
Installée en baie de Fa’anui, la boutique Vainia existe depuis plus de 40 ans. Au milieu des pareu chamarrés, des vêtements cousus-main et des tables de bijoux en coquillage, deux générations de Terorohauepa s’activent pour recevoir le flot de touristes. Ce mélange tout âge fait partie de la gaieté du lieu.
Mamie Edna, la doyenne de 75 ans, offre un sourire épanoui aux visiteurs dès leur entrée. C’est elle qui a commencé l’activité de confection de pareu dans les années 1980. À l’époque, les pochoirs étaient en feuilles de bananier, de carambolier ou bien en palmes de cocotier.

Par la suite, sa fille Paméla la rejoint : “J’ai étudié jusqu’en 1ère au lycée de Taaone”, explique-t-elle. “Puis, j’ai dansé dans la troupe de Irma Prince, voyageant en Suisse, aux États-Unis… Mais quand ma maman est tombée malade, je suis revenue sur Bora pour m’occuper d’elle et, en 2003, j’ai commencé à travailler à la boutique.”
Magie des couleurs naturelles
Tout en jetant quelques pétales de clitoria dans un bac d’eau — cette fleur a la propriété de bleuir le tissu et même la langue ! car elle est comestible —, Paméla présente la palette de couleurs fabriquées à partir de pigments naturels par l’entreprise Phénix sur Moorea.
Elle utilise la technique du pliage qui consiste à plier le drap de coton blanc et à le tremper dans différentes teintures. Au dépliage, le pareu s’auréole de formes colorées époustouflantes. Le visiteur dépose ensuite des pochoirs en linoléum en forme de poisson, fleur ou lettre de l’alphabet pour personnaliser son pareu et l’héliographie finit le travail. Nul besoin de fixateur, le soleil intense fixe pour toujours les couleurs tout en faisant surgir les motifs un ton plus clair.
Une ruche familiale
Pendant que Paméla guide chaque visiteur à réaliser son œuvre arc-en-ciel, Siki, son tane, déshabille les dames… pour aussitôt leur nouer des robes, jupes, bustiers, sarouels… Ce charpentier-soudeur, originaire des Marquises, aime animer la boutique. “Avant, j’étais plutôt timide. Maintenant, je suis très à l’aise, j’ai appris l’anglais et un peu d’italien. J’adore établir le contact avec les clients, j’ai des amis dans le monde entier !”, dit-il en riant.
Commercialisation jusqu’aux Marquises
Avec cette technique rapide, différente de la peinture au pinceau ou du batik, les pareu se colorent à vitesse grand V. “On peut en produire 300 par jour”, se targue Siki. Les créations sont dispatchées un peu partout dans la famille. À Raiatea, l’un d’eux les vend au village de Opoa. À Fatu Hiva, les beaux-parents marquisiens de Paméla présentent aux touristes de l’Aranui leurs tapa, umuhei (1) en même temps que les confections de Bora-Bora. Comme une pieuvre qui étend ses tentacules, chaque membre met sa main à l’édifice.

Même cette femme d’une soixantaine d’années, légèrement en retrait et qui n’aborde pas les touristes, a un rôle important : “Je suis Janina, la sœur de Edna, j’aide à ranger toutes les affaires le matin et le soir. Je m’occupe aussi des petits-enfants dans l’après-midi.” Comme une évidence, la boutique de plein air fait office de garderie pour les très nombreux mo’otua de Edna, la vénérable femme ayant engendré dix descendants, tous vivant, à l’exception d’un, sur Bora-Bora.
Tania, sa fille, est aussi l’une des chevilles ouvrières. Elle confectionne des blouses et des ponchos en pareu, sans oublier de réaliser les ourlets à chaque fois qu’un pareu a fini de sécher. Devant la table, des boucles et bracelets en nacre, certains sculptés par Siki.
Paméla réapparait, contente de montrer les colliers en porcelaines qu’elle glane le soir sur l’un des motu de son île. “Avant, j’étais femme de ménage dans un hôtel, je préfère ma situation actuelle”, confie-t-elle modestement. Travailler chez soi, pour soi et avec les siens donne certainement beaucoup de sens à la vie. Pour en savoir plus : FB, Boutique Vainia – Bora-Bora
Correspondance : Gaëlle Poyade