JO 2024 : le comité de pilotage face à la population de Teahupo’o 

Les échanges ont duré quatre heures, entre présentation des chantiers et réponses aux questions des habitants (Photos : ACL/LDT).
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C’était un rendez-vous attendu. Vendredi 15 septembre 2023, la ministre des Sports, Nahema Temarii, et le ministre des Grands Travaux, Jordy Chan, avaient donné rendez-vous à la population de Teahupo’o, en fin de journée, à la salle omnisports.

Accompagnés de plusieurs représentants de la commune de Taiarapu-Ouest, de l’État, de l’IJSPF et de Paris 2024, les représentants du gouvernement ont présenté les projets en lien avec l’organisation des épreuves olympiques de surf, programmées du 27 au 30 juillet 2024 à Teahupo’o et précédées d’une semaine d’entrainement pour les 48 athlètes en lice. Retenu par d’autres obligations, le président du Pays, Moetai Brotherson, n’a finalement pas participé à la rencontre.

Chantiers et accessibilité

Pour cette première entrevue, tant pour le nouveau gouvernement que pour la population de Teahupo’o, il y avait matière à échanger à moins d’un an de l’événement, tandis que Taiarapu-Ouest cumule les chantiers. 

La ministre des Sports a mené la rencontre en commençant par une heure de présentation, des grandes lignes de l’événement aux différentes infrastructures pérennes et temporaires. Des visuels des projets achevés ont été dévoilés, dont celui de la tour des juges.

Un point a également été fait sur l’accessibilité terrestre et maritime durant la période de l’événement. Concernant ces restrictions d’accès (riverains, accrédités, spectateurs munis d’un billet), la représentante du haut-commissaire a indiqué que le dispositif “de sécurité et de fluidité” était en cours de finalisation et que des rencontres spécifiques seront organisées ultérieurement pour informer les habitants concernés.

Un site web et un kiosque d’information

Concernant la communication, deux annonces ont été faites. Des informations sont accessibles en ligne sur la page Facebook Tu’aro Nui et le nouveau site internet foreveryoung.gov.pf. Courant novembre, un kiosque d’information sera implanté au PK 0, en partenariat avec le Service du tourisme et le Comité du tourisme de Taiarapu-Ouest, “pour se renseigner et faire remonter les doléances”.

La parole a ensuite été donnée à la population pendant près de trois heures. Administrés et représentants associatifs ont fait part de leurs interrogations et inquiétudes sur des sujets variés, selon le principe des questions-réponses. 

Difficile de réparer un manque de communication depuis fin 2019, d’autant que la population, outre ses craintes, est aussi force de propositions. Des invitations ont néanmoins été lancées par la ministre des Sports à l’intention des associations de préservation de l’environnement et des habitants pour entretenir ce dialogue sur la durée. Une prochaine réunion publique d’information devrait intervenir début 2024.

Point sur les infrastructures pérennes

  • Reconstruction de la passerelle piétonne du PK 0 : 379 millions de francs (33 % État, 67 % Pays), 16 mois de travaux, livraison avril 2024. Vétuste, l’actuelle passerelle est toujours franchissable, mais soumise à des restrictions d’accès.

  • Réhabilitation de la marina de Teahupo’o : 448 millions de francs (70 % État, 30 % Pays), 14 mois de travaux, livraison mai 2024. Entre autres aménagements, le ponton sera reconstruit et le terre-plein agrandi pour une capacité d’accueil de 56 bateaux, dont ceux des pêcheurs.

  • Réalisation de dalots à la pointe Fare Mahora : 30 millions de francs (100 % Pays), 2 mois de travaux, livraison décembre 2023.
  • Tour des juges : 527 millions de francs (50 % Pays, 50 % État), livraison 31 mars 2024. De la même hauteur que la tour actuelle, elle est 1,50 m plus large de chaque côté. Une convention sera signée pour associer Moana David au montage sur la période des JO.
  • Poteau dans le lagon : situé sous la tour, il est en aluminium (20 cm de diamètre et 3,75 m de hauteur) pour la protection de l’extrémité des réseaux (courants, fibre, adduction en eau potable et évacuation des eaux usées). Trois options ont été présentées : maintien en l’état, habillage à thème ou retrait avec un surcoût de 8 millions de francs. Les avis exprimés lors de la réunion ont penché en faveur du retrait.
  • Aménagement de la pointe Riri à Toahotu : 1,290 milliards de francs (100 % État), 17 mois de travaux, livraison juin 2024. La marina sera refaite avec 28 emplacements bateaux. Une zone pour les pêcheurs et pour les rameurs sera créée, ainsi qu’un parc avec divers équipements. Un parking est prévu et la lagune sera réaménagée.

  • S’ajoutent l’assainissement non-collectif des eaux usées (Tereheamanu), la distribution en eau potable (Taiarapu-Ouest) et l’acheminement de la fibre

Point sur les infrastructures temporaires

  • Location de l’Aranui pour l’hébergement des athlètes : 446 millions de francs, ancrage dans une zone sablonneuse, au mouillage dans la baie de Vairao du 17 juillet au 8 août 2024. Quatre délégations ont signé une décharge pour se loger ailleurs.
  • Viabilisation du domaine Rose : 300 millions de francs (37 % État, 63 % Pays), livraison janvier 2024 et pour les aménagements temporaires de Paris 2024 d’ici avril. Le site accueillera le centre des médias, le centre et la restauration des volontaires, la régie TV, etc. Alertée sur la suppression d’arbres centenaires, la ministre des Sports a indiqué que d’autres arbres seraient plantés et que ses équipes seraient sensibilisées sur le sujet : “Il ne faut plus que ça se reproduise”. Si la restitution de la tarodière d’origine à l’issue des Jeux semble compromise au vu du coût des travaux de viabilisation, des projets seront envisagés en concertation avec la population.
  • Base de vie des athlètes : location de terrains privés sur 3000 m2 pendant 4 mois et mise à disposition de chapiteaux pour 60 millions de francs par Paris 2024 (actuel emplacement des cérémonie de la WSL) pour accueillir un espace de repos, une salle de sport, un restaurant, un poste médical, le contrôle anti-dopage, la salle de préparation des planches, etc.
  • Pontons flottants : à la pointe Fare Mahora, point de départ des athlètes et zone médias pour les interviews (pontons flottants financés par le Pays et les tentes par Paris 2024).
  • Plage du PK 0 : de juillet à mi-aout 2024, zone spectateurs, aménagements temporaires réalisés par Paris 2024.

Quelques questions-réponses

  • La part de l’État ou de Paris 2024 n’aurait-elle pas pu être plus importante dans les investissements ? Pour Paris 2024, le budget en Polynésie s’élève à 1,4 milliards de francs (sécurité privée, alimentation, hébergements, prestataires nautiques, etc.).
  • Pour l’assainissement, pourquoi cibler les maisons individuelles au lieu des rejets non-traités de la ferme Aquapac ? L’entreprise a été mise en demeure par le Pays pour se mettre en conformité avant la fin de l’année.
  • Comment s’assurer que les travaux seront menés dans le respect de l’environnement ? Pourquoi le ministère concerné est-il absent ? Pour la tour des juges, les coraux seront évités ou déplacés, et les travaux seront surveillés en se basant sur une notice d’impact environnemental.
  • Quid du public pour assister à cet événement populaire par excellence ? Il n’y aura pas de public sur la tour. Des fan-zones sont prévues au PK 0 (avec écran géant et rencontre avec les athlètes), à Papara et à Papeete. Quelques bateaux sont prévus pour effectuer des rotations pour le public. Une billetterie gratuite sera mise en place.
  • Pourquoi pas des toilettes sèches et des panneaux solaires sur la tour, conformément aux ambitions écologiques du COJO ? Les réseaux tirés du littoral vers la tour comprenne en premier lieu le câble nécessaire à la retransmission de l’événement, comme le fait chaque année la WSL. Ils seront protégés par une coque en fonte articulée de 15 à 20 cm de diamètre qui s’enfouira naturellement dans le sable. La surface de toiture de la tour est insuffisante pour la production nécessaire d’énergie solaire. Seule la salle de stockage du matériel informatique sera climatisée.
  • Dans quel état va être la servitude du domaine Rose avec le va-et-vient des camions ? La proposition de procéder à un constat d’huissier a été faite pour une remise en état de la servitude à l’issue des travaux en cas de dégradation.
  • Plusieurs sollicitations en matière d’héritage à l’intention de la jeunesse ont également été formulées.

Astrid Drollet, résidente du Fenua ‘Aihere et secrétaire de l’association Vai Ara O Teahupo’o :

“On regrette que ces échanges interviennent aussi tard”

“On est venus par rapport aux enjeux environnementaux. On reste inquiets, car on espérait que suite à nos courriers, des modifications auraient été engagées et annoncées ce soir. On a été invités à travailler avec eux, mais comment et pour faire quoi ? (…) Pour la tour des juges, on n’est pas du tout d’accord avec le système de réseau sous-marin. On pense que par rapport au vœu pieux du COJO, ils auraient pu faire un effort ! Pareil pour le poteau de 4 mètres. On ne veut pas de cet héritage dans le lagon. On a du mal à croire que les coraux vont tous être contournés. On regrette que ces échanges interviennent aussi tard et on reste vigilants car, globalement, ce qui nous inquiète, c’est le suivi des chantiers”.

Nahema Temarii, ministre des Sports :

“On va continuer à œuvrer pour la transparence”

“Je pense que c’est dans l’opposition qu’on enrichit la vision. On ressort avec un premier objectif atteint : expliquer et montrer comment ça va se passer et combien ça va coûter. Derrière on va enchainer avec une tournée informative à destination des pouvoirs publics, avec une présentation au Congrès des communes, à l’Assemblée territoriale et lors d’une émission à Polynésie la 1ère pour informer toute la population, après avoir commencé par Teahupo’o (…). On va associer les associations de défense de l’environnement et si possible une structure qui représente les résidents de Teahupo’o dans leur ensemble à des réunions de travail, les premières étant les présentations techniques que j’ai demandées en urgence pour approfondir ce qui a été vu ce soir. On va continuer à œuvrer pour la transparence, car demain, c’est aussi et surtout la population de Teahupo’o qui accueille ces Jeux”.

Barbara Martins-Nio, représentante de Paris 2024 :

“On est aussi venus écouter”

“On est ravi de cette rencontre, parce qu’on a fait des réunions publiques sur les volontaires et l’hébergement, et c’était une demande de notre part d’être réunis tous ensemble pour parler d’une seule voix. On est aussi venus écouter. On a des positionnements qui s’opposent dans la population, entre une préservation totale et une demande d’héritage. C’est la grande difficulté et la valeur de ce type de réunion. Il y a aussi des questions auxquelles on n’était pas en capacité de répondre, donc on doit travailler sur ces sujets pour apporter des réponses plus précises. D’où l’intérêt de programmer ce genre de rencontre régulièrement, d’autant que le plus grand enjeu en Polynésie, c’est l’acceptation des Jeux, qui passe par le dialogue et la transparence”.