Le retour d’El Niño est une mauvaise nouvelle pour les pêcheurs

"D'ores et déjà, forts des expériences passées, les Polynésiennes et les Polynésiens anticipent une raréfaction du poisson dans la Zone économique exclusive (ZEE)" écrit le Cluster maritime de Polynésie française. (Photo CMPF)
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Le conseil d’administration du Cluster maritime, présidé par Tuanua Degage. (Photo CMPF)

“L’année 2023 annonce le retour du phénomène El Niño, ce qui a conduit les experts à communiquer dès avril sur le sujet” écrit le Cluster maritime de Polynésie française (CMPF) dans sa dernière lettre d’information. “Les prévisions pour les cyclones ne pourront débuter qu’en octobre mais d’ores et déjà, forts des expériences passées, les Polynésiennes et les Polynésiens anticipent une raréfaction du poisson dans la Zone économique exclusive (ZEE).”

Le Cluster maritime explique que le JRCC (Centre de sauvetage aéromaritime), en lien avec Météo France, a mis à sa disposition les données et études scientifiques les plus récentes, “en particulier un document de référence établi en 2020 pour les secteurs de la pêche, de l’aquaculture et de l’environnement marin par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)”.

Sophie Martinoni-Lapierre, la directrice de Météo-France en Polynésie française, avait confirmé dès le mois d'avril à La Dépêche que le phénomène El Niño était déjà là, avec 50% de risque qu'il s'agisse d'un "super El Niño". (Photo : Damien Grivois)
Sophie Martinoni-Lapierre, la directrice de Météo-France en Polynésie française, avait confirmé dès le mois d’avril à La Dépêche que le phénomène El Niño était déjà là, avec 50% de risque qu’il s’agisse d’un “super El Niño”. (Photo : Damien Grivois)

Les données sur la Polynésie française indiquent les probabilités de raréfaction du poisson, notamment pour différentes espèces de thon, en fonction de l’intensité d’El Niño, et établissent également des solutions de gestion et d’adaptation pour les différents types de pêche (ex: installation de dispositifs de concentration de poisson (DCP), protection de la pêche côtière, gestion d’aires marines).

Selon le CMPF, l’ensemble des recommandations visant à assurer la gestion des ressources marines de manière durable et résiliente “s’appuie, méthodologiquement et précisément, sur la connaissance scientifique, l’anticipation et l’articulation bien pensée des politiques publiques en lien avec les communautés et acteurs des secteurs concernés.”

La couche d’eau chaude pose problème aux poissons

L’étude de l’Institut de recherche pour le développement (IRD) révèle que le phénomène El Niño n’est pas monotypique : ses répercussions régionales peuvent être très importantes, mais varient fortement selon cinq types d’El Niño.

Le rapport intitulé “Les répercussions de l’oscillation australe El Niño sur les pêches et l’aquaculture” fait le point sur les connaissances acquises jusqu’à présent sur le phénomène El Niño et sur ses répercussions sur différents secteurs, tels que la sécurité alimentaire, la sécurité en mer, la biologie des ressources marines, les opérations de pêche, l’aquaculture ou encore les mesures de gestion et d’adaptation.

Les événements El Niño sont souvent décrits de façon simplifiée en deux phases principales :  une phase de réchauffement anormal dans le centre et à l’Est de l’océan Pacifique équatorial et, à l’opposé de celle-ci, une phase de refroidissement (appelée La Niña).

Les changements sont surtout visibles dans les pêches du Pacifique Est, comme ce fut le cas en 2016 dans la ZEE de Polynésie française. (photo : Sébastien Berson)

Lors de la première phase, “une couche d’eau chaude de surface épaisse empêche l’eau froide riche en nutriments d’atteindre la surface de l’océan, entravant ainsi la production océanique”.

Cette situation engendre une baisse de la disponibilité de nourriture pour les poissons locaux. Ces derniers vont alors soit migrer vers le Sud, soit souffrir d’un effondrement de leur productivité.

En ce qui concerne les pêches maritimes : les captures de poissons peuvent varier radicalement selon la nature de l’El Niño. Si la majeure partie de ces changements sont visibles dans les pêches du Pacifique Est, comme ce fut le cas en 2016 dans la ZEE de Polynésie française, des impacts notables sont également importants pour certaines populations de poissons dans l’océan Atlantique et ont des répercussions sur la pêche au thon dans l’océan Indien.

Cinq types d’El Niño ont été identifiés

El Niño extrême

El Niño du Pacifique Est modéré (EP)

El Niño du Pacifique Centre modéré (CP)

El Niño côtier

La Niña forte

El Niño est généralement associé au réchauffement des températures de surface de l'océan dans le centre et l'est de l'océan Pacifique tropical.
El Niño est généralement associé au réchauffement des températures de surface de l’océan dans le centre et l’est de l’océan Pacifique tropical. (Photo DR)

Plusieurs experts internationaux basés au Chili, en France et au Pérou ont contribué au rapport de l’IRD. Il aborde la diversité des phénomènes El Niño, les prévisions des événements dans le contexte du changement climatique, les impacts globaux et régionaux des phénomènes sur les pêches marines, le blanchiment des coraux ou les dégâts causés sur les récifs et les pêches associées mais aussi les conséquences sur l’aquaculture et la pêche continentale.