Enseignant tué dans un lycée: La France passe en alerte “urgence attentat”

Des policiers français du service médico-légal se tiennent devant le lycée Gambetta à Arras, dans le nord-est de la France, le 13 octobre 2023, après qu'un enseignant a été tué et deux autres personnes grièvement blessées lors d'une attaque au couteau, ont déclaré la police et les responsables régionaux. - L'auteur a été arrêté par la police, a écrit le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin sur X, anciennement Twitter. (Photo de Ludovic MARIN/PISCINE/AFP)
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La France passe en alerte “urgence attentat” après l’attaque au couteau à Arras, dans le Nord du pays, où un enseignant a été tué et deux personnes gravement blessées, sur fond de crainte d’importation du conflit entre Israël et le Hamas, ont indiqué vendredi soir à l’AFP les services de la Première ministre.

La Première ministre Elisabeth Borne “a décidé de rehausser la posture Vigipirate au niveau urgence attentat”, ont indiqué ses services, après une réunion de sécurité à l’Elysée autour du président Emmanuel Macron. Le niveau “urgence attentat” peut être mis en place à la suite immédiate d’un attentat ou si un groupe terroriste identifié et non localisé entre en action.

Un enseignant tué, deux blessés graves

Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, un autre enseignant Dominique Bernard a été poignardé à mort lors d’un attentat islamiste vendredi dans un collège-lycée d’Arras, en tentant de s’interposer face à un jeune homme fiché S et suivi par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).

Deux autres personnes ont été grièvement blessées lors de cette attaque au couteau, au cours de laquelle l’assaillant a crié “Allah Akbar” selon une source policière, dans un contexte de crainte d’attentats islamistes en France sur fond du conflit entre Israël et le Hamas.

Leurs jours ne sont plus en danger, selon une source proche du dossier.

Huit personnes sont en garde à vue

Huit personnes sont en garde à vue, dont l’assaillant et des membres de sa famille, a précisé une source policière. Le procureur antiterroriste, Jean-François Ricard, en charge de l’enquête, doit tenir une conférence de presse à 20H00 au tribunal judiciaire d’Arras.

L’enseignant tué, Dominique Bernard, un professeur de lettres, “s’est interposé d’abord, et a sans doute sauvé lui-même beaucoup de vies”, a affirmé, depuis le lycée Gambetta, dans le centre-ville d’Arras, le président de la République Emmanuel Macron, appelant les Français à rester “unis” et à “faire bloc” face à “la barbarie du terrorisme islamiste”.

Fiché S

L’assaillant, Mohammed Mogouchkov, est fiché S et âgé d’une vingtaine d’années. Né selon l’administration française à Malgobek, dans la république russe à majorité musulmane d’Ingouchie, il a été initialement présenté par plusieurs sources policières comme d’origine tchétchène, comme l’était l’assaillant de Samuel Paty.

Selon l’une de ces sources, il est de nationalité russe et est arrivé en France en 2008.

“Suivi actif”

Son profil s’apparente “à un individu radicalisé dont le potentiel est connu, mais qui décide subitement de passer à l’acte, rendant difficile sa neutralisation”, a expliqué à l’AFP une source au renseignement.

Il “faisait l’objet d’un suivi actif” de la DGSI et avait été contrôlé jeudi “sans qu’aucune infraction ne puisse lui être reprochée”, a ajouté cette source.

Un de ses frères avait “été interpellé à l’été 2019 par la DGSI dans le cadre d’un projet d’attentat déjoué puis de faits d’apologie et est écroué”, a encore dit cette source.

Selon une source policière, l’enseignant tué a reçu un coup de couteau à la gorge ainsi que dans le thorax.

Interpellé à l’aide d’un taser

Les deux blessés sont un professeur d’EPS, d’après la source proche du dossier, et un agent du lycée, atteint de plusieurs coups de couteau, selon une source policière. Aucun élève de l’établissement n’a été blessé.

Un témoin de l’attaque, Martin Doussau, professeur de philosophie, a décrit à l’AFP un mouvement de panique à l’intercours lorsque les élèves ont été informés de la présence d’un homme armé et rapidement confinés.

“Il a agressé un personnel de la cantine. J’ai voulu descendre pour intervenir, il s’est tourné vers moi, m’a poursuivi”, a-t-il ajouté. “On s’est barricadés, puis la police est arrivée et l’a immobilisé.”

Selon le récit d’une source policière, après le meurtre de l’enseignant, l’agresseur a tenté de voir le proviseur, sans succès, avant de descendre dans la cour, de s’en prendre l’agent du lycée, puis d’être interpellé à l’aide d’un taser.

Des vidéos sur les réseaux sociaux montrent un jeune homme, pantalon noir et veste grise, se battre avec plusieurs adultes dans la cour de l’établissement.

Mohammed Mogouchkov “ne pouvait être expulsé” car il est entré en France avant l’âge de 13 ans, a-t-on précisé dans l’entourage de Gérald Darmanin.

Deux syndicats, le Snes-FSU et le SE Unsa, ont affirmé à l’AFP que l’assaillant était “un ancien élève” de cet établissement d’environ 1.500 élèves.

Une autre tentative d’attentat

Selon Emmanuel Macron, qui devait présider une réunion de sécurité à l’Elysée à 18H45, le proviseur a décidé de rouvrir les lieux samedi pour les élèves et les enseignants “qui le souhaitent”.

Le chef de l’Etat a révélé qu’une autre “tentative d’attentat”, “dans une autre région”, avait été déjouée, référence, selon le ministère de l’Intérieur, à l’arrestation à Limay (Yvelines) d’un homme connu pour “radicalisation”, un dossier pour lequel le parquet anti-teroriste n’a pas été saisi.

L’attaque d’Arras intervient presque trois ans jour pour jour après l’assassinat de Samuel Paty, décapité à 47 ans le 16 octobre 2020 pour avoir montré des caricatures de Mahomet lors de cours sur la liberté d’expression.

Le ministre de l’Education Gabriel Attal et celui de l’Intérieur Gérald Darmanin ont demandé le renforcement de tous les établissements scolaires et les organisations syndicales des enseignants seront reçues rue de Grenelle dans la soirée.

La classe politique a exprimé son “effroi” et les députés ont respecté une minute de silence devant l’Assemblée nationale.

“Cibler l’école, les professeurs, les agents, c’est s’attaquer à la République“, a accusé vendredi Elisabeth Borne sur X.

Depuis l’attaque de Charlie Hebdo en janvier 2015, qui a fait 12 victimes, une vague d’attentats jihadistes a fait plus de 260 morts en France.

Selon le gouvernement, la police continue à déjouer régulièrement des projets d’attentats islamistes en France – une quarantaine depuis 2017.

© Agence France-Presse