
Cédric Mercadal, ministre de la Santé, et Natacha Helme, présidente de la Ligue polynésienne contre le cancer ont signé ce mardi 22 août une convention qui acte, entre autres, l’installation d’un appareil de mammographie aux Marquises sud et plus précisément à Atuona à Hiva Oa.
Il s’agit du deuxième appareil de dépistage du cancer du sein sur l’archipel après celui mis en place en 2018 à Nuku Hiva.
“La prévention est la base de tout”
“Force est de constater que les femmes des Marquises du sud ne se déplacent pas jusqu’à Nuku Hiva pour se faire dépister. C’est trop cher et trop compliqué. On va leur permettre d’accéder à ce dépistage. La prévention est la base de tout” explique Natacha Helme.
La ligue est à l’origine de l’installation de ce nouvel appareil, soutenue par les soignants de la Direction de la santé sur place. Le ministère a décidé de faire aboutir rapidement ce projet ; il a lancé un appel d’offres pour un budget débloqué de 30 millions de francs.
“C’est l’action de personnes qui mettent leur cœur sur la table pour faire avancer les choses et qui ont permis aux institutions d’agir” souligne le ministre, “on parle du bien-être de la population éloignée.”
Ce mammographe est l’aboutissement d’un travail de la ligue qui va se poursuivre. “Au travers de cette convention, on s’engage à continuer d’informer les populations et d’accompagner les malades” relève Natacha Helme.
“Eviter des souffrances”
Concrètement, grâce au mammographe, les patientes dépistées et atteintes de cancers pourront être prises en charge plus tôt dans le développement de la maladie. Selon la ligue, une quinzaine de cancers précoces ont ainsi été détectés grâce à l’appareil installé à Nuku Hiva depuis 5 ans. Le dépistage précoce du cancer du sein augmente les chances de guérison complète et permet des traitements moins lourds et agressifs.
“Nous voulons éviter des souffrances liées à la maladie à un stade avancé mais aussi des déplacements, des séparations avec la famille qui sont des épreuves supplémentaires pour les patientes” souligne Natacha Helme.
D’autres archipels éloignés comme celui des Australes pourraient faire l’objet de dispositifs de prévention contre le cancer du sein. “Nous réfléchissons à d’autres solutions” conclut le ministre.
Dr Pierre Catteau, radiologue et vice-président de la Ligue polynésienne contre le cancer
“Un triple objectif : moins de souffrances, moins de dépenses et sauver des vies”

“Il y a 5 ans, nous avons pu faire quelque chose de concret pour un archipel éloigné : nous avons installé un mammographe à Nuku Hiva. A l’époque, l’Etat avait donné 14 millions de francs et le Territoire 11 millions de francs.
Le constat est net : depuis 2019, nous avons détecté sur les Marquises nord, une 12aine de cancers dont 7 petits cancers. Et lorsque le cancer est de moins de 3 cm de diamètre, il ne nécessite pas de retirer le sein ou de faire de la chimiothérapie, et il coûte 3 millions de francs contre 8 millions de francs pour la prise en charge d’un cancer avancé.
Autrement dit, le bénéfice est triple : moins de souffrances (pas de chimiothérapie, d’opération et d’évasan), moins de dépenses et sauver des vies.
On a fait la démonstration qu’on atteignait ce triple objectif en installant un mammographe et en faisant des missions aux Marquises nord. Il est indispensable de faire la même chose au dispensaire d’Atuona à Hiva Oa.”
“Cancer à la tahitienne”
Le taux de guérison à 5 ans du cancer du sein n’est que de 5 à 6 femmes sur 10 alors qu’il est de 9 sur 10 en métropole. La raison en est que les femmes polynésiennes consultent trop tard et leur prise en charge se fait donc trop tardivement.
Le phénomène d’évitement est très fort en Polynésie, une sorte de déni de la maladie sans compter les essais de soins alternatifs. Le cancer avancé est tristement appelé “cancer à la tahitienne” par le Dr Catteau : “Il est d’abord soigné par du monoi ou du ra’au Tahiti puis, la femme va voir le médecin au bout de deux ans, c’est tard… quelquefois trop tard.”