
La valeur n’attend point le nombre des années, écrivait Corneille. Dhaysie Testevuide était peut-être prédestinée avec un prénom tahitien sur-mesure : Tetuamaniihiva, ou “princesse qui déverse la sagesse”. À 17 ans, elle vient d’ouvrir son école de danse à la Presqu’île, déterminée à vivre de sa passion pour le ‘ori Tahiti.
En immersion culturelle dès 2 ans
Originaire de Taravao, la jeune femme a fait ses premiers pas de danse très tôt, vers 2 ans. “Je suivais ma maman aux répétitions de Teva i Tai, la troupe de la Presqu’île pour le Heiva i Tahiti”, se souvient-elle, déjà bercée par les percussions et les chants de cet événement culturel annuel.
Elle a ensuite été inscrite en école de danse à 7 ans, chez Heimoana Metua, puis chez Heirani Salmon, où son apprentissage a été ponctué par le Heiva des écoles et les compétitions de solo, avec plusieurs prix à la clé, pendant dix ans.
À 9 ans, alors qu’elle était en CM1, Dhaysie Testevuide a remporté le concours d’art déclamatoire de la circonscription de Taiarapu. “Ce jour-là, j’ai réalisé que j’aimais ça et que j’avais un don, car il y avait des tapa’o (des signes, ndlr). Le ‘orero m’a accompagnée tout au long de l’école primaire : j’y ai participé chaque année et j’ai gagné trois fois dans mon école”, confie-t-elle, autant attachée à la danse tahitienne qu’à sa langue natale. Quelques années plus tard, elle a d’ailleurs été oratrice de la troupe Tamarii Vairao, dirigée par Tokahi Faua.
Heiva et baccalauréat
Depuis, elle ne s’est jamais arrêtée, menant de front ses études et ses projets culturels. “En 2020, j’ai dansé avec Manahau de Jean-Marie Biret, lors de plusieurs représentations. Mon premier Heiva, c’était le festival organisé suite au Covid, avec Hanatika de Hirohiti Tematahotoa. C’était aussi les premiers allers-retours pour les répétitions à Papeete, en plus des cours de danse et du lycée. Heureusement que ma maman est là !
L’année suivante, c’était avec Kehaulani Chanquy du groupe Hitireva. C’était six mois intenses. J’ai réalisé que j’aimais vraiment le Heiva et être entourée de danseuses. J’ai aussi participé au Farerei Haga aux Tuamotu, où j’ai de la famille, et j’ai été élue meilleure danseuse. Cette année, j’ai fait le Heiva avec Teraurii Piritua, de la troupe ‘Ori i Tahiti. Malgré le rythme, j’ai réussi à avoir mon bac mention bien”, se réjouit-elle.

En juillet dernier, Dhaysie Testevuide a été appelée à participer au Heiva i Vairao, sa “commune de cœur”, en tant que membre du jury. “C’était un honneur, car c’était la première fois que j’étais sollicitée pour ça ! Ce n’est pas une place facile, moi qui avais plutôt l’habitude de faire face à un jury. J’ai dû noter plein de gens que je connais, mais j’ai réussi à rester neutre. C’était une super expérience sur trois soirées”, assure-t-elle.
Te Tau Toa : “Danse ta vie et vis ta danse”
Après avoir été l’assistante de Tauhere Sandford pendant un an, elle a décidé de voler de ses propres ailes, animée par ce dicton : “Danse ta vie et vis ta danse”. À bientôt 18 ans (en octobre), elle s’en sent capable. “Il faut être prête à faire face à certains préjugés, vu mon jeune âge, mais je suis bien entourée par ma famille. Mes parents, et mes frères et sœurs, m’ont soutenue dans ce projet, les démarches et les travaux. Je suis contente de me lancer”, souligne-t-elle.
Inaugurée samedi 19 août 2023, son école de danse se nomme Te Tau Toa, ou “Le Temps des Guerriers”. Un choix à la signification très personnelle pour la jeune femme, qui a fait face à du harcèlement scolaire et à du racisme, étant parfois jugée trop blanche pour la danse traditionnelle. “La danse, c’était ma bataille, une échappatoire et un refuge”, confie-t-elle.
Pour commencer, Dhaysie Testevuide a prévu six catégories féminines, des enfants de 4 ans jusqu’aux adultes, ainsi que des cours “cardio” ponctuels et des ateliers tous publics d’initiation au tressage. Les inscriptions sont en cours, avec déjà 80 élèves potentielles.
“Rigueur et respect mutuel” sont les valeurs sur lesquelles elle compte appuyer son enseignement, pour que petits et grands “se sentent bien dans la maison des Toa”. “Au-delà de la technique, danser, c’est aussi savoir s’exprimer”, ajoute-t-elle. Épaulée par une fidèle et talentueuse équipe de “taties” costumières, elle prévoit de participer au prochain Heiva des écoles et d’organiser un gala de fin d’année.
Après sa participation au court-métrage Aito Hine avec la chorégraphe Tehani Robinson, Dhaysie Testevuide apparaîtra dans la prochaine saison du concours télévisé A Hura Mai, en tant que candidate.