Fukushima : tous les ans, la France rejette dix fois plus que ce que fera le Japon

En matière de rejets de radioactivité dans le milieu marin, la France est une chapionne incontestée avec le site Ornano de La Hague. (Photo : Le blog de Fukushima)
En matière de rejets de radioactivité dans le milieu marin, la France est une chapionne incontestée avec le site Ornano de La Hague. (Photo : Le blog de Fukushima)
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Le Japon et l’opérateur nucléaire Tokyo Electric Power Company (Tepco) doivent débuter, ce jeudi 24 août, le rejet dans l’océan Pacifique de l’eau contaminée de la centrale de Fukushima, une opération qui doit durer des décennies.

Le projet a reçu l’accord de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA) le 6 juillet dernier. Après deux ans d’enquête, cinq missions de terrain et six rapports techniques, l’agence a considéré que “l’impact radiologique de cette opération était négligeable sur la population et sur l’environnement marin”.

Depuis 12 ans, Tepco arrose les cœurs en fusion de la centrale de Fukushima pour les refroidir. Le Japon se retrouve avec des quantités énormes de rejets contaminés. (Photo Tepco)

Cette eau radioactive va être filtrée, purifiée et débarrassée de tous les nucléides qu’elle contient sauf le tritium, un isotope radioactif de l’hydrogène. C’est ce composant qui inquiète, et c’est pourquoi chaque litre d’eau contaminée va être dilué dans 740 litres d’eau propre pour atteindre un taux de becquerels/litre de 190, c’est-à-dire sept fois inférieur aux normes fixées par l’OMS pour l’eau potable (10.000 Bq/l). L’eau ainsi retraitée, rejetée à un kilomètre des côtes, ne devrait plus présenter de dangers selon les scientifiques.

Les pays voisins n’en sont pas convaincus, à commencer par la Chine qui conteste les analyses de l’AIEA et demande en vain à Tokyo de renoncer. Hong-Kong a déjà annoncé des mesures de restrictions des importations provenant de la région de Fukushima et 80% des Coréens du sud sont contre, d’où des manifestations cet été à Séoul appelant à protéger les océans.

La France fait bien pire à La Hague…

Que l’indignation soit justifiée ou pas, légitime ou pas pour les pays voisins et les nations insulaires du Pacifique, il convient toutefois de rappeler une réalité dont ne se vante pas la France, première puissance nucléaire civile au monde.

Le site de retraitement de la Hague, sans conteste l’un des lieux les plus nucléarisés de la planète. (Photo Orano)

“En effet, le site de retraitement français de La Hague (Manche) rejette 10.000 terrabecquerels par an, soit, chaque année, dix fois plus de tritium que tout ce que le Japon va déverser en 30 ou 40 ans” écrit le mouvement Greenpeace. Et la France n’est seule à rejeter des radioéléments : si la norme japonaise de rejet de tritium est de l’ordre de 22 terrabecquerels par an, Greenpeace souligne que par comparaison, la centrale chinoise de Yangjiang rejette 112 terrabecquerels (six fois plus) et celle de Kori en Corée du Sud près de 49 terrabecquerels (quatre fois plus).

Le rejet annuel de tritium “liquide” à la Hague est bien plus élevé que tout ce qui se trouve dans les réservoirs de Fukushima. (Photo Greenpeace)

Le journaliste Jean-Christophe Gariel, cité par le magazine Reporterre, veut se montrer rassurant sur les conséquences des rejets à Fukushima : “La mer est une énorme baignoire où tout se dilue très rapidement. À quelques kilomètres, le tritium ne sera plus mesurable.

Il rappelle que tous les réacteurs nucléaires en fonctionnement dans le monde rejettent du tritium dans l’environnement, et confirme que l’usine de retraitement de La Hague a une autorisation de rejet pour des eaux chargées en tritium à hauteur de 4 000 becquerels par litre. “La différence avec Fukushima, c’est que les rejets sont le résultat d’un accident. Mais c’est le même tritium qu’ailleurs” conclut Jean-Christophe Gariel qui estime que la société Tepco “a simplement choisi l’option la moins chère”.

Kolin Kobayashi, journaliste retraité japonais établi en France et militant antinucléaire cité par Reporterre, continue à dire que le rejet en mer reste une aberration. La conclusion de Reporterre est la même que celle de Greenpeace ou d’autres mouvements de défense de l’environnement : dans tous les cas, “en un an, la Hague déverse dans la Manche au moins dix à douze fois autant de tritium que tout ce qui se trouve dans les réservoirs de Fukushima.”

D.G avec documentations Greenpeace, Reporterre, RMC, le blog de Fukushima, Tepco et Orano.