalie Ahutapu, 37 ans, leur fille :

“Je suis prête à continuer”

“Mon frère et moi, on a grandi dedans avec nos parents. Je les ai toujours vus faire ça. Je me suis retrouvée là naturellement, parce que c’est un travail comme un autre, et qu’aujourd’hui, on ne trouve pas facilement du travail. On est en train de mettre le paillage pour pouvoir planter de nouveaux taro. Avant, mon père est venu préparer le sol et nous avons placé des cailloux pour tenir la bâche. Je m’occupe aussi de faire le suivi de production. J’aime ce métier, même si j’ai mal au dos. J’aime être dans la nature et voir nos taro grandir. Je suis fière de voir nos produits en magasin, chez les grands distributeurs. Je suis prête à continuer sur cette voie”.