
L’homme de 33 ans était jugé en comparution immédiate différée cette semaine pour corruption passive. Malgré un salaire confortable, le gardien avait demandé de l’argent à plusieurs détenus pour assumer son généreux train de vie. En échange, le gardien aurait fermé les yeux sur les agissements des repris de justice, notamment en laissant l’un d’entre eux utiliser un téléphone portable. Il a été condamné à quatre ans de prison, dont un an avec sursis.
Des détenus qui dénoncent un gardien
Des détenus qui dénoncent un gardien, c’est ainsi que commence l’affaire pour laquelle on juge un agent pénitentiaire de Nuutania pour corruption passive, sollicitation ou acceptation d’avantages. Entre octobre 2021 et mars 2023, trois détenus ont signalé les agissements du jeune homme, pourtant décrit comme l’un des gardiens les plus sévères de la prison. Alors qu’il dispose d’un salaire confortable de 540 000 francs par mois, l’homme vit largement au-dessus de ses moyens et a besoin d’argent. Il sollicite et obtient plusieurs emprunts bancaires, l’un rembourse l’autre, pour un total de douze millions de francs, mais cela ne lui suffit pas. Le gardien a alors l’idée de demander des prêts à des détenus. Il ne les choisit pas au hasard. Il cible de gros dealers d’ice car selon lui, “Ils ont de l’argent“.
Au bout du fil, le détenu en direct de sa cellule pour les négociations
Signe d’un manque de jugeote évident, il fait parfois ses demandes aux détenus par écrit. Il a besoin de 1,5 million de francs pour pouvoir partir en métropole passer une formation, dit-il. Si les deux premiers détenus refusent, le troisième se montre ouvert à la discussion. Il faut dire que le gardien lui met la pression, car il a surpris le dealer incarcéré avec un téléphone portable. Pendant plusieurs semaines, le gardien ne signale pas la présence du vini dans la cellule du détenu à sa hiérarchie. En contrepartie de ce silence, les deux hommes se mettent d’accord sur le versement d’une somme de 500 000 francs. Le détenu envoie alors “deux de ses gars” au domicile du gardien. À la nuit tombée, l’un descend du véhicule avec du cash, l’autre filme la scène de l’intérieur de la voiture. Seulement, il n’y a que 80 000 francs. S’ensuit alors une scène improbable, où le gardien se retrouve face à deux hommes de main qui lui tendent un téléphone, avec au bout du fil, le détenu en direct de sa cellule pour que les négociations financières reprennent. Selon le gardien, les deux hommes repartent pour aller chercher l’argent manquant, mais ne reviennent jamais.
Difficilement crédible
Pour justifier ses demandes de prêt, le gardien explique : “J’étais dans une situation difficile”. Si l’homme évoque un divorce compliqué, un enfant à charge d’un autre lit auquel son avocate ajoute un burnout et une incapacité à gérer un budget, c’est surtout son train de vie qui pose problème, notamment de nombreux voyages aux États-Unis ou en Nouvelle-Calédonie, parfois en business.
Le président du tribunal lui fait remarquer qu’il est difficilement crédible, eu égard au fait qu’il ment à de nombreuses reprises tout au long de la procédure. Il commence par tout nier en bloc, avant d’admettre petit à petit les faits à chaque fois qu’il est pris la main dans le bocal à bobards, notamment lors des confrontations avec les détenus dont il espérait de l’argent. Il ira même jusqu’à contacter le fils d’un d’entre eux, et à lui mentir à lui aussi, indiquant que son père est d’accord pour un prêt de 1,5 million, là encore c’est un échec.
Il “avait toujours besoin d’argent”
Parmi les autres éléments qui ont conduit à sa mise en examen, un rapport d’incident, concernant un des détenus soudoyés, est retrouvé à son domicile, comme si le gardien avait voulu camoufler la procédure à sa direction. S’il n’y a pas d’éléments concrets, au final, sur les avantages ou l’argent qu’aurait pu toucher le gardien. D’autres détenus entendus n’ont pas été surpris de l’affaire car beaucoup avaient entendu parler de ce gardien, qui selon certains “avait toujours besoin d’argent”.
Questionné par le président du tribunal sur ces agissements, le prévenu se contente de répondre tout au long de l’audience qu’il était “dans le déni” […] J’ai fait n’importe quoi, c’est inadmissible“.
Mise en péril de l’institution
Avant ses réquisitions, le procureur interroge le prévenu qui donne parfois, selon lui, l’impression de ne pas avoir pris conscience de la gravité de ses actes. Argent perçu ou pas, il a bien procuré un avantage à un détenu en ne signalant pas à ses supérieurs la présence de ce téléphone portable. Selon le ministère public, il a ainsi “mis en péril l’institution qu’il représente“. Il requiert une lourde peine, quatre ans de prison, dont trois ans ferme.
Pour l’avocate du gardien, c’est très sévère. En effet, selon elle, le gardien n’a retiré aucun avantage de ces discussions quand bien même douteuses. Il n’a pas fait rentrer de drogue ou de téléphone dans la prison, n’a pas touché d’argent, il n’y a donc pas eu de contreparties à son silence. Elle insinue alors que certains des détenus ont peut-être dénoncé le gardien pour obtenir des remises de peine.
Après s’être excusé auprès de sa famille et du directeur de Nuutania venu assister au procès, l’homme, qui n’a pas encore été officiellement sanctionné administrativement, est condamné à quatre ans de prison. Il lui est logiquement désormais interdit d’exercer un emploi dans la fonction publique.
YP