Quatrième et dernier jour de congrès à Teahupo’o, vendredi 22 septembre 2023. La journée a débuté par des travaux en groupe, sur la base d’une méthodologie de projet inédite à l’échelle de ce rendez-vous annuel.
Monter et défendre un projet
“Cette matinée, c’est l’aboutissement du congrès, où il y a eu divers ateliers et visites qui ont permis de sensibiliser les élus sur la thématique de la transition écologique, en présence d’experts. Grâce à toutes ces informations, ils ont eu pour mission de créer un projet qu’ils souhaiteraient réaliser entre communes ou archipels, avec des objectifs, des actions et des financements. Cette semaine, beaucoup de travaux ont été faits autour des domaines de l’aménagement, de l’alimentation durable et de la préservation de la ressource en eau”, explique Robin Gandon, ingénieur chef de projet au département eau potable du Syndicat pour la Promotion des Communes de Polynésie française (SPCPF).
Chaque groupe a ensuite exposé ses axes de réflexion lors d’une restitution partagée, à l’issue de laquelle les participants ont pu interroger les porteurs de projet.
En seconde partie de matinée, les maires de sept communes ont signé une lettre d’intention avec la vice-présidente Éliane Tevahitua et la ministre de la Fonction publique, Vannina Crolas, en faveur de l’installation de nouveaux Fare Ora. Il s’agit de Arutua, Rangiroa et Tureia aux Tuamotu, Rapa et Tubuai aux Australes, Tahuata aux Marquises, et Huahine aux Îles Sous-le-Vent.
Traitement des déchets : 38 voix pour et 1 contre
Comme annoncé mardi, les résultats de la consultation quant au projet de reprise de la compétence du traitement des déchets par le Pays ont été dévoilés. A la question “Acceptez-vous que le Pays commence des travaux d’analyse pour évaluer ensemble les conséquences techniques, financières et juridiques d’une reprise de la compétence de traitement des déchets ?”, les 48 communes et 2 intercommunalités consultées ont répondu quasi unanimement en faveur de cette perspective, avec 38 oui et 1 non, sans identifier la commune opposée, le vote étant anonyme. Parmi les commentaires associés à cette consultation, il a notamment été souligné “d’éviter les incidences sur les dotations communales”.
“Aux Marquises, nous sommes soucieux de préserver la qualité de vie et l’authenticité des paysages. Avec l’inscription au patrimoine de l’UNESCO, c’est important pour nous de définir des orientations urgentes”, nous a confié le maire de Tahuata, Félix Barsinas. “Je suis favorable à ce que la compétence soit transférée au territoire. On demande aussi le soutien du Pays concernant les déchets encombrants ou les carcasses de voitures, car les frais d’évacuation nous coûtent des millions. Pour les petites communes éloignées, ce n’est pas négligeable”, remarque l’élu, également vice-président en charge de la gestion des déchets au sein de la communauté de communes des îles Marquises.
Dans le même registre, la vice-présidente de la Polynésie française a annoncé que les maires seraient consultés “dans les prochains jours” sur le “schéma territorial de prévention et de gestion des déchets attendu depuis tant d’années”. Ce dernier a pour objectif d’organiser “la production, la valorisation et la prévention” des déchets.
Cap sur Tubuai en 2024 ?
C’est un bilan numérique qui a été proposé aux élus. Ces derniers ont été invités à répondre à plusieurs questions via une application sur leur smartphone, afin de faire ressortir instantanément les réponses les plus populaires sur écran géant. Les principales thématiques sollicitées par les tavana pour la prochaine édition du congrès des communes, qui devrait se tenir à Tubuai, sont par ordre de priorité : l’agriculture, l’assainissement et l’évolution institutionnelle.
En l’absence du président du Pays, c’est la vice-présidente qui a pris la parole pour les discours de clôture, suivie de la sénatrice Lana Tetuanui et du président du SPCPF, Cyril Tetuanui.
Ils ont déclaré lors des discours…
Éliane Tevahitua, vice-présidente de la Polynésie française : “Avec la colonisation et l’occidentalisation de nos modes de vie, notre vision de la nature a radicalement changé. La nature n’est plus sacrée pour notre peuple. (…) En nous acharnant à détruire la nature comme nous le faisons, c’est en réalité nous-mêmes que nous détruisons avec le même acharnement. Je me dis que si nous pouvions éduquer note peuple et renouer avec la vision ancestrale ma’ohi de la nature, où chaque être vivant est une partie prenante et indissociable de cette même nature, le peuple ma’ohi serait plus respectueux de son propre environnement et de lui-même. (…) Éduquer, transmettre et léguer, c’est ce leitmotiv qui anime l’action du ministère de l’environnement dont j’ai la charge. Mais cela n’est plus suffisant : il y a urgence. Nous avons le devoir, vous avez le devoir d’agir en responsabilité, maintenant”.
