A l’issue de deux jours de procès, l’accusé qui avait frappé à mort sa compagne en juillet 2020 à Maupiti a été condamné à 20 ans de réclusion criminelle par les jurés de la Cour d’assise de Papeete.
Alors que l’accusé s’est, comme la veille, borné à répéter qu’il ne se rappelait de rien du soir du drame, cette deuxième journée d’audience débute avec les experts psychologues, puis psychiatre, qui ont eu l’occasion de confirmer ce qu’ils avaient déjà indiqué pendant l’instruction. Malgré un quotient intellectuel (QI) dans la normale basse et une faculté à mettre à distance ses émotions, aucun symptôme psychotique n’a été relevé chez l’accusé.
Conscient de ses actes
Il est, et surtout, était, au moment où il a saisi le visage de sa femme pour frapper son crâne à de nombreuses reprises contre un mur, conscient de ses actes. Seule raison de l’éventuel “trou noir” de l’homme de 45 ans, le 23 octobre 2020, la quantité astronomique d’alcool consommé ce jour-là, ce qui n’est pas une excuse, mais au contraire une circonstance aggravante, comme l’ont rappelé l’avocat général et la partie civile.
Si, pour la psychologue, la vie en détention va être utile à l’accusé qui va devoir prendre sur lui et accepter les interactions sociales, de son côté, la psychiatre est la seule à avoir vu l’homme manifester clairement des regrets, alors que les excuses prononcées lors de ses deux jours d’audience ont toujours sonné un peu faux.
Avant les plaidoiries, et le dernier interrogatoire de l’accusé, la sœur aînée de la victime est le dernier témoin entendu lors de ce procès. Comme les témoins du drame ou les autres proches entendus pendant l’instruction, elle confirme ce qui a été dit et répété. L’homme était violent, fréquemment, encore plus les soirs d’alcoolisation. “Quand il boit, on ne peut pas le retenir“.
“Il a cherché à détruire son visage”
“Il a cherché à détruire son visage”. ce sont les mots de l’avocat du seul fils du couple encore mineur au moment des faits. ll avait 16 ans lorsqu’il est le premier à trouver le corps de sa mère ce soir-là. Le conseil démonte tout de suite la théorie du tupapa’u mis en avant par l’accusé tout au long du procès. “Le tupapa’u c’est une apparition, par quelque chose qui prend possession de quelqu’un, je n’y crois pas“
Il revient ensuite sur la violence du drame “ce n’est pas qu’un seul coup, il s’est acharné“. L’avocat du reste de la famille ira dans la même direction, demandant aux jurés d’oublier un quelconque mauvais esprit pour revenir à la réalité. L’homme a formulé son intention, “tu veux que je te tabasse à mort ?” lui a-t-il dit ce soir-là. Ensuite, il a visé la tête puis l’a cogné contre le mur. Selon l’avocat, c’est lui qui est responsable, personne d’autre : “Il n’a pas été possédé par autre chose que ses démons intérieurs”.
L’issue, c’était la mort
L’avocat général commence ses réquisitions en revenant sur les déclarations de l’accusé, qui a souvent répété que seul le seigneur pourrait le juger. Coutumier de nombreuses citations, il passe de Tibère à Jésus, en passant par Martin Luther, Victor Hugo pour finir par Francis Cabrel, avec un seul objectif, la condamnation de l’accusé qui va devoir respecter la loi de l’homme et qui, selon l’avocat général, ne devrait pas invoquer sans cesse Dieu sans raison.
Il indique avec force au jury, frappant à plusieurs reprises son pupitre en mimant des coups, que l’accusé avait bien l’intention de tuer. Ses gestes, ses mots, la violence et surtout la répétition de coups, focalisés sur le visage et le crâne, “tout prouve sa volonté de tuer” dit-il, avant d’ajouter “la seule issue, c’était la mort“. Il détruit lui aussi au passage cette “possession” et l’amnésie de l’accusé sur le drame. “On ne peut pas à la fois dire ne se souvenir de rien, mais se rappeler parfaitement avoir été possédé”. Pour l’avocat général, c’est bien cet homme qui a tué sa femme avec ses mains, c’était de la rage et un comportement inhumain. Il requiert 25 ans de prison.
Son avocate tente de minimiser cette histoire de fantôme. Elle explique que son client ne veut pas se déresponsabiliser en mettant ce tupapa’u en avant, selon elle ce n’est pas une invention pour dire qu’il n’a rien fait, mais c’est simplement son seul moyen d’expliquer les faits qu’il a commis pendant ce qu’elle appelle “un trou noir“
Mauvais esprit ou non, c’est bien l’accusé que la cour condamne à 20 ans de réclusion criminelle.
YP