Car-bass et nuisances sonores : quelles conséquences et solutions ?

Ariitea Bernadino, vice-président de l'association Te Ora Hau (Photos : ACL/LDT).
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(Archives LDT)

Reçue mi-août à la Présidence, l’association Te Ora Hau poursuit son combat contre les nuisances sonores, misant sur le Pays pour tenter de solutionner ces incivilités qui minent le quotidien d’une partie de la population, à Tahiti et jusque dans les îles. Le vice-président de l’association, Ariitea Bernadino, fait le point, entre propositions et attentes, tandis qu’une victime se confie sur son calvaire. Interview et témoignage.

Ariitea Bernadino, vice-président de l’association Te Ora Hau :

“Une révision du code de la route pour interdire l’installation de matériels de sonorisation surpuissants dans les voitures”

Comment votre combat contre les nuisances sonores a-t-il commencé ?

“J’ai intégré l’association en 2017, en tant que victime de nuisances sonores à Taravao, où je réside. J’ai été aidé, puis j’ai décidé de continuer à œuvrer pour aider à mon tour des victimes confrontées à ces difficultés. Beaucoup de signalements concernent Tahiti, mais il y en a aussi dans les îles, avec des nuisances dans la sphère privée ou lors d’événements publics”.

Après plusieurs années de mobilisation, qu’attendez-vous du Pays aujourd’hui ?

“Au niveau des maires, tout ce qu’ils peuvent faire, c’est fermer les sites, mais ça ne fait que déplacer le phénomène vers d’autres lieux et d’autres victimes. Le problème nous semble difficilement gérable juste à l’échelle communale : il faudrait que ça se fasse au niveau du Pays, d’où notre demande de révision du code de la route. L’objectif, ce serait d’interdire l’installation de matériels de sonorisation surpuissants dans les véhicules. Ce serait aussi plus simple à constater pour les forces de l’ordre, plutôt que le volume sonore, qui est bien souvent diminué à leur approche. Cette proposition découle du travail qu’on avait fait avec l’ancien Procureur, José Thorel”.

Quel bilan dressez-vous de cette rencontre ?

“C’était une rencontre positive. Nous avions déjà approché le précédent gouvernement, notamment le ministre de l’Environnement. Mais là, c’est la première fois que la tête de l’exécutif, le président, Moetai Brotherson, et la vice-présidente (et ministre de l’Environnement, ndlr), Éliane Tevahitua, nous reçoivent pour un entretien qui a quand même duré une heure. Ils se sont montrés très à l’écoute et au fait des souffrances des victimes. C’est une première étape : on espère que les liens iront en se renforçant”.

Quid des sanctions prévues par le code de l’Environnement en cas d’abus ?

“L’application des textes de loi n’est pas toujours aisée au quotidien pour les forces de l’ordre. Dernièrement, il y a eu des saisies sous forme d’opération coup de poing avec d’importants moyens humains mobilisés. Si on appliquait le principe d’un avertissement au premier constat d’infraction, puis la saisie du matériel au second constat, on pourrait considérablement réduire le nombre de plaintes”.

Interdire ou taxer l’importation des enceintes en cause, est-ce une solution envisageable ?

“On n’est pas contre l’importation de ce type matériel, parce qu’on ne veut pas pénaliser les professionnels du spectacle, par exemple. Mais on est contre une utilisation à titre privé quand c’est démesuré”.

Quelles sont les prochaines étapes pour Te Ora Hau ?

“On va continuer le travail entamé avec le gouvernement concernant les car-bass, et sur d’autres thèmes, en proposant l’expertise de notre association pour améliorer la réglementation. On doit rencontrer le président de l’Assemblée de la Polynésie française, Antony Géros. Pour avancer dans de bonnes conditions sur le sujet, on a aussi demandé un état des lieux des nuisances sonores au Fenua”.

Le témoignage d’une victime de nuisances sonores à Papara :

“Fragile du cœur, je me suis retrouvée plusieurs fois au urgences”

“J’habite avec mon mari, ma fille et ma petite-fille. Dans le voisinage, les problèmes de nuisances sonores durent depuis de nombreuses années. Ça a commencé par des petits haut-parleurs, puis le matériel est devenu de plus en plus gros, installé dans des voitures.

Je subissais, puis j’ai commencé à faire de la tachycardie. Le volume et les basses me provoquent beaucoup de stress et des crises. Je me suis retrouvée plusieurs fois aux urgences. J’ai été opérée du cœur, donc je suis fragile à ce niveau-là. Le week-end, ça m’empêche de dormir.

Avec ma sœur, on a essayé de discuter avec une des personnes concernées, mais ça n’a rien changé. La police municipale et les gendarmes sont intervenus à plusieurs reprises. En 2009, j’ai même porté plainte, mais ça n’a rien donné. Ce sont des démarches sources de stress, surtout s’il faut aller au tribunal, donc j’ai renoncé à déposer d’autres plaintes depuis. J’ai aussi participé à une réunion de concertation à la mairie, il y a trois ans, mais ça n’a pas réglé le problème.

Il y a deux semaines, j’ai décidé de faire une publication sur Facebook, sans citer le lieu, ni les personnes, et ça va mieux, mais j’ai peur que ça recommence à la moindre occasion. Ça reste une angoisse. J’ai aussi peur des représailles : je ne veux pas que ça dégénère en bagarre.

Pour moi, la solution, ce serait d’interdire la vente de ces appareils trop puissants, parce que certains n’arrivent pas à respecter les autres”.

Pratique

Plus d’infos et contacts sur la page Facebook de l’association : Te Ora Hau.

Depuis le mois de juillet, une permanence est assurée par un bénévole, à la mairie de Paea.