Vincent, rescapé du catamaran gonflable attaqué par des requins, raconte son aventure 

Evgeny Kovalevsky et Stanislav Beryozkin ont embarqué Vincent Baugé à Tahiti (au centre) pour une traversée jusqu'en Australie à bord d'une embarcation gonflable.
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Jeudi 7 septembre au matin, trois rescapés débarquaient à Brisbane après avoir été récupérés à quelque 800 km au sud-est de la ville de Cairns, au large de l’Australie, par un cargo. Ces hommes, deux russes et un équipier français, venaient de vivre quelques moments compliqués en mer. Leur catamaran gonflable avait pris l’eau après avoir été mordu par des requins.

Le français, un jeune homme de 27 ans, s’appelle Vincent Baugé. Aventurier dans l’âme, il a embarqué le 1er juillet à Tahiti avec Evgeny Kovalevsky et Stanislav Beryozkin qui effectuaient un tour du monde à bord d’une embarcation gonflable. Ayant acheté un voilier au fenua, l’objectif pour Vincent était de tester cette traversée jusqu’en Australie. Il ne s’attendait pas à la finir en cargo. Il nous fait le récit de ce voyage mouvementé. 

Peux-tu nous raconter ton périple et que s’est-il passé en mer ? 

“J’ai rencontré les deux navigateurs russes le 25 juin à Tahiti et nous sommes partis de Taravao le 1er juillet ! Ils avaient passé une annonce, ils recherchaient un équipier pour aller jusqu’en Australie. De mon côté, je venais de revenir à Tahiti pour m’occuper de mon voilier que j’avais acheté récemment. J’ai tout de suite accroché avec leur projet qui avait beaucoup de cohérence avec le mien, c’était une manière de faire une première grande traversée. 

Nous avons navigué deux semaines jusqu’aux Samoa ou nous avons retendu le bateau – qui est une structure assez légère – révisé le moteur et fait le plein de nourriture. Puis, nous avons rejoint les Fidji puis le Vanuatu. 

On devait compter deux semaines de navigation jusqu’en Australie mais, au bout de quelques jours, on s’est fait croquer l’arrière gauche du catamaran par des requins. C’est un bateau gonflable avec deux boudins et quatre sections sur chacun d’eux, normalement hermétiques les unes des autres. Mais, tout un flan se dégonflait… Nous sommes arrivés à maintenir le cap durant la journée en rafistolant pour garder un minimum de flottabilité… On a perdu un peu de vitesse bien sûr. 

La situation s’est aggravée quand, deux nuits suivantes, c’est l’arrière droit qui a été attaqué par des requins. Là, c’est tout l’ensemble de l’arrière qui était sous l’eau et nous manquions de matériel pour réparer. Le bateau a commencé à se déstructurer et nous n’avions plus qu’un safran au lieu de deux. La situation devenait vraiment précaire.” 

Quand avez-vous décidé d’appeler les secours ?

“On tenait la route, heureusement la mer était plutôt calme, mais il y avait quand même des petites vagues qui faisaient monter l’eau jusqu’à la tente donc sur la moitié du bateau. 

On a déjà eu des vagues de 2 à 3 mètres et c’était comme une baignoire qui se déversait sur le bateau. On a finalement décidé d’appeler les secours le mercredi matin. On a lancé une balise de détresse et des appels radio. Ce sont les gardes-côtes australiennes qui ont pu faire dérouter un cargo. Il est arrivé 3 heures après. A l’origine, nous devions arriver à Cairns, nous avons été déposé à Brisbanne. J’ai d’ailleurs appris où j’étais par des amis !

J’ai découvert aussi par les médias qu’une trentaine de requins nous avaient tourné autour (rires). Les gens aiment les histoires qui font peur mais du coup, ma mère s’est beaucoup inquiétée (rires).”

Quel type de requins vous a attaqué ?

“Stanislav et Evgeny sont convaincus qu’il s’agit de cookie sharks, c’est un requin relativement petit, fin, qui fait à peu près la taille d’un bras, avec une dentition assez particulière en forme de lune. 

Dans leurs précédentes traversées, ils ont déjà eu ce genre d’attaques mais ce n’est pas évident de les voir car ces requins attaquent de nuit. En tous cas, les deux fois où c’est arrivé, il faisait nuit et pour ma part, j’étais dans la tente. Nous ne les avons pas vus. Nous avons constaté les morsures en allant voir les avaries dans l’eau.” 

“On a gardé notre sang-froid”

Avez-vous eu peur ?

“En réalité, c’était pas super safe mais on a tenu notre barre et on a gardé notre sang-froid. Les attaques de requins étaient une possibilité, le bateau gonflable est une expérience assez hasardeuse… Plusieurs fois, on a cru que le bateau allait se retourner, nous étions prêts à cette éventualité. On était prêt à attendre des jours dans l’eau avec des bidons d’eau potable.”

Quel était le projet des navigateurs russes et que vont-il faire ? 

“Leur idée était de faire le tour du monde en bateau gonflable. Ce type d’embarcation est assez populaire en Russie. Stanislav, le capitaine, est assez féru de cela et il a déjà traversé tous les océans et là, l’idée était de prétendre au Guinness Records

Mais, sur leur parcours, ils ont déjà perdu un trimaran entre le Cap Horn et Rapa Nui. Un cargo était déjà venu les chercher. Ils ont eu la chance de récupérer ce catamaran à Rapa Nui par une connaissance et ils se sont arrêtés à Tahiti un bon mois pour tout préparer. Maintenant, ils vont probablement abandonner le bateau gonflable et trouver un autre bateau.”

“Une expérience assez originale”

Quelle est la suite de ton aventure ?

“Je vais rester à Brisbane et chercher du travail. J’ai des formations dans le vin et les spiritueux. J’aimerais bien travailler aussi sur les bateaux de pêche. Sinon, j’ai toujours l’intention de récupérer mon bateau à Tahiti pour réaliser de longues traversées.

J’ai entrepris de me mettre à la voile il y a 5 ou 6 ans. J’ai appris étape par étape. Et là, j’ai beaucoup appris. C’était une expérience assez originale… avec des loups de mer sibériens.”