
Dimanche soir 10 septembre 2023, aux infos, écoutant le président de l’église évangélique ma’ohi, j’ai failli basculer dans l’étrangeté d’un malaise vagal, mata pōiri.
Il semblait vraiment fâché! Il asséna Sa Vérité avec une violence verbale digne d’un djihadiste. A la journaliste rappelant l’origine popa’a de la religion chrétienne qu’il brandit tel un casse-tête, il affirme quelque chose du genre que l’Evangile donnerait au peuple ma’ohi la même origine que celle des Israéliens… ! Rien que ça!
Bien que… ma’ohi, signifiant “Indigène”, tout autochtone dans son pays est Ma’ohi : le Breton en Bretagne, l’Iroquois en Amérique du Nord, l’Inuit au Danemark, etc. Il semble ignorer que les Juifs ne sont pas tous israéliens, qu’ils attendent toujours le Messie, qu’en Israël vivent aussi des chrétiens et des musulmans.
Selon lui, à Tahiti, avant le système politico-religieux colonial [1] Pomare + missionnaires de la LMS, il n’y avait rien ni personne. Ça alors!… Les sectes exigent en effet de rompre le lien ancestral. Elles persuadent leurs convertis de renier leur famille biologique pour prendre une nouvelle, noble,…
Deux fois à la télé, j’ai loué l’intelligence supérieure de ceux qui, avec la pierre et le bois pour seuls matériaux ont sillonné le plus grand des océans. Je fus traitée de “menteuse” par des croyants affirmant : “Nos tupuna étaient des païens arriérés, ‘etene pōiri ta’ota’o. L’Evangile leur a apporté l’intelligence!”
Une institutrice retraitée, il y a une dizaine d’années, assénait comme 1+1=2 : “Les Tahitiens sont des fainéants. Avec un peu de sang chinois, ils deviennent travailleurs!”
Attribuer à la culture polynésienne l’origine de la souffrance sociale et mentale est fréquent.
Dans ce bain de dévalorisation de ses origines, de sa filiation, le sentier de la conquête de l’estime de soi est bien escarpé.
Religieusement il est affirmé que : berger, mouton, désert, pâturage, loup, serpent, lion, cerf, olivier, cèdre, blé… sont théologiquement ma’ohi… Quant aux pūrau, pua, taro, ‘auhopu, aute, ‘aute, ‘ōuma, anuhe, feo, etc. C’est quoi déjà?
L’on célèbre la mer Rouge coupée en deux par Moïse. On zappe Tafa’i, Maui, Hiro, Rū, Hina et autres ‘aito sans qui ces îles où nous vivons ne seraient pas ma’ohi. Ces exploits ancestraux de navigation sont salués “exceptionnels” par la communauté scientifique internationale en recherche spatiale. À Mahina en 1767, Wallis canonna en miettes cette flotte prestigieuse. Qui de Wallis et des canonnés se comporta en primitif agresseur?
Au lotissement Miri, aujourd’hui, s’affrontent deux conceptions du foncier. D’une part la recherche du profit maximum et d’autre part, l’exigence d’habitants endettés, d’y être fournis durablement en eau. Excellent exemple sur l’impérieuse nécessité d’anticipation dans la gestion des ressources, à lier avec les permis de construire. Il est urgent de cesser d’agir en aveugle, mata pō.
Hélas, notre nouveau président a dévoilé sa conception du bien public en confiant la direction de l’OPH à un adepte du “ma poche d’abord!”
‘Auee! nouveau mata pōiri! Cette nomination annonce la prime à la filouterie.
Nous voici en deuil d’espérance.
‘Ia maita’i quand même”
Simone Ta’ema Grand
[1]Le système colonial repose sur une triple domination : politique, économique et culturelle. (Google). La royauté Pomare-LMS fut une dictature ayant imposé de nouvelles règles en politique, économie et culture. (Code Pōmare.)