
Arrivé à Tahiti-Faa’a ce dimanche 3 septembre, Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre sous Jacques Chirac, et président de l’organisation “Leaders pour la Paix”, continue sa tournée en Polynésie française, dans le cadre de son programme “perspectives économiques”.
La veille, après avoir, entre autres, visité le port de Papeete ou une exploitation agricole à Taravao, il animait, ce mardi 5 septembre, un cours magistral, dédié à la jeunesse, aux étudiants du campus de la CCISM. Occasion pour lui, suite à cette intervention, de revenir, une fois de plus, sur les enjeux et tensions actuels dans la zone Indopacifique mais aussi, de donner son impression à son auditoire du jour.
Concernant le premier point, et sur les relations futures à envisager avec la Chine, puisque le cœur du débat est ici, il est important, pour l’ex-Premier ministre, de “distinguer le court du moyen terme”. Concernent le court terme, il rejoint le positionnement de Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, selon lequel il “faut faire attention à, ce que l’on ne peut pas exploiter, le soit par les autres.”
“Le jeune Polynésien d’avenir parle français, tahitien, anglais et chinois”
A propos du moyen terme, la Chine est, pour l’ancien sénateur, “une grande civilisation qui a un avenir international puissant.” Et les paris sont lancés pour l’homme politique : “Je pense qu’on peut faire le pari du long terme, que la Chine sera un acteur important de la zone (Pacifique, Ndlr).”
Il précise avoir interpellé la jeunesse du campus de la CCISM sur les enjeux de partenariats futurs à venir avec la Chine : “Il sera de leur intérêt de se muscler sur leurs connaissances de la Chine. De parler chinois, de s’intéresser à la culture chinoise. Cette culture multimillénaire ne va pas s’effacer tout de suite.” Pour l’ancien vice-président du Sénat, il faut comprendre la Chine, s’intéresser à ce qu’elle est. Toujours selon ce dernier : “La France connaît très mal la Chine.”
“Ce que nous voulons éviter en géopolitique,
c’est la guerre entre les USA et la Chine”
Jean-Pierre Raffarin, qui pense que “la Polynésie est sur le lieu de l’histoire. La géographie va donner de l’histoire à la Polynésie française”, explique aussi qu’il ne s’adresse pas de la même manière à un jeune et à un adulte qui ont tous deux quinze ans de différence. Au plus âgé, il aura tendance à dire, “Protégeons-nous bien vis-à-vis de la Chine“. Au plus jeune, il expliquera : “Prépare-toi à vivre avec un voisin que tu dois comprendre, avec lequel tu dois avoir des alliés.”
Quoi qu’il en soit, pour arriver aux perspectives optimistes de l’homme politique, il n’y pas d’autres solution que celle d’une cohabitation entre la Chine et les États-Unis. “Ce que nous voulons éviter en géopolitique, c’est la guerre entre les USA et la Chine.”
Les USA et la Chine sont-ils pacifiques ?
“Aujourd’hui probablement pas…”
Concernant les forces armées, bien que la France ait une vision pacifique, elle envisage le déploiement de forces et moyens supplémentaires en Nouvelle-Calédonie et des annonces seraient à venir, par le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, et Gérald Darmanin, en ce qui concerne le fenua.
Interrogé sur ce point, J.P Raffarin répond : “Nous sommes dans un situation aujourd’hui dangereuse. La situation militaire est une sage précaution mais disons que ce n’est pas la stratégie sur cinquante ans. La stratégie est d’avoir une vision pacifique du développement.”
Enfin, à la question : peut-on dire que les USA et la Chine sont aujourd’hui pacifistes ? L’ancien Premier ministre répond : “Aujourd’hui, probablement pas…”
“Je n’ai rencontré que des Ulysse, qui veulent faire
un beau voyage mais revenir au Pays”

Cette matinée à la CCISM a aussi été un moment de partage, entre l’ex-Premier ministre et les élèves du campus de la chambre. Jean-Pierre Raffarin s’est dit impressionné par la qualité de son auditoire. Ce dernier est aussi professeur à l’école supérieure de commerce de Paris.
Ces jeunes, pour le président de “Leaders pour la Paix”, sont à la fois “très enracinés et très internationaux”. Il a constaté, dit-il, chez ces jeunes Polynésiens, une envie de se former à international. “Je n’ai rencontré que des Ulysse, qui veulent faire un beau voyage mais revenir au Pays, en étant formés, musclés.”
“Avec les jeunes d’ici, on parle d’avenir de manière positive. Je n’ai pas senti ce que je sens en Europe, une anxiété existentielle. Ici, ils cherchent à savoir comment tirer profit de la situation plutôt que de pleurnicher sur les inquiétudes. De ce point de vue là, les choses me paraissent aller dans la bonne direction. On peut parler ici sans faire de la thérapie.”