Cyril Tetuanui, président du SPCPF : “Président a dit qu’il faut être pragmatique. Moi, je dis que le meilleur des laboratoires avant l’expérimentation, c’est le congrès. Les meilleurs des chercheurs, c’est vous, les tavana, qui êtes tous les jours sur le terrain des recherches. (…) Les idées et l’innovation peuvent et doivent partir de la base. La base, c’est la population et ce sont les élus. Sans l’adhésion de nos populations, aucune des solutions envisagées ici ne verra le jour”.
Lana Tetuanui, sénatrice de la Polynésie française : “Les frais de mission des fonctionnaires d’État viennent d’être revalorisés, alors il faut aussi le faire pour les élus qui partent en mission, pas que pour le personnel. Il y a un autre sujet qui me tient à cœur : la retraite des élus. La loi a été votée pour les élus qui sont en France, donc la question qu’on va aller poser, c’est qu’elle soit étendue aux élus de la Polynésie française. Certains œuvrent pendant 40 ans dans une même commune… Voilà un combat qu’on va porter pour un traitement d’égalité, bien sûr à adapter à notre système”.
Cyril Tetuanui, président du SPCPF :
“On ne ressent pas la divergence des partis politiques”
Quel bilan dressez-vous de ce congrès, le premier depuis le changement de gouvernement ?
“Depuis le début de la semaine, l’ambiance a été bonne. C’est une réussite, en présence de la nouvelle équipe gouvernementale et des tavana, qui sont là et qui s’expriment. Ça fait chaud au cœur ! On ne ressent pas la divergence des partis politiques. Entre nous, au congrès, c’est la neutralité et la solidarité qui priment”.
Avez-vous des annonces à formuler ?
“Non. Mardi, le Pays a lancé l’information sur le projet de reprise du traitement des déchets, et la vice-présidente a confirmé aujourd’hui cette volonté, qui a été accueillie favorablement par les maires. C’est un sujet important en matière de transition écologique”.
De nombreuses idées et informations ont été partagées durant ces quatre jours. Quelle suite allez-vous y donner ?
“Nous allons travailler avec le Pays pour accompagner les projets des communes, notamment en matière de recherches de financement. Les techniciens du SPC seront toujours là pour accompagner ceux qui en ont besoin”.
Vai Vianello Gooding, maire des Gambier :
“Se battre pour ses projets et bien les ficeler”
“Je repars dans ma commune pour partager tout ce que j’ai entendu et appris dans ce congrès. Il faut qu’on se prépare parce que des thématiques importantes nous attendent, comme l’eau : nous allons commencer des travaux l’année prochaine pour changer dans un premier temps toute la canalisation d’eau dans le village, puis certains équipements au forage, avec des recherches de puits dans les années à venir. L’eau n’est pas potable, mais on n’a pas de boue au robinet. L’archipel compte 1.600 habitants, et environ 420 foyers sont connectés sur le réseau d’eau.
En tant que maires, nous avons tous plein de projets : ce qui coince, comme toujours, ce sont les finances. La solution, c’est de se battre pour ses projets et bien les ficeler avant de les déposer au niveau des bailleurs de fonds, comme le Pays et l’État, sans oublier de bien préparer la part de la commune”.
Teva Rohfritsch, sénateur de la Polynésie française :
“Aller de l’avant et entrer dans un processus plus opérationnel”
“Cette formule de congrès est très importante, parce qu’elle permet aux maires de se réunir et de débattre de leurs projets à eux et de réagir par rapport aux propositions du gouvernement (…). Je pense que le président a fait une proposition intéressante sur le traitement des déchets, maintenant il faut aller de l’avant, c’est-à-dire entrer dans un processus plus opérationnel pour savoir comment et à quel coût cela pourrait se faire. Pour pouvoir assurer cette transition, il faut pouvoir entrer dans le détail. J’invite le Pays à ne pas attendre d’entrer dans un transfert pour étudier les conditions de ce transfert.
Aujourd’hui, des positions intéressantes ont été émises, notamment par les Tuamotu, qui ont suggéré d’aller regarder auprès des entreprises qui produisent ces futurs déchets pour voir s’il n’y a pas une contribution possible en termes de fiscalité. D’autres ont évoqué ces goélettes qui partent avec du fret vers les îles et qui reviennent à vide, via des conventions de transport. Il y a un foisonnement d’idées ici, et j’ai vu que les représentants du gouvernement prenaient des notes : c’est tout l’intérêt de ce séminaire”.