Son nom de famille était prédestiné. Pourtant, Olivier Tatu, 39 ans, est suisse. Originaire de Genève, il s’est installé en Polynésie il y a treize ans, après y avoir fait la rencontre de son ex-femme lors d’un voyage en tant que bénévole au sein de l’Église protestante. “Pendant la pandémie et le confinement, elle a commencé à faire des tifaifai grâce à un atelier tenu par des mama à côté de chez nous, à Moorea. En venant donner un coup de main, j’ai découvert que c’était une activité qui me plaisait beaucoup, alors que je n’avais jamais touché à la couture !”, se souvient-il.
Des ouvrages d’art
Minutieux et créatif, Olivier Tatu se découvre “un talent caché” pour ce savoir-faire emblématique. De fil en aiguille, cette formation sur le tas et sur le tard l’amène à réaliser ses propres tifaifai. Du tissu, de la place et de la patience sont nécessaire pour venir à bout de chaque création.
L’artisan réalise ses dessins à main levée, s’inspirant des motifs traditionnels, des tendances et de la nature environnante. “J’apprécie beaucoup le ‘ape monstera parce que la forme des feuilles s’y prête très bien, comme l’hibiscus. J’ai aussi fait des espadons, et j’ai une commande pour un requin. Un tifaifai, c’est comme une œuvre d’art : ça demande un travail de composition. En général, je respecte les règles que les mama de Moorea m’ont enseignées, avec un pliage en deux ou en quatre, et pas plus de deux couleurs. Sinon, c’est du patchwork”.
De gauche à droite : vanille, tiare Tahiti, roses et oiseaux de paradis.
Les délais de réalisation varient selon la complexité des motifs. “En règle générale, pour finaliser un bâti, c’est 3 ou 4 jours. Il m’arrive de coudre à la machine, mais je passe généralement le relais à des mamas qui cousent à la main. On se complète bien : passé un certain âge, faire des bâtis, c’est compliqué, car c’est une étape plutôt physique. Il faut compter entre 20.000 et 25.000 F pour un bâti, à partir de 40.000 F pour un tifaifai cousu à la machine et à partir de 60.000 ou 80.000 F s’il est cousu à la main, car ça prend plusieurs semaines”, explique Olivier Tatu.
Un profil atypique
Sur sa page Facebook Teanuanua Tifaifai, en référence à l’arc-en-ciel de couleurs qui composent sa palette, l’artisan partage quelques-unes de ses créations originales. Et la demande est au rendez-vous. “Je n’arrive pas à les garder très longtemps !”, assure-t-il. Son profil atypique ne manque pas de surprendre ses visiteurs ou ses clients. “La plupart du temps, les gens sont agréablement surpris, car je suis hors cases en tant qu’homme et étranger”. Cela ne l’empêche pas de “charger ses tifaifai en mana”, tant sa passion est vivace.
Olivier Tatu envisage de participer au salon du tifaifai, l’an prochain. D’ici là, il fourmille d’idées. Cette activité a aussi le mérite d’aiguiser la curiosité de ses deux enfants et de ceux du quartier, avec la perspective de poursuivre la chaîne de transmission.