A Gaza, des milliers de Palestiniens fuient après l’appel d’Israël à évacuer

Cette vue aérienne montre une maison touchée par une roquette tirée depuis la bande de Gaza, à Ashkelon, le 13 octobre 2023. - Des milliers de personnes, Israéliennes et Palestiniennes, sont mortes depuis le 7 octobre 2023, après que des militants palestiniens du Hamas sont entrés par surprise en Israël. attaque conduisant Israël à déclarer la guerre au Hamas dans la bande de Gaza, le 8 octobre. (Photo de Jack GUEZ / AFP)
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Plusieurs milliers de Palestiniens ont fui vendredi à travers les rues dévastées de la ville de Gaza, espérant trouver refuge plus au sud après un appel aux civils lancé par Israël, qui se prépare à une offensive terrestre en représailles à l’attaque sanglante lancée par le Hamas.

L’armée israélienne a annoncé avoir mené des incursions au sol “dans les dernières 24 heures” dans la bande de Gaza, au septième jour de la guerre déclenchée le 7 octobre par l’attaque d’une ampleur sans précédent du mouvement islamiste palestinien, qui a déjà fait des milliers de morts. Le Hamas a enlevé 150 otages qu’il a menacé d’exécuter.

Au moins 1.300 Israéliens, pour la plupart des civils, ont été tués depuis l’attaque, qui a traumatisé Israël où elle est comparée aux attentats du 11 septembre 2001.

Près de 1.800 Palestiniens, dont 583 enfants, parmi lesquels de nombreux civils, selon les autorités locales, sont morts dans la bande de Gaza, un petit territoire pauvre coincé entre Israël, la Méditerranée et l’Egypte, en état de siège et pilonné sans répit par les frappes israéliennes lancées en riposte.

Le Hamas, classé organisation terroriste par les Etats-Unis et l’Union européenne, qui a pris le pouvoir en 2007 dans la bande de Gaza, a annoncé vendredi que 13 otages, “dont des étrangers”, avaient été tués dans des frappes israéliennes.

Le groupe islamiste, qu’Israël a juré “d’anéantir”, avait déjà annoncé que quatre otages avaient été tués dans les bombardements. Cette situation rend encore plus compliquée toute offensive terrestre, une perspective terrifiante de combats au cœur d’une ville à l’extrême densité de population, au sous-sol parsemé de souterrains.

Un “bouclier”

La ministre allemande des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, en visite vendredi à Jérusalem, a affirmé que le Hamas utilisait la population comme un “bouclier”.

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a appelé les autorités israéliennes “à éviter une catastrophe humanitaire”, après l’ordre d’évacuation qui concerne environ 1,1 million d’habitants du nord de la bande de Gaza, sur un total de 2,4 millions.

Le chef de la diplomatie américaine Antony Blinken a appelé Israël à minimiser les pertes civiles.

La tension est vive aussi à la frontière nord d’Israël avec le Liban, où les échanges de tirs sont fréquents entre l’armée et le Hezbollah pro-iranien, allié du Hamas.

Un journaliste vidéo de Reuters a été tué et six autres journalistes de l’AFP, de Reuters et d’Al-Jazeera ont été blessés vendredi en couvrant la situation dans le sud du Liban, ont annoncé les trois médias.

Des milliers de personnes ont manifesté vendredi à Beyrouth, en Irak, en Iran, en Jordanie et à Bahreïn en soutien aux Palestiniens.

En Cisjordanie, autre territoire palestinien occupé par Israël depuis 1967, au moins neuf Palestiniens ont été tués dans des affrontements avec les forces israéliennes pendant des rassemblements en solidarité avec la bande de Gaza, selon le ministère palestinien de la Santé.

Le 7 octobre à l’aube, en plein Shabbat, le repos juif hebdomadaire, des centaines de combattants du Hamas avaient infiltré Israël à bord de véhicules, par les airs et la mer, depuis la bande de Gaza.

Dans les rues, dans les maisons, ils ont tué plus d’un millier de civils, semant la terreur sous un déluge de roquettes lors de cette attaque d’une ampleur et d’une violence inédite depuis la création d’Israël en 1948. Environ 270 personnes, d’après les autorités, ont été tués par des combattants islamistes qui ont fait irruption dans un festival de musique.

