JO 2024 : plusieurs centaines de manifestants contre la nouvelle tour des juges

La marche à Teahupo’o s’est déroulée dans le calme entre la mairie et la pointe Fare Mahora, où la cérémonie s’est achevée par la mise à l’eau d’un unu par des surfeurs (Photos : ACL/LDT).
Temps de lecture : 4 min.

Dimanche 15 octobre 2023, plusieurs centaines de personnes ont répondu à l’appel lancé par l’association Vai Ara O Teahupo’o. Quelques jours plus tôt, ses membres faisaient état des risques environnementaux liés au projet d’implantation de la nouvelle tour des juges, calibrée pour les épreuves de surf des Jeux Olympiques de Paris 2024.

Un élan commun pour la nature et les traditions

Le départ a été donné vers 11 heures entre l’école Ahototeina et la mairie, les enfants de Teahupo’o en tête du cortège guidé au son du pahu et des pu. Planches de surf, rames, palmes ou couronnes de ‘auti en main, les manifestants ont marché dans le calme vers le PK 0, sous escorte de la police municipale et des pompiers. Sur les banderoles tendues par des branches de purau, les messages appelaient au respect de la nature et des traditions. Le franchissement de la rivière Fau’oro s’est fait en petit groupe par l’ancienne passerelle.

Les manifestants se sont retrouvés à la pointe Fare Mahora, où des chants ont accompagné le tressage des feuilles de ‘auti et l’attache du nape au unu sculpté par des habitants de Teahupo’o et transporté depuis la mairie. Un moment de communion entre les participants, qui se sont donné la main en cercle sur cette partie de la plage la plus proche de la passe Hava’e. Une dizaine de surfeurs se sont ensuite mis à l’eau pour aller fixer la sculpture sur les fondations de la tour actuelle, comme “une offrande de la terre à l’océan en signe d’unité, de protection et de tapu”.

“On n’est pas d’accord pour cette tour en aluminium. On veut que la tour en bois puisse être réutilisée”, a rappelé la présidente de Vai Ara O Teahupo’o, Cindy Otcenasek. “Aujourd’hui, l’objectif, c’était de montrer que nous, Vai Ara O Teahupo’o et le collectif Mata Ara Ia Teahupo’o, ne sommes pas les seuls à ne pas vouloir dire oui à tout. Il y a des résidents de Teahupo’o et de tout Tahiti qui soutiennent l’action”, nous a confié la jeune femme, qui promet “d’autres étapes” en plus de la pétition manuscrite lancée lors de la marche, bientôt complétée par une version numérique.

Une réunion “décisive”, lundi 16 octobre

Si quelques élus municipaux “venus pour voir” ont été aperçus aux abords du cortège, l’association organisatrice n’a pas eu l’occasion de dialoguer directement avec le Pays ou Paris 2024 depuis la conférence de presse du lundi 9 octobre 2023. Une rencontre à l’initiative de la ministre des Sports est programmée demain, lundi 16 octobre 2023, dans les locaux de l’IJSPF, à Pirae. L’invitation a été lancée vendredi 13 octobre 2023 par mail, à l’intention de plusieurs “représentants d’association environnementale, touristique et de riverains de Teahupo’o”. Pour Annick Paofai, présidente de l’association de protection du Fenua ‘Aihere, “ce sera une réunion décisive”.

Dans une interview accordée cette semaine à Tahiti Infos, Nahema Temarii a indiqué vouloir “pousser le curseur environnemental” et “consolider les garanties” à travers plusieurs consultations concernant les risques liés aux pieux et à la ciguatoxine. Elle a également prévenu : “pas de tour aux normes, pas de JO”. Un “gros problème” qui la pousse à vouloir “continuer à travailler ensemble”.

La parole aux manifestants

Ismaël Huukena, résident de Papeno’o : “Je suis venu pour soutenir cette manifestation contre ce projet de tour à 527 millions de francs qui va détruire ce récif juste pour quelques jours de compétition. Je m’inquiète beaucoup pour cette passe très connue de Teahupo’o. Je me sens concerné par tout ce qui se passe dans l’océan pour protéger l’environnement. J’ai nagé de Teahupo’o jusqu’à Punaauia et de Tautira jusqu’à Teahupo’o. Je suis là par reconnaissance pour Teahupo’o, qui m’a toujours aidé lors de mes traversées”.

Moea, Tahia et leur famille, résidents de Teahupo’o : “Par rapport à la construction sur le lagon, on tenait à participer à cette marche. Heureusement que les associations de Teahupo’o nous informent. C’est important : on ne peut pas rester sans rien faire. Ce qui nous inquiète, ce sont les répercutions sur notre village, sur la faune et sur la flore. La plage, c’est le terrain de jeu de nos enfants. On a l’impression que tout ce qui compte, ce sont les JO, mais pas l’après-JO, c’est-à-dire nous, parce qu’on habite là !”.

Moea Pereyre, directrice de l’association Tia’i Fenua : “J’ai l’impression que c’est comme un bras de fer entre la population et les hautes instances décisionnaires sur ce dossier. On peut penser qu’on est tout petit, mais on ne peut juste pas laisser passer. Le fait qu’on soit tous réunis ici, et pas que des surfeurs, ça signifie bien l’importance de ce sujet. J’en ai eu les larmes aux yeux quand nous étions tous en cercle : c’était puissant, il y avait un vrai mana ! Quand on voit une telle communion, c’est qu’il y a de l’espoir”.

Moeata Galenon, capitaine de Faafaite : “Nous sommes une quinzaine de représentants, issus de communes et d’îles différentes. Nous venons soutenir l’association Vai Ara O Teahupo’o, parce qu’ils ont des arguments très censés. Ils tirent la sonnette d’alarme et ça nous interpelle. En espérant que leur voix sera entendue jusqu’au COJO, car ce n’est pas une mince affaire”.

Mira Vehiatua, militante environnementale et culturelle : “Je suis originaire du Fenua ‘Aihere de Teahupo’o et de Tautira. Ça me touche et ça me concerne. Tout ce qui vient détruire la nature, comme le dynamitage de la montagne Tahuareva, je suis contre. Ça continue, or il faut que ça cesse. Il faut être solidaire : l’union fait la force ! Nous n’avons pas la même vision des choses avec les organisateurs des JO, alors notre but, c’est de minimiser les dégâts. Car c’est nous qui les subirons ensuite”.

Owen Milne et Lennix Smith, surfeurs australiens : “Nous sommes là pour protéger la vague de Teahupo’o, tout simplement. C’est un endroit magnifique où nous passons toujours de très bons moments. Nous aussi, nous pensons qu’il peut y avoir un danger pour le récif et la vague. On pense qu’il n’y a pas besoin de changer le modèle de la tour, qui est utilisée chaque année par la WSL et qui fonctionne très bien comme ça”.

Taiano Teiho, membre des Coral Gardeners : “Il y a une crainte par rapport à l’aménagement de cette tour sur le récif. Nous, on ne peut pas concevoir le fait qu’il y ait un seul corail déplacé ou cassé pour si peu de temps de compétition. En tant que planteurs et cultivateurs de coraux, on se sent très concerné. On rencontre le même problème avec des aménagements à Moorea. Il est normal de venir aider Teahupo’o, car nous sommes tous Polynésiens”.