
L’homme de 29 ans était jugé pour violence ayant entraîné la mort sans intention de la donner. En 2017, il avait giflé sa grand-mère de 84 ans, des coups qui avaient engendré une suite de déboires médicaux chez la vieille femme, jusqu’à son décès huit mois plus tard. Après une deuxième journée de procès où le lien de causalité entre les coups et le décès a été au cœur des débats, l’accusé a finalement écopé d’une peine de cinq ans de prison, dont quatre avec sursis. Il ressort du tribunal comme il était arrivé, libre.
Après une première journée mardi sur les faits et les témoignages de la mère et de l’ex-compagne de l’accusé de 29 ans sur sa personnalité, la cour s’est affairé mercredi à déterminer dans quelle mesure les gifles données par le jeune homme sur sa grand-mère le 30 septembre 2017, ont pu provoquer le décès de la vieille femme huit mois plus tard, en juin 2018. Une tâche rendue complexe par l’absence à l’audience des médecins désignés à l’époque des faits, mais surtout parce que, étrangement, aucune autopsie n’a été demandée par le juge d’instruction pourtant au courant des violences sur la victime, morte dans son sommeil à 85 ans.
On connaît ses pathologies, une lourde maladie cardiaque et un cancer du sein en rémission. On sait que ses huit derniers mois de vie, entre les gifles et son décès, n’ont été qu’une lente décrépitude. La grand-mère a peu à peu perdu son autonomie et sa conscience du monde qui l’entoure. On ne sait pas, en revanche, sans autopsie, de quoi la vieille femme est précisément morte, et l’on devine déjà que ce sera l’axe logique de la plaidoirie de la défense.
Soigner le cœur ? Ou le cerveau ?
Les rapports des médecins décrivent assez clairement les événements qui se sont enchaînés et les dégâts directs et indirects engendrés par la série de gifles reçues sur l’état de santé de la mamie. Il y a un tout d’abord un important hématome sous-dural, une poche de sang sous le crâne de la victime qui comprime son cerveau. Un phénomène amplifié par le traitement qu’elle prend suite à un infarctus, des anticoagulants qui compliquent le traitement d’un hématome car ils rendent le sang plus fluide. Après avoir évalué le rapport bénéfice/risque, le traitement anticoagulant est stoppé, car l’hématome ne se résorbe pas et le pronostic vital est engagé. Le risque, c’est que, sans ce traitement, des caillots peuvent se former et provoquer un Accident vasculaire cérébral (AVC) ou une embolie pulmonaire chez la grand-mère. C’est ce qui semble d’ailleurs se produire, car, lorsqu’elle est entendue trois mois après les faits, elle ne se rappelle plus de son âge.
“Un processus mortifère”
Deux mois plus tard, en février 2018, elle ne peut plus se déplacer, incontinente et quasiment hémiplégique. Alors qu’elle était encore autonome avant “le pétage de câble” de son petit-fils ce matin-là, ses ennuis médicaux à la chaîne depuis sont présentés par un médecin comme “un processus mortifère”. Subsiste toujours et encore une question : comment prouver le lien de causalité entre des coups reçus et un décès, si l’on ne connaît pas les raisons de la mort ?… Toujours et encore, il manque une autopsie dans les pièces du dossier.
L’avocate générale le sait et le rappelle, ce n’est pas un meurtre, pas besoin de prouver l’intention de tuer. Mais selon elle, aucun doute, ce sont bien les coups donnés par l’accusé qui ont précipité l’issue fatale. Le jeune homme a évolué certes, il a laissé derrière lui l’addiction au paka qui le rendait agressif, très bien. Il travaille et semble être un bon père, elle l’entend. Mais “une femme est morte” dit-elle, avant un long silence, les yeux qui scrutent les jurés un par un. Elle requiert une peine entre huit et dix ans de prison.
On ne peut pas juger sur des “peut-être”
La défense plaide pour une peine aménageable. Selon l’avocate, la prison est faite pour s’assurer que les auteurs de graves délits prennent conscience de leurs actes et ne recommencent pas. Six ans après les faits, elle estime que le chemin de cette prise de conscience a déjà été emprunté par son client. Ensuite, sans surprise, elle cible l’absence de certitude sur les raisons de la mort de la vieille femme. Elle est décédée à 85 ans alors qu’elle souffrait d’une grave cardiopathie, d’une insuffisance rénale et d’une infection pulmonaire. Oui, il y a eu des coups, ils sont reconnus, mais personne ne peut dire de quoi la victime est morte. C’est peut-être lié, peut-être pas, et après avoir rappelé que s’il y a doute, ce doute doit profiter à l’accusé, elle conclut face à la cour : “Le fait que ces violences aient entraîné la mort, vous n’en avez pas la preuve“.
Des arguments que semblent avoir entendus les jurés, la cour le condamne à cinq ans de prison dont quatre avec sursis et ne prononce pas de mandat de dépôt. L’homme ne connaîtra pas la prison.
YP