Yossi Landau, qui travaille depuis 33 ans pour l’ONG Zaka, spécialisée dans la recherche des corps, a été témoin d’une scène d’horreur à Beeri, une localité où une centaine de personnes ont été tuées. Il a vu une femme, le ventre “déchiré, où se trouvait un bébé, encore relié par le cordon, poignardé”.

Le Hamas a enlevé plusieurs dizaines d’otages israéliens, étrangers et binationaux, de tous âges. Après l’attaque, les autorités israéliennes avaient recensé 150 otages, alors que des centaines de personnes sont portées disparues et des corps en cours d’identification.

Après l’attaque, l’armée israélienne a affirmé avoir récupéré les corps de 1.500 combattants palestiniens.

Israël a riposté en déclarant une guerre pour détruire le Hamas, pilonnant la bande de Gaza et déployant des dizaines de milliers de soldats autour du territoire, dans le sud du pays, et à la frontière libanaise.

Fuir, par tous les moyens

Vendredi matin, des centaines de roquettes ont de nouveau été tirées de Gaza vers le territoire israélien, selon une journaliste de l’AFP.

L’armée israélienne a appelé tous les civils de la ville de Gaza à “évacuer leurs domiciles vers le sud, pour leur propre sécurité”.

Par milliers, portant leurs baluchons, ils ont fui par tous les moyens, à pied, entassés sur des remorques, sur des charrettes, à moto, en voiture, à travers les rues jonchées de gravats, bordées d’immeubles en ruines.

Ici, un enfant garde serré dans sa main son oreiller. Là, une femme a rassemblé tout ce qu’elle a pu sauver dans un sac qu’elle porte à l’épaule.

Des flots de civils ont quitté le nord de ce territoire de 362 kilomètres carrés pour essayer de trouver refuge dans le sud de la bande de Gaza, soumise à un blocus israélien terrestre, aérien et maritime depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007, et dont l’Egypte contrôle la seule ouverture sur le monde, le point de passage de Rafah.

Dans la ville de Gaza, des tracts en arabe, largués par des drones israéliens, appellent les habitants à quitter “immédiatement leurs maisons”. Le Hamas a rejeté l’appel à évacuer.

“Conséquences humanitaires”

La bande de Gaza est désormais privée d’approvisionnement en eau, en électricité et en nourriture, coupés par Israël. Le fracas des explosions, des drones et autres déflagrations y est incessant.

L’armée israélienne a indiqué avoir visé dans la nuit 750 “cibles militaires” alors que des “frappes massives” ont touché le grand camp de réfugiés d’Al-Shati à Gaza, selon des journalistes de l’AFP.

“Jusqu’à quand va-t-on vivre sous les bombes avec la mort partout?”, lance Oum Hossam, 29 ans, les joure couvertes de larmes, qui cherche un refuge avec ses quatre enfants après la destruction de sa maison.

D’autres habitants refusent de partir, faute de moyens ou pour ne pas céder: “L’ennemi veut nous terroriser et nous forcer à l’exil, mais on résistera”, affirme Abou Azzam.

Le Premier ministre palestinien, Mohammed Shtayyeh, a accusé vendredi Israël de commettre un “génocide” à Gaza.

Tout ce qui se passe à Gaza est de la responsabilité du Hamas”, a déclaré de son côté à l’AFP une porte-parole du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, Tal Heinrich.

Le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, en visite à Tel-Aviv vendredi, a estimé que les combattants du Hamas avaient porté le “mal à un autre niveau” que les jihadistes du groupe Etat islamique.

“L’Europe est aux côtés d’Israël”, a aussi affirmé vendredi la présidente de la Commission européenne à Benjamin Netanyahu.

Le roi Abdallah II de Jordanie a mis en garde contre “toute tentative de déplacer les Palestiniens”, soulignant que le conflit “ne devait pas se propager aux pays voisins”.

Plus de 423.000 Palestiniens ont déjà dû quitter leur domicile dans la bande de Gaza pour fuir les bombardements, selon l’ONU, qui a lancé un appel d’urgence aux dons.

Le président palestinien, Mahmoud Abbas, a assimilé un tel “déplacement” à une “deuxième Nakba” (“Catastrophe”, en arabe), le nom donné à la fuite de quelque 760.000 Palestiniens à la création de l’Etat d’Israël.

Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir vendredi pour aborder la situation à Gaza.

bur-sg/vl © Agence France-Presse