Des îles à la Presqu’île : le quotidien des internes du lycée Taiarapu Nui

Une partie des filles accueillies à l'internat du lycée polyvalent de Taravao (Photos : ACL/LDT).
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Parmi les 1.400 élèves du lycée Taiarapu Nui de Taravao, 180 sont internes. Un chiffre en augmentation puisqu’ils sont un tiers de plus que l’an dernier. En ce début d’année scolaire, les petits nouveaux prennent progressivement leurs marques, tandis que les habitués reprennent le rythme de la vie en internat. Un bâtiment leur est dédié : le premier étage est réservé aux garçons, tandis que le second accueille les filles, avec les dortoirs, les douches et sanitaires, un coin laverie et les salles d’étude, ainsi qu’un foyer au rez-de-chaussée.

Un lycée polyvalent et polynésien

Jérôme Le Guillou, proviseur.

“L’accompagnement commence dès leur arrivée avec un accueil personnalisé”, explique le proviseur de l’établissement, Jérôme Le Guillou. “Il faut savoir qu’ils n’arrivent pas tous en même temps, certains avant la rentrée, d’autres plusieurs jours après, tout simplement parce que les lignes aériennes ne sont pas extensibles. La première semaine, on a reçu les élèves avec leur famille d’accueil, car on doit veiller à garder le lien avec leur famille comme avec leur correspondant à Tahiti, qu’ils retrouvent le week-end et pendant les petites vacances, quand ils ne sont pas en activités”.

Les internes occupent une place particulière dans la vie du lycée, à laquelle nombre d’entre eux participent activement. “Les internes, ce sont des éléments moteurs. Comme ils vivent au lycée, ils sont très attachés à leur établissement. La moitié d’entre eux viennent des îles éloignées, donc chacun a sa propre culture. On fait en sorte qu’ils développent leur identité à travers le chant, la musique et la danse, et qu’ils la partagent avec leurs camarades”, remarque le proviseur de ce lycée polyvalent et polynésien. À la rentrée, les internes ont ainsi proposé un spectacle d’accueil à destination des classes entrantes, après s’être illustrés aux journées polynésienne et portes-ouvertes de l’an dernier.

Une équipe encadrante à l’écoute

Marie-Raymonde Hopuu, maîtresse d’internat.

Au quotidien, les élèves internes peuvent compter sur sept maîtres d’internat, qui se relaient nuit et jour en binôme en dehors du temps scolaire. C’est le cas de Marie-Raymonde Hopuu, que les élèves surnomment respectueusement et affectueusement Madame Marie. “Notre rôle se base beaucoup sur l’écoute, que ce soit au niveau de l’accompagnement scolaire en relation avec l’équipe pédagogique ou dans la vie quotidienne. Sans prendre la place de leurs parents, on est comme des parents de substitution, car ils sont loin de leur famille pendant une bonne partie de l’année”, analyse la maîtresse d’internat, qui prend son rôle très à cœur. “Je suis heureuse d’avoir choisi de vivre en internat, car j’étais en externat auparavant, en tant qu’adjointe d’éducation en vie scolaire. Je me rends compte qu’on a des relations plus humaines avec les élèves. Je découvre une autre facette de leur personnalité”.

Malgré des locaux vieillissants, l’environnement est accueillant et l’équipe se mobilise pour répondre aux demandes des internes. “La sécurité et le bien-être des élèves est fondamental. Cette année, on va mettre en place le Conseil de la vie lycéenne, mais je souhaite aussi qu’on instaure un Conseil des internes, pour qu’ils puissent s’exprimer régulièrement dans un cadre institutionnel”, conclut le chef d’établissement.

Une journée-type en internat

Comment s’organise la vie en internat ? Marie-Raymonde Hopuu nous livre un aperçu : “À 5 heures, c’est réveil en douceur : on allume les lumières du dortoir, et les élèves se réveillent et se préparent. À 5h45, ils descendent au réfectoire pour le petit-déjeuner jusqu’à 6h30, puis ils commencent les cours à 7 heures. On les retrouve à 15h20 pour l’appel, puis ils ont un temps de récréation jusqu’à 17 heures. Ils ont jusqu’à 18 heures pour se doucher et se rendre au réfectoire pour le dîner. À 18h30, une équipe d’enseignants vient en soutien dans différentes matières. Il y a aussi deux ateliers proposés : cinéma avec la préparation d’un projet de film sur les Jeux Olympiques, et patutiki sur l’histoire du tatouage. Les autres élèves restent en étude avec nous jusqu’à 19h30. À 21h30, tout le monde est au lit, car il faut pouvoir recommencer le lendemain !”.

Le mercredi après-midi, la plupart des internes ont une autorisation de sortie. Des activités physiques sont également proposées par l’association sportive du lycée. En fin de semaine, le dispositif Week-end en internat (WEI) leur permet d’être pris en charge par des associations, du vendredi soir au lundi matin, avec des activités comme des randonnées ou des sorties cinéma à la clé. Pendant les petites vacances, c’est le même principe au travers du Programme de loisirs en internat (PLEI), au lycée Diadème. Et pendant les grandes vacances de décembre et de juillet, le retour au domicile familial est pris en charge par le Pays.

Temou Timau, 19 ans, en 1ère année de BTS Management Économique de la Construction (MEC), originaire de Tahuata (Marquises) :

“L’expérience à l’internat, c’est un bon entraînement”

“J’ai fait tout mon lycée à Taravao, donc ça fait quatre ans que je suis à l’internat. Je voulais être à la Presqu’île, parce que je savais que je me sentirai plus à l’aise. C’est aussi parce que la tatie qui me suit habite ici. Je voulais suivre cette filière qui m’intéresse depuis tout petit.

En seconde, j’avais un peu honte quand je suis arrivé à l’internat, mais en deux semaines, j’ai pris mes marques et je me suis fait plein de copains. La vie à l’internat, ça me plaît, parce qu’on est autonome, même s’il y a des règles de vie. On peut faire des activités sportives, comme du volleyball, du football et du va’a, donc j’en profite. Franchement, il n’y a rien qui me déplait.

La distance avec ma famille, c’est difficile, mais si on veut évoluer et avoir un bon travail, c’est bien de voir autre chose et on n’a pas d’autre choix que de s’éloigner. Plus tard, j’aimerais partir en France pour poursuivre des études d’architecture ou d’ingénieur, et pourquoi pas revenir pour créer ma propre entreprise. L’expérience à l’internat, c’est un bon entraînement. Ça fait un peu peur de partir, mais il faut savoir sortir de sa zone de confort pour progresser”.

Laiza Kiihapaa, 18 ans, en terminale Accompagnement, Soins et Services à la Personne (ASSP), originaire de Ua Pou (Marquises) :

“Au début, ce n’était pas facile pour moi”

“Je voulais venir au lycée de Taravao par rapport à cette filière, qui m’intéresse vraiment, car plus tard, j’aimerais être sage-femme. Ça arrangeait aussi mes parents, vu que mes correspondants habitent à proximité. Je les rejoins tous les week-ends.

Au début, ce n’était pas facile pour moi, car c’était la première fois que j’étais aussi loin de mes parents. Même aujourd’hui, ils me manquent beaucoup. Heureusement, on peut communiquer facilement par téléphone et je me suis fait rapidement des amis. L’ambiance est bonne à l’internat. On s’entend tous très bien. Le soir, des professeurs viennent nous aider à réviser ou faire nos devoirs. J’apprécie, parce que ce n’est pas quelque chose que j’ai connu à l’internat à Ua Pou, où j’étais à la fin du collège”.  

Sydney Richmond, 17 ans, en terminale Sciences Techniques du Sanitaire et du Social (STSS), originaire de Pueu (Tahiti) :

“Ça me permet de me concentrer sur mes études”

“J’ai décidé de venir à l’internat pour raisons familiales. Ça me permet de me concentrer sur mes études : j’aimerais être médecin, sage-femme ou infirmière. Je suis arrivée au cours de mon année de première. Ça se passe très bien. Je suis entourée par des personnes de mon âge et des filles adorables. On est dans un bon environnement.

Ça me plaît de rester à l’école, en sachant que je rentre chez moi tous les week-ends et pendant les vacances. C’est motivant, parce qu’on a aussi des professeurs qui nous accompagnent pendant les heures d’étude, tous les soirs. C’est une année importante, donc je suis un peu stressée, mais je vais tout faire pour avoir mon bac”.

Tehivanui Brothers-Mana, 18 ans, en 2ème année de BTS Management Économique de la Construction (MEC), originaire de Raiatea :

“C’est agréable d’être entre jeunes”

“Je suis au lycée de Taravao depuis un an, parce que j’ai été accepté dans cette filière. Ma famille sur Tahiti se situe sur Mahina, donc c’était plus simple de rester en internat. Au début, j’étais un peu stressé, parce que je n’avais jamais été interne, mais j’ai été bien accueilli.

C’est agréable d’être entre jeunes plutôt que de s’ennuyer tout seul à la maison. Je me suis fait de très bons amis. Et quand des nouveaux arrivent, je vais vers eux pour apprendre à les connaître et les guider. La distance, ça va. Je retourne à Raiatea aux grandes vacances de décembre et de juillet”.