Tribune – “Facteur limitant” par Simone Grand

Le rendez-vous de Moetai Brotherson avec 80 Polynésiens.
Le rendez-vous de Moetai Brotherson avec 80 Polynésiens.
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“Intéressants sont les exercices que s’est imposé le président du gouvernement au bout de 100 jours de prise de fonction. Ce fut émouvant, agaçant, amusant, rassurant, étonnant.

J’ai regretté qu’il ne se soit pas engagé à donner suite aux rapports de la Cour des Comptes sur la gestion de la CPS. Et il a oublié les vieux. Or, “En 2021, pour 100 personnes de 15 à 64 ans, il y a en moyenne 30,9 jeunes de moins de 15 ans et 13,5 personnes âgées de 65 ans et plus en Polynésie française.” (ISPF)

Après les premières critiques des représentants du patronat et des syndicats il nuance son projet de sanctionner les cadres supérieurs en remplacement de la TVA sociale. C’est rassurant.

Appréciable aussi de l’entendre dire au moins deux fois: “Je ne sais pas.” Il découvre l’existence de nombreux “sans adresse” postale, informatique ou résidentielle qui ne font pas forcément partie des classiques SDF. Voilà une rassurante humilité.

Appréciable aussi l’amorce de prise de conscience que la dématérialisaiton des données pénalise la population de base du Pays.

Amusant le projet de traduction des textes du statut de la Polynésie française et autres. Alors que l’administration pond des circulaires à contraintes incompréhensibles même par de bons locuteurs en français qui se heurtent en plus à une psychorigidité de contrôleurs déconnectés de la réalité.

En quelle langue tahitienne cela sera-t-il traduit? Celle ou le moral est morare comme la morale, où oviducte est ovitute et où la danse hébraïque mesholah devient mehura en fier ma’ohi? et où au mot tahitien pour le sexe masculin on va chercher le mot hébreux qui dit caillou bene transformé en ‘apeni?

Une sorte de snobinarde pudeur fait considérer vulgaires des mots ancestraux. Alors ça tipe’e, emprunte au grec, l’hébreux ou l’anglais dans un reniement constant de soi. Quand prendra-t-on au sérieux le sauvetage et la transmission de la langue tahitienne?

Ma grand-mère Marae partirait en imprécations si elle entendait certains “doctes” énoncés.

C’est bien de dénoncer les retombées nucléaires qui ne sont pas toutes radioactives d’ailleurs. L’obésité s’est épanouie avec la corne d’abondance CEP.

Mais quel dommage de ne jamais s’interroger sur la conversion traumatique en pleines épidémies mortelles successives amenant au reniement des origines. Reniement qui se perpétue par le traficotage pudibond des vestiges de la langue tahitienne.

J’ai regretté aussi qu’on prive nos apprentis profs d’une expérience pédagogique hors nos îles. Ce cocooning des enseignants ne peut que pénaliser les écoliers, collégiens, lycéens et étudiants. Car aujourd’hui plus qu’hier, nos enfants sont les enfants de leur temps. Et le temps est à la mondialisation. Voir et vivre ailleurs comment ça se vit me semble essentiel à la formation des enseignants.

Un invité m’a semblé poser une question essentielle: “Pourquoi autoriser la construction de maison ou tout autre bâtiment là où il n’y a pas d’eau?”

La réponse : “Comment interdire à quelqu’un de construire sur sa terre?” ne m’a pas semblé pertinente. Car sans eau, il est impossible de viabiliser. Y encourager la construction est coupable.

L’eau est un facteur limitant qui mobilise la planète entière, …. mais pas nous. Bizarre.

Quand allons-nous prendre en compte l’eau de nos rivières, sources et rares étangs vestigiels?

Aucune Constitution ne peu s’imposer à l’eau qui s’impose à elle.

Sans eau, la vie est impossible.

‘Ia maita’i”

Simone Ta’ema Grand