
Après la cérémonie et les discours d’ouverture du 32ème congrès des communes, l’après-midi du mardi 19 septembre 2023 a été consacré à des échanges directs entre le président du Pays, toujours accompagné de ses ministres, et les maires des cinq archipels réunis à l’école de Teahupo’o.
Questions diverses
Moetai Brotherson a présenté le concept sur-mesure des Fare Ora en cours de déploiement sur le territoire, en partenariat avec les communes. Il s’agit à la fois de faciliter l’accès aux administrations du Pays et de promouvoir des habitudes de vie saines. Une équipe dédiée était présente sur place pour répondre aux interrogations des élus municipaux sur le fonctionnement de ce nouveau dispositif.
Il a également été question de la part du chef de l’exécutif de faire évoluer la Délégation pour le Développement des Communes (DDC) “pour qu’elle devienne assez rapidement un outil d’aide à la conception et au conseil des politiques publiques, notamment pour les archipels, pour que les projets communaux soient en phase avec les secteurs identifiés comme prioritaires par le gouvernement : tourisme, secteur primaire, transition énergétique, transition numérique et audiovisuelle”.
Cette première partie des échanges a permis d’ouvrir les débats sur différentes perspectives pour les tavana, qui sont “les plus près de la bise et de la baffe”, comme l’a souligné le président du Pays, c’est-à-dire en première ligne face à la population.
Quelles solutions pour les îles non raccordées à internet ? Comment assurer l’entretien des abris de survie aux Tuamotu sur le long terme ? Est-ce que le Pays est prêt à mettre à disposition davantage de terres aux agriculteurs pour favoriser le développement du secteur primaire ? Comment optimiser l’acquisition de citernes à eau pour les administrés des Tuamotu ? Est-il possible d’associer les maires à l’élaboration du budget du Pays ? Voici un aperçu des questions qui ont été posées par les tavana, auxquelles Moetai Brotherson a apporté des éléments de réponse.


Optimiser le traitement des déchets
Sans transition, le débat s’est ensuite focalisé sur une présentation dédiée au projet de reprise du traitement des déchets par le Pays. Le président de la Polynésie a précisé qu’il ne s’agissait pas de la collecte, mais bien du volet du traitement, qui pâtit “d’un manque d’ingénierie, d’une production de déchets insuffisante à l’échelle individuelle des communes et de difficultés de financement”.
Il a été proposé aux maires de donner un accord de principe par le biais d’un formulaire avant la fin du congrès. Les résultats de cette consultation seront annoncés vendredi 22 septembre, lors de la cérémonie de clôture. Si les élus communaux y sont majoritairement favorables, une évaluation des conséquences, notamment en termes de finances et de ressources humaines, sera menée, puis des travaux législatifs seront engagés.
Concernant les solutions techniques, Moetai Brotherson a convié le SPC et les élus volontaires à plusieurs visites à Narbonne, au Maroc et en Guadeloupe entre janvier et septembre 2024 pour mesurer le potentiel d’une usine de traitement des déchets SMO Solar Process, source d’énergies (électricité, charbon actif, hydrogène). Si elle était implantée à Tahiti, elle pourrait alimenter en carburant les bateaux en charge de la collecte dans les îles, a-t-il été cité en exemple quant à cette piste de solution. Il a été précisé que ce projet se ferait en co-construction avec les élus et que l’adhésion des communes ne serait pas contrainte.
Outre l’avenir du syndicat Fenua Ma pour les communes adhérentes de Tahiti et Moorea, cette perspective a aussi soulevé une interrogation majeure chez les maires : “Qu’est-ce qu’on va y gagner : est-ce qu’on paiera plus ou moins cher qu’aujourd’hui ?”.
Moetai Brotherson, président de la Polynésie française :
“Un processus de co-construction pour une solution durable”

“Il s’agissait d’exposer aux tavana la politique qui est la nôtre et nos intentions, et leur réexpliquer également que nous sommes agnostiques politiquement puisque nous recevons les élus quelle que soit leur couleur politique, car ce n’est pas le sujet.
A l’issue de la présentation sur le traitement des déchets, il y a beaucoup de questions et c’était le but de susciter le débat et de lever les interrogations. Certains avaient le sentiment qu’on voulait les enchainer dans un processus immédiat et irréversible. On leur a expliqué qu’il s’agissait au contraire d’un processus de co-construction et de concertation, donc je suis plutôt satisfait de la séquence de cet après-midi.
Au final, ce qui importe, ce sont les Polynésiens. Aujourd’hui, on se rend compte que le service rendu n’est pas bon en matière de traitement des déchets. On se contente pour le moment d’enfouir de manière un peu sauvage ou dans des centres d’enfouissement techniques, qui quand ils seront plein appelleront d’autres centres, donc ce n’est pas une solution durable et pérenne”.
Jules Ienfa, adjoint au maire de Papeete et président de Fenua Ma :
“Pour se positionner, il nous faut des précisions”

“Ce projet de reprise du traitement des déchets par le Pays, sur le principe, je pense que c’est quelque chose de bien, encore faut-il qu’on puisse en savoir plus. Est-ce que le Pays va assumer les charges et y mettre les moyens, ou est-ce que les communes vont devoir apporter une contribution financière ? Pour qu’on puisse se positionner, il nous faut des précisions.
Fenua Ma est un bon outil mis en place il y a une trentaine d’années, sous le nom de la SEP. Tant qu’on pourra travailler, on le fera. Et nous sommes prêts depuis un bon moment à participer à cette réflexion. Mais on ne travaille que pour les Îles du Vent, or le problème du traitement des déchets doit intéresser l’ensemble de la Polynésie.
C’est pour ça que j’ai proposé une solution rapide. Plutôt que d’attendre la fin du travail législatif pour aboutir peut-être à la restitution de cette compétence au Pays en 2025 ou 2026, il y a la TEAP, Taxe Environnement Agriculture Pêche, qui a été créée en 2002 pour initialement aider les communes dans la gestion des déchets. Si le gouvernement veut nous aider financièrement dès maintenant, il y a cet outil qui est disponible. Car c’est un fait : aucune commune de Polynésie n’arrive à équilibrer son budget des déchets”.
Narii Tuanainai, maire de Rapa :
“En attendant, il faut trouver d’autres solutions”

“Je suis venu écouter les propositions en matière de transition écologique. Comme ça a été dit, ce n’est pas une option : c’est devenu incontournable d’intégrer cette dimension dans nos projets.
Chez nous, nous avons un CET depuis très longtemps. Nous avons la possibilité de nous étendre sur quatre casiers supplémentaires. Notre atout, c’est que nous produisons moins de déchets qu’à Tahiti, car nous sommes éloignés de la société de consommation. Deux fois par an, les déchets relevant du tri sont rapatriés à Tahiti auprès de Fenua Ma et cette prise en charge pèse sur notre budget communal. D’autres catégories de déchets sont prises en charge par la Direction de l’environnement.
Mon avis sur la proposition du président du Pays, c’est qu’il a raison de chercher une proposition définitive. Mais en attendant, il faut trouver d’autres solutions, qui existent, à condition que le territoire fasse le nécessaire sur le plan financier